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Tunisie – La reprise des protestations d’el-Kamour rouvre le dossier des droits aux richesses des régions (Interview)

- Depuis près d’un mois, des jeunes de la région ont repris des protestations lancées en 2017, pour revendiquer leurs droits au travail et la garantie de liquidités financières pour développer la région.

1 23  | 17.07.2020 - Mıse À Jour : 17.07.2020
Tunisie – La reprise des protestations d’el-Kamour rouvre le dossier des droits aux richesses des régions (Interview)

Tunisia

AA / Tataouine (Tunisie) / Haythem Mahdhi

Les protestations d’el-Kamour, dans le sud tunisien, ont relancé le débat sur le dossier des droits des habitants des régions et des provinces qui recèlent des richesses naturelles, qui constituent une des principales sources de revenus du pays.

Tataouine (sud-est) fait partie des principales provinces tunisiennes qui disposent d’une richesse naturelle (pétrole) qui rapportent des recettes financières importantes en allégeant également la facture de l’importation de produits énergétiques.

Depuis près d’un mois, des jeunes de la région ont repris des protestations lancées en 2017, pour revendiquer leurs droits au travail et la garantie de liquidités financières pour développer la région.

Tarek Haddad, porte-parole des protestataires d’el-Kamour a indiqué que leur contestation, qui a repris cette année, est considérée comme étant une sorte de «légitime défense» des richesses énergétiques de l’ensemble des Tunisiens dans les différentes régions du pays.

Dans une interview accordée à Anadolu, Haddad a appelé tous les citoyens à soutenir les protestations d’el-Kamour qui ont pour but de défendre les richesses pétrolières et les droits de l’ensemble des Tunisiens.

Selon des statistiques officielles, les champs de Tataouine contribuent à hauteur de 40% de la production tunisienne de pétrole et de 20% de gaz.

Le début des protestations d’el-Kamour remonte à l’année 2017 lorsque des groupes de contestataires avaient réclamé au gouvernement de fournir des postes d’emploi dans la région qui recèle d’importantes réserves de pétrole et de gaz.

Les protestations ont pris fin, à l’époque, par la signature d’un accord entre le gouvernement et les manifestants, portant sur la création d’un grand nombre de postes d’emploi dans le désert. Cependant, l’accord n’a pas été appliqué dans son intégralité, selon le porte-parole des sitinneurs.

Haddad a relevé que «la reprise des protestataires est intervenue après que le gouvernement n’ait pas honoré ses engagements en termes de création de postes d’emploi, tel que cela avait été mentionné dans l’accord d’el-Kamour, mais a choisi de recourir à la solution sécuritaire en lançant de manière intensive des bombes à gaz lacrymogène pour faire face à notre contestation».

«Nous demandons le parachèvement de l’embauche de 1500 personnes par les compagnies pétrolières de la province et l’emploi de 500 autres dans les entreprises d’environnement et de jardinage, tout en réservant des fonds d’une valeur de 80 millions de dinars (28 millions USD) qui seront versés dans un Fonds de développement de Tataouine», a-t-il poursuivi.

Haddad a ajouté : «la relation entre le gouvernant et le gouverné doit être fondée sur la clarté et le respect. Néanmoins, il ressort des pratiques du gouvernement de Fakhfakh que l’approche adoptée est celle du bâton».

La province de Tataouine occupe le premier rang en termes de chômage en Tunisie. Selon les chiffres officiels de l’Institut National de la Statistique (INS), le taux de chômage s’élève à 28,7%, alors que la moyenne du pays s’établit aux alentours de 16%.

La majorité des habitants de la région tirent leurs revenus du commerce transfrontalier (Libye) en raison, essentiellement, de l’absence de postes d’emploi dans la région.

Depuis plus d’une semaine, des dizaines de jeunes de Tataouine observent un sit-in dans la région désertique d’el-Kamour (zone de passage de la majorité des véhicules pétroliers, située à 110 Km du centre de la province), avant de s’établir dans un autre endroit à proximité de la station de pompage de pétrole dans le désert, menaçant de suspendre l’activité de la station.

Le porte-parole des sitinneurs a souligné : «Nous sommes contraints à l’escalade et à aller vers le blocage de la station de pompage et nous souhaitons que l’accord d’el-Kamour soit appliqué dans son intégralité avant d’atteindre ce point [de non-retour] ».

Protégée par l’armée, la station de pompage d’el-Kamour est considérée comme étant une installation énergétique vitale dans le désert de Tataouine.

C’est à travers cette station qu’est acheminée la production de l’ensemble des champs pétroliers et gaziers du désert vers les autres stations de la province de Gabès et de la ville de Skhira (province de Sfax).

En 2017, des protestataires ont bloqué la station avant que les militaires ne parviennent à la rouvrir.

Exprimant sa position officielle, le gouvernement tunisien a fait part de sa «compréhension» des revendications des protestataires Tataouine.

Dans une précédente déclaration faite à Anadolu, le conseiller du Chef du gouvernement, Jawhar Ben M’barek, qui effectuait, la semaine écoulée, une visite dans la province de Tataouine, a souligné que «le gouvernement est engagé à honorer toutes ses promesses faites dans le domaine de l’emploi à l’endroit de la province de Tataouine, y compris l’accord d’el-Kamour ». Cependant, la visite a été rejetée par la majorité des protestataires.

Haddad a relevé que «le gouvernement n’a pas encore réagi, à date, pour résoudre ce dossier. Je ne pense pas que la distance séparant la capitale de la province de Tataouine est assez lointaine pour les empêcher de venir dans notre région… Les revendications et les contestataires, qui sont légitimes, sont aux antipodes de leurs stratégies et de leurs approches de travail».

Le 20 juin dernier, les autorités tunisiennes avaient interpellé Tarek Haddad, sur fond de trois anciennes affaires qui n’ont aucun lien avec les protestataires, selon la version officielle à Tataouine.

Cependant, cette arrestation a accru la tension dans la région, générant des affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants qui se sont poursuivis deux jours durant, avant que la justice ne libère Haddad, au terme d’une semaine de détention.

Jusqu’à présent, le sit-in de près de 150 jeunes de la province de Tataouine continue à être observé près de la station de pompage dans la zone d’el-Kamour. Les protestataires ont indiqué que quitter les lieux est tributaire de la mise en œuvre par le gouvernement de l’ensemble de ses engagement, particulièrement, dans le secteur de l’emploi.

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