Au Congo, des braconniers deviennent gardes-forestiers
Tandis que les chiffres sur le braconnage augmentent en Afrique, le Congo expérimente une nouvelle forme de protection des animaux: la reconvesrsion d'anciens braconniers en gardes-forestiers.

Sangha
AA/Pointe Noire/Bibi Moundélé
Il est encore cinq heures du matin et Fléchi Makaya est déjà debout depuis plus d’une heure. Garde-forestier dans le parc de Conkouati-Douli, un village situé à environ 140 km de Pointe Noire, la deuxième plus grande ville congolaise, il commence toujours ses journées par une marche dans la forêt, en observant attentivement le sol et les branchages.
« Je regarde pour voir si des pièges ont été posés afin d’attraper les chimpanzés. Je cherche également tout indice qui puisse me signaler la présence d’un braconnier », explique Fléchi Makaya, rencontré par Anadolu à Conkouati-Douli.
Son travail quotidien consiste à prendre soin des animaux, des espèces protégées pour la plupart, et de les mettre à l'abri d'éventuelles attaques de braconniers.
Si Makaya sait si bien repérer ces pièges, c’est parce qu’il est, lui-même, un ancien braconnier.
« Durant de longues années, j’ai tué les animaux. Ici, au village, nous apprenons à chasser dès l’enfance et nous n’avons même pas conscience de ce que c'est une espèce protégé. Nous tuons tout ce que nous rencontrons sur notre chemin», explique-t-il.
Après plusieurs heures de marche, Makaya ne trouve rien d’inquiétant à signaler, mais il assure que parfois, des pièges sont trouvés.
Au Congo comme dans plusieurs pays du continent noir, le braconnage est grandissant et est en passe de devenir un fléau national.
Les animaux les plus prisés sont les éléphants, chassés pour leur ivoire, le chimpanzé, le crocodile ainsi que les serpents. Pour ce qui est des éléphants par exemple, les chiffres officiels les plus récents révèlent que le pays a perdu près de 5.000 éléphants entre 2009 et 2011, à cause du braconnage.
Sur le plan continental, le rapport 2014 du secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites) indique que plus de 20 mille éléphants ont été, illégalement, tués en Afrique en 2013. Un chiffre jugé "alarmant" par l’organisme international qui régule le commerce international de certains animaux.
« Je prenais trop de risques pour un revenu moindre. Dans le braconnage, le chasseur prend le risque, le commerçant récolte l’argent », dit Makaya pour expliquer pourquoi il a arrêté le braconnage. Parmi ces risques, il y a la prison. Makaya a passé deux ans en détention, une période de solitude qui l’a décidé à changer de métier. La loi sur la protection de la faune existe au Congo depuis 2008. Elle prévoit une peine d’emprisonnement allant de deux à cinq ans pour les personnes prises en possession d’espèces protégées.
« Les braconniers connaissent à la fois les animaux et les techniques utilisées pour nuire à ces animaux. C’est une bonne chose qu’ils se transforment en protecteur de ces animaux », déclare à Anadolu Aliette Jamart, une française qui dirige depuis plus de 20 ans, une association qui accueille et soigne les chimpanzés avant de les relâcher dans la nature.
"Outre le revenu stable qu'il leur procure, ce métier est prisé par beaucoup d'anciens braconniers parce qu'il n'exige pas de ces habitués des parcs et des animaux, une nouvelle expertise", poursuit Aliette Jamart.
A ce jour, il est difficile de connaitre le nombre exact d’anciens braconniers repentis car ils travaillent de manière indépendante avec divers organismes de protection de la faune, a déclaré Jamart précisant qu'elle en connait au moins 10 sur la centaine d’employés du parc. Plus on va arrêter et emprisonner les braconniers, plus on aura de chances de freiner le braconnage »,
Les chimpanzés dont l’association d’Aliette Jamart s’occupe, lui sont confiés par les autorités administratives. Il s’agit pour la plupart d’animaux récupérés chez des braconniers. Son équipe apporte également de temps en temps un appui logistique aux eco-gardes du parc de Conkouati-Douli.
Le parc qui existe depuis 1999 se présente sous forme de petites îles et est géré conjointement par le ministère congolais en charge des forêts et certaines ONG telles que le Wildlife Conservation Society (WCS) et Help Congo. Il abrite des dizaines d’espèces différentes allant du chimpanzé au gorille en passant par le léopard, le mandrill, l’éléphant, le crocodile, divers serpents et tortues.
Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.