Afrique

Tunisie: Le Parc du Belvédère, "poumon vert de la capitale" face au défi de l'aménagement urbain

Poumon vert de la capitale tunisienne, le Parc du Belvédère, sur le point d'être classé patrimoine national, fait face aux défis de l'urbanisme et des appétences...

Esma Ben Said  | 29.10.2017 - Mıse À Jour : 29.10.2017
Tunisie: Le Parc du Belvédère, "poumon vert de la capitale" face au défi de l'aménagement urbain

Tunis

AA/Tunis/Afef Toumi

Dans la capitale tunisienne, respirer de l’air frais et apaiser la vue par la verdure ne sont pas toujours évidents. Pour y parvenir, il faut se rendre dans l'un des espaces verts, de plus en plus rares à Tunis, en l'occurence au Parc du Belvédère.

C'est un parc, dont la création remonte à la fin du 19ème siècle. Cet espace, souvent qualifié de «poumon de la capitale», est unique en son genre. Il s'agit d'un milieu naturel ouvert, accessible à un prix symbolique, une vraie échappatoire, notamment pour les enfants, qui y vont pour changer d’air, jouer en pleine nature et surtout rencontrer des animaux, que l'on ne peut voir qu'à la télévision ou dans un documentaire.

Ce vieux Parc de 120 ans s’étale sur une colline de plus de 100 hectares, majoritairement recouverts d’arbres forestiers, tels que l'eucalyptus, de diffiérentes catégories de chênes et des plantes très variées. Dans les entrailles de cet espace, on a aménagé le très célèbre zoo du Belvédère. Un bonheur absolu, dont ont été témoins près de 10 générations de Tunisiens, de la Capitale ou des régions intérieures, le long des années.

Source de bonheur, ce parc est aujourd'hui confronté à une réelle menace, n'ayant pas manqué de choquer les Tunisiens, toutes génération confondues. C’est l’idée d’un nouveau Plan d’Aménagement Urbain (PAU).

Le PAU avait surgi la première fois en 1989. Il prévoit une voie express de 40m de large à travers le parc. Le but est de fluidifier la circulation sur les routes qui l’entourent, souvent encombrées aux heures de pointe. C’est du moins ce qui a été expliqué par les autorités aux médias.

«Je trouve que ce projet est en train d’être muri sur un feu doux. La preuve que son exécution tarde encore, certes, grâce à la résistance de l’Association des Amis du Belvédère et des citoyens qui se sentent touchés», indique Rima, une jeune fille habitant aux alentours du parc.

Elle ajoute qu’elle y va quotidiennement pour une heure de marche le matin et qu’elle n’est pas la seule à profiter de cet espace vert «qui absorbe la quasi-totalité de la pollution de la ville».

Rima avoue être contre l’idée du PAU et assure que le moindre pas mené dans ce sens ne serait pas sans effet sur les citoyens et sur les acteurs de la Société civile qui luttent pour la protection et l’entretien du Belvédère, «ça ne passera pas inaperçu, et par aucun moyen ce plan ne sera exécuté», poursuit la jeune fille.

En effet, l’Association des Amis du Belvédère (AAB) a longuement résisté à ce plan et a mobilisé les citoyens pour s’y opposer, entre autres, à travers une pétition lancée en ligne, il y a un an.

«Ce projet exhumé détruira des composantes végétales et architecturales de ce patrimoine, isolera les populations, celles dont le lieu d’habitation se situe aux confins du parc et qui s’y rendent régulièrement, menacera la sécurité des usagers et altérera la mémoire collective des Tunisiens», lit-on dans le texte de la pétition.

Anouar Trabelsi, ancien membre de l’AAB, a déclaré à Anadolu, qu’avant la révolution de 2011, il avait mené une action contre une dame «proche de la femme de Ben Ali» [président déchu] qui avait déboisé plus de 80 arbres centenaires, «dans un silence complice de la municipalité».

«Elle avait démarré son chantier, mais, on avait pris l’initiative de faire venir un huissier. Cependant, l'action a été arrêtée à ce niveau-là», précise Anouar sans donner plus de précisions sur la nature du chantier que la dame avait l'intention d'ouvrir.

Quant au PAU, l’interviewé a indiqué qu’il serait plutôt relancé, ajoutant qu’il ne possède pas d’autres détails sur l’évolution de cette affaire à présent.

Dans ce sens, une alerte a été lancée le 24 septembre, par un enseignant universitaire, Chokri Mamoghli, mettant en garde contre toute intention de toucher au «poumon de la ville».

«Après les appétences constatées sur la réserve foncière de l'aéroport de Tunis-Carthage, un intérêt s'est élargi pour inclure la colline du Belvédère attenante aux quartiers huppés de Mutuelleville et de Notre Dame et véritable poumon de la ville», indique l’enseignant universitaire dans un post sur Facebook.

Cet avertissement est valable pour tout le parc, y compris pour la piscine municipale de la place Pasteur, volontairement non entretenue ainsi que pour le stade Chedli Zouiten. "Tunisiens préservez votre patrimoine, défendez le contre la mafia politico-foncière", a-t-il lancé.

Pour sa part, le président actuel de l’AAB, Zaïnelabidine Ben Aissa, apparait sur une vidéo, filmée dans le parc et diffusée en ligne, montrant deux villas construites sur le terrain du Belvédère, après avoir arraché quelques arbres.

«Il y a deux ans, plus de 60 arbres, plantés dans les années soixante, avaient été arrachés pour construire ces villas, sans permis de bâtir. Pourtant, nous avons protesté et adressé des lettres au ministère de l’Agriculture et à la mairie de Tunis», souligne Ben Aissa.

Pour recueillir une réponse officielle et définitive à ce sujet, une source bien informée au sein de la mairie de Tunis, contactée par Anadolu, a démenti tout ce qui circule sur l’intention d’exécuter le Plan d’Aménagement Urbain.

«Non ce n’est pas vrai, le Parc du Belvédère est en cours de classement comme patrimoine national et c’est l’Institut National du Patrimoine (INP) qui s’en occupe», précise la source.

Elle ajoute, dans ce contexte, que ces rumeurs surgissent de temps à autre de la part de certaines personnes, alors que la municipalité de Tunis collabore avec l’INP pour le classement du Parc.

Quant aux villas desquelles parlait le président de l’AAB, construites sur le terrain du Parc, la source assure qu’aucune lettre officielle pour protester n’a été reçue par la mairie, et si c’était vrai, la mairie n’opterait pas pour le silence, surtout après 2011.

Maintenant que le Parc du Belvédère est «exempté» du Plan d’Aménagement Urbain, redouté par les habitants de la Capitale et par les «Amis du Belvédère», ces derniers devraient se pencher sur la question du classement du Parc comme patrimoine.

Une fois classé par l’INP, le Parc sera définitivement à l’abri de toute transformation. Mais est-ce suffisant?

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın