Afrique

Vendredi, jour béni pour les Musulmans, dénaturé par les djihadistes

Mener des actions de terreur le vendredi serait pour réaffirmer l'ancrage prétendument religieux de l'action d'un groupe, souvent privé d'occasion de le clamer, à mesure que son idéologie est déconstruite par des connaisseurs de l'islam.

Mohamed Hedi Abdellaoui  | 09.02.2016 - Mıse À Jour : 10.02.2016
Vendredi, jour béni pour les Musulmans, dénaturé par les djihadistes

Tunis

AA/ Tunis/ Mohamed Abdellaoui

Jour de recueillement pour les Musulmans, le vendredi rime également, dans des zones endeuillées par le terrorisme en Afrique subsaharienne, avec les pires exactions commises par différents groupes armés, aussi bien affiliés à Daech qu'à Al-Qaïda.

Ce choix obéit, toutefois, à une logique différente de celles d'autres marqueurs spatiaux et temporels (les marchés visés les week-ends) des attaques terroristes, selon des observateurs.

La dernière attaque terroriste en date a été perpétrée à Tombouctou, vendredi dernier. Revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), elle a visé une base de l’ONU ainsi qu'un hôtel abritant des Casques bleus. Bilan: 4 morts.

Vendredi, 29 janvier 2016 au Nigéria: un attentat-suicide commis par un adolescent relevant de Boko Haram dans un marché à Gombi (Nord) a fait au moins 10 morts.

Un peu plus tôt au Burkina Faso, un vendredi 15 janvier, un attentat revendiqué par AQMI à Ouagadougou a fait au moins 32 morts et des dizaines de blessés.

La même journée n’a pas été moins sanglante en Somalie, où un camp de l'Union africaine a été attaqué par des éléments du groupe extrémiste « Shebab », faisant au moins 52 morts.

Le 20 novembre 2015, également un vendredi, une attaque et une prise d’otages perpétrée par AQMI dans un grand hôtel de Bamako ont coûté la vie à 21 personnes et fait 7 blessés.

Le 16 octobre de la même année, un vendredi, un double attentat suicide attribué à Boko Haram dans l’Extrême-Nord camerounais, a causé la mort de près d'une dizaine de personnes.

Ce choix rappelle que pendant "la décennie noire", en Algérie, le Groupe Islamique armé (GIA) intensifiait particulièrement ses attaques pendant le Ramadan, mois saint pour les Musulmans. Quoique différente, il s'agit là encore de l'application d'un critère temporel à connotation religieuse.

Interrogé par Andolu, Arona Ndiaye, universitaire sénégalais s'intéressant notamment au fait religieux, estime que "tout est fait pour dénaturer le rites religieux, en leur ôtant toute connotation positive. Au lieu de cela, les terroristes cherchent à installer la culture de la terreur".

Le choix du vendredi se démarque, toutefois, d'autres marqueurs spatio-temporels choisis par les organisations terroristes, comme le fait, pour Boko Haram, de viser des marchés hebdomadaires, se tenant les week-ends, pour maximiser le nombre de victimes.

Jour béni pour les Musulmans, le choix du vendredi serait plutôt pour réaffirmer l'ancrage prétendument religieux de l'action d'un groupe souvent privé d'occasion de le clamer, à mesure que son idéologie est déconstruite par des connaisseurs de l'islam.

Pour Arona Ndiaye, qui enseigne le Droit public à l'Université de Dakar, il s'agit d'une "quête d'une prétendue légitimité".

"Ce sont surtout les attaques des branches africaines des multinationales du terrorisme qui ont recours au vendredi. Peu d'occasions s'offrent à eux pour rappeler le moteur prétendument religieux de leur action. Ils ont alors recours au choix du vendredi pour le rappeler", estime Ndiaye.

Il n'exclue pas, non plus, que le choix de ce jour obéisse à des considérations tactiques "je pense que le lavage de cerveau des jeunes candidats au suicide est un autre facteur explicatif dans la mesure où ils sont également sensibles à l'idée de mourir vendredi, pensant, dans leur naïveté et ignorance, que c'est une action d'autant plus bénéfique".

Autant de facteurs rappelant la nécessité d'une lutte globale contre le terrorisme, ainsi que le rappelait, Gilles Olakounlé Yabi, un analyste politique béninois, dans un article publié récemment par le Monde.

"En plus des réponses ancrées dans la compréhension des contextes locaux et régionaux spécifiques, le monde et l’Afrique ont effectivement besoin aussi d’une réponse globale aux vecteurs majeurs de l’insécurité dont font partie les groupes qui recourent au terrorisme", écrivait cet initiateur de WATHI, un think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest.


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