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Visite de Macron aux Etats-Unis : Les limites de la diplomatie française (Opinion)

Esma Ben Said  | 27.04.2018 - Mıse À Jour : 27.04.2018
Visite de Macron aux Etats-Unis : Les limites de la diplomatie française (Opinion)

Tunisia

AA/Tunis/Slah Grichi

L'ambiance devait être lourde dans l'avion présidentiel qui le ramenait à Paris mercredi dernier; à la hauteur de la désillusion et de l'échec diplomatique qui ont caractérisé son premier grand test de chef d'Etat qui croyait pouvoir hisser son pays au rang de grand décideur dans le monde.

Macron est allé aux States plein d'enthousiasme, annonçant d'avance son intention d'infléchir les positions de l'intrépide Trump sur au moins trois dossiers, l'accord sur le nucléaire iranien que le président américain considère comme un désastre, le commerce avec l'Europe et la réimposition de taxes sur ses produits ainsi que le retour des Etats Unis à l'accord de Paris sur le réchauffement climatique.

Son opération de charme, l'échange d'embrassades, d'accolades, et de tapes complices sur l'épaule, ou encore les discours en anglais n'ont pas fait bouger d'un iota les positions du locataire de la Maison blanche. Pire, ce dernier en vieux loup, a amené le jeune Macron à faire marche arrière sur la question du nucléaire iranien et à pratiquement se placer dans son sillon.

Un sacré coup pour la diplomatie française et même celle de l'Europe dont Merkel aura à subir le contre-coup lors de la visite de travail qu'elle effectue à partir de ce vendredi à Washington. Ou bien aura-t-elle les ressources de faire entendre un autre son de cloche à Trump?

Trump l’imperturbable

Pour le dossier de l'accord sur le nucléaire iranien et face à la volonté manifestée par son hôte d'en faire sortir son pays dès ce 12 mai, Macron s'est rabattu, comme pour l'amadouer, sur l'idée d'un "rééquilibrage" de cet accord dans un cadre plus large qui imposerait à l'Iran les conditions à même, selon lui, d'arrêter ses intentions expansionnistes et de l'empêcher d'être une source de tensions dans la région. Ce que d'ores et déjà, Téhéran, Moscou et Pékin ont rejeté. Mais même cette proposition de réajustement n'a pas recueilli de réponse claire, puisque le président français a admis ne pas connaître ce que décidera son homologue américain dans deux semaines, à part la sortie des Etats Unis de l'accord qui lui semble ne pas faire de doute.

Aucun changement non plus dans les positions de Trump quant à un retour américain à la Convention de Paris sur le réchauffement climatique ou quant à l'exemption douanière sur l'acier et l'aluminium européens qu'il envisage de taxer à partir du 1er mai de 5 et 15%.

Son hôte qui lui dispensait généreusement sourires éclatants et marques de sympathie manifeste, restait de marbre sur le fond. Il s'amusera même à l'embarrasser, avec un paternalisme perfide, par des gestes et des félicitations équivoques. comme lorsqu'il a épousseté sous le feu des caméras quelques pellicules du revers de sa veste, ou quand il a salué sa politique ferme en ce qui concerne l'immigration. Venant de Trump dont les positions sur les immigrés et les demandeurs d'asile font légion, ce compliment n'en est vraiment pas un.

Je t'aime; moi non plus

A la décharge de Macron d'avoir été plus loquace et plus convaincant à chaque fois où il n'était pas accompagné par le président américain dont il se "vengera" d'ailleurs en précisant, lors d'une conférence de presse, que la France ne construisait pas des murs autour d'elle (allusion claire au projet de mur sur la frontière mexicaine), avant de se demander si sa politique relative à l'immigration ressemblait à celle des Etats Unis. En tout cas, les parades joviales et d'entente se sont fissurées par le discours même d'Emmanuel Macron qui, devant le Congrès, étalera au grand jour tous les points de divergence avec Trump, torpillant en douce les fondements des choix et de la politique de ce dernier.

C'est ainsi qu'il défendra, par exemple, le multilatéralisme contre le repli nationaliste et assurera qu'il n'y a pas de planète B et qu'on ne peut pas protéger l'industrie aux dépens de l'environnement. Il défiera même son hôte dans son dos, en exprimant sa conviction que les Etats Unis finiront par réintégrer l'Accord de Paris.

Une attaque en règle et en douce qui ne s'arrêtera pas là, puisqu'il affirmera encore que "la colère ne construit pas... Qu'on ne mène pas une guerre commerciale contre ses alliés...et quand on ferme la porte au monde, le monde n'arrêtera pas d'évoluer...". Et pour qui connaît Trump le coléreux et le protectionniste, il peut aisément croire qu'il était le point de mire de ce discours. Cela explique les ovations nourries qu'il a recueillies, surtout de la part des parlementaires démocrates.

Voilà donc une visite où l'apparat et la complaisance diplomatiques ont pris le dessus sur les problèmes de fond. Elle a démontré, encore une fois, à quel point le président américain fait fi du monde, y compris de ses alliés, face aux intérêts de son pays, ou plutôt de ceux qui en ont fait un chef d'Etat. Macron pour qui l'essentiel est de continuer de dialoguer (continue-t-il à y croire en ce qui concerne Trump?) et la France n'y peuvent rien. Merkel fera-t-elle mieux?




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