Tunisie : Saïed limoge 24 responsables depuis l'annonce de ses « mesures d’exception » (Encadré)
- Les limogeages ont touché le Chef du gouvernement, deux ministres et d'autres hauts responsables. Nombre d'observateurs prévoient de nouvelles mesures similaires qui engloberaient les structures du pouvoir local

Tunisia
AA / Tunis / Yemna Selmi
A un rythme effréné et intense, la Tunisie connaît, depuis quelques jours, une vague de limogeages de hauts-responsable dans des institutions gouvernementales, des ministères régaliens et dans l'appareil de la justice, qui a mis fin aux fonctions de 24 responsables jusqu'à mercredi soir.
Cette vague a été enclenchée après la prise de « mesures d’exception » annoncées, dimanche soir, par le président tunisien, dans la soirée d'une journée marquée par des protestations populaires, qui ont réclamé la chute de l'intégralité du système en place, accusant au passage l'opposition d'échec, sur fond d’une crise politique, économique et sanitaire.
Au cours d'une réunion d'urgence avec des dirigeants militaires et sécuritaires, Saïed a annoncé le limogeage du Chef du gouvernement Hichem Mechichi, accaparant le pouvoir exécutif avec l'aide d'un gouvernement, dont le chef sera désigné par ses soins. Il a également décidé la suspension des activités du Parlement pour une durée de 30 jours et la levée de l'immunité des députés, aussi a-t-il assumé la présidence du Ministère public (Parquet).
La série de limogeages annoncée par la présidence de la République n'a pas été accompagné de détails portant sur les motifs et les causes de ces mesures. Nombre d'observateurs prévoient qu’au cours des prochains jours, cette vague touchera des structures médianes et locales, en particulier, les gouverneurs, de même que la suspension de certains conseils municipaux est envisageable.
** Méchichi et deux ministres
Au lendemain de l'annonce des « mesures d'exception », Saïed a promulgué un décret présidentiel portant limogeage de Hichem Mechichi, Chef du gouvernement et ministre de l'Intérieur par intérim, de Brahim Barteji, ministre de la Défense, et de Hasna Ben Slimane, ministre auprès du Chef du gouvernement chargée de la Fonction publique et détentrice du portefeuille de la Justice par intérim.
La Présidence a indiqué que ces limogeages sont entrés en vigueur depuis le dimanche 25 juillet courant.
Pour combler cette vacance gouvernementale, la Présidence a décidé que les Secrétaires généraux ou les responsables en charge des Affaires administratives et financières à la Présidence du gouvernement et dans les départements cités, seront chargés de gérer les affaires courantes jusqu’à la nomination d'un nouveau Chef de gouvernement et de nouveaux ministres.
Jusqu’à mercredi, la Présidence tunisienne n'a pas nommé de ministres pour remplacer ceux qui ont été remerciés ni de Chef de gouvernement.
** Assentiment au limogeage
Quelques heures après avoir été remercié, Mechichi a brisé le silence pour annoncer, lundi soir, qu'il « n'est attaché à aucun poste au sein de l'appareil d'Etat et qu'il assurera la passation de pouvoir au Chef du gouvernement qui sera chargé par le président de la République à cet effet ».
A travers une publication postée sur sa page officielle du Réseau social « Facebook », Mechichi a écrit : « En aucun cas, je ne peux me permettre d’être un élément perturbateur ou compliquer davantage la situation dans notre pays ».
« Pour préserver la sécurité de tous les Tunisiens, j'annonce mon adhésion, comme à mon habitude, aux aspirations du peuple et déclare que je ne m'attache à aucun poste de responsabilité au sein de l'Etat », a-t-il ajouté.
De leur côté, les ministres de la Défense et de la Fonction publique n’ont pas réagi à leurs limogeages respectifs.
Barteji a été nommé ministre de la Défense dans le gouvernement de Mechichi, qui avait obtenu l'investiture du Parlement au mois d'août 2020, en concertation avec Kaïs Saïed, conformément au texte de la Constitution qui indique que le champ de la défense nationale relève des prérogatives du président de la République.
** Des postes supérieurs
Mardi soir, la Présidence tunisienne a annoncé une série d'autres limogeages qui a touché de hauts responsables dans l'appareil de l'Etat, selon le Journal officiel de la République Tunisienne (JORT).
En vertu d'un décret présidentiel, Saïed a démis de leurs fonctions le procureur général du parquet militaire, le lieutenant-colonel Tawfik Laayouni, ainsi que le président de l’Instance publique des martyrs et des blessés de la Révolution et des actes terroristes, Abderrazzak Kilani.
Il a également démis le chef de cabinet du chef du gouvernement limogé, Moez LidineAllah Mokaddem, et le Secrétaire général du gouvernement, Walid Dhahbi.
De même, les huit conseillers du Chef du gouvernement limogé ont été à leur tour remerciés. Il s’agit d’Oussama Khériji, Abdessalam Abbassi, Mofdi M’seddi, Zakaria Belkhouja, Salim Tissaoui, Rached Ben Romdhan, Elyes Ghariani et Hasan Ben Amor.
La vague de limogeages a touché également neuf chargés de mission au sein du cabinet du Chef du gouvernement démis. Il s’agit, notamment, de Mohamed Ali Laroui, de Mongi Khadhraoui, de Nabil Ben Hadid, d’Ibtihel Attaoui, de Bassem Kchaou, de Rawdha Ben Salah, de Houcemeddine Ben Mahmoud, de Fathi Bayyar et de Besma Daoudi.
Mercredi, le Président-directeur général de l'établissement de la télévision d'Etat tunisienne a été démis de ses fonctions.
Dimanche soir, Saïed a décidé des mesures d'exception afin de « sauver l'Etat tunisien », mais la majorité des partis politiques a rejeté lesdites mesures, les qualifiant de « putsch contre la Constitution », tandis que d'autres les ont appuyées, estimant qu'il s'agit d'une « restauration du processus ».
La Tunisie est considérée comme étant le seul pays arabe qui a réussi son processus de transition démocratique, parmi d'autres qui ont été le théâtre de révoltes populaires ayant abouti à renverser les régimes en place, dont l'Egypte, la Libye et le Yémen.
Mais, à maintes reprises, des personnalités tunisiennes ont accusé des pays arabes, en particulier, ceux de la région du Golfe de mener une contre-révolution pour faire capoter le processus de transition démocratique en Tunisie, de peur que cette dynamique ne touche les régimes en place dans cette région.
*Traduit de l’Arabe par Hatem Kattou
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