AA / Tunis / Yousra Ouannes

La cadence des événements s'est accélérée en Tunisie depuis, dimanche soir, immédiatement après l'annonce par le président de la République, Kaïs Saïed, de la suspension des activités du Parlement, du limogeage du Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, et de la prise en charge du pouvoir exécutif.

Saïed a indiqué avoir pris ces décisions « pour sauver l'Etat tunisien », bien que la majorité des partis ait rejeté ces mesures. Certains l'ont qualifié de « putsch » contre la constitution, alors que d'autres ont estimé qu'il s'agit d'une « restauration du processus ».

** Soirée du dimanche

• Le président tunisien a annoncé au cours d'une réunion d'urgence avec de hauts responsables sécuritaires et militaires le limogeage de Mechichi et la suspension des activités du Parlement pour une durée de 30 jours.
• Saïed décide de prendre en charge le pouvoir exécutif avec l'aide d'un Chef de gouvernement qu’il nommera ultérieurement
• Le Mouvement Ennahdha (premier bloc parlementaire, 53/ 217 sièges) a rejeté dans des déclarations faites par son président Rached Ghannouchi, par ailleurs président du Parlement, les décisions de Saïed, les qualifiant de « coup d'Etat contre la Révolution et la Constitution ».
• Riadh Chaibi, conseiller politique du chef du Mouvement, a appelé les institutions de l'Etat « à ne pas se soumettre aux décisions de Saïed ».

** Lundi

• Lundi à l'aube, une unité de l'armée empêche Ghannouchi et sa première vice-présidente, Samira Chaouachi, d'accéder au siège du Parlement
• Affrontements entre des groupes hostiles et d'autres favorables aux décisions de la suspension des prérogatives du Parlement, devant le siège de l’Assemblée des Représentants du Peuple, dans la capitale Tunis, et les forces de l'ordre interviennent pour s’interposer.
• Les forces de l'ordre envahissent le bureau de la chaîne satellitaire d'information Al-Jazira à Tunis et demandent au personnel présent d'évacuer les lieux.
• Saïed émet un décret par lequel il officialise le limogeage de Mechichi, ainsi que celui du ministre de la Défense, et celui de la ministre de la Fonction publique et de la Justice par intérim.
• Saïed décide de suspendre le travail, pendant deux jours, au sein des institutions gouvernementales, à l'exception des services de l'Armée, de la Police, de la Douane et de la Santé.
• Un communiqué du parlement condamne avec force la décision de Saïed, soulignant le rejet en bloc des mesures présidentielles par l’institution législative
• Ghannouchi a affirmé dans une déclaration faite aux médias que l’Assemblée des représentants du peuple poursuivra ses travaux
• L'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT, principale organisation syndicale au pays) réclame des « garanties constitutionnelles » qui accompagneraient les mesures d'exception annoncées par Saïed.
• La « Coalition Al-Karama » (18 députés) annonce son rejet en bloc des décisions de Saïed appelant le peuple à défendre sa liberté et sa révolution.
• Saïd indique qu'il a « pris cette décision en vertu des pouvoirs que lui accorde la Constitution et s'étonne que certains évoquent un putsch, relevant que ces mesures sont conformes à la constitution ».
• Saïed appelle, au cours d'une rencontre avec les membres du Conseil supérieur de la Justice, les Tunisiens « à ne pas s'enliser derrière les appels au chaos », mettant l'accent sur l'importance que revêt l'indépendance de la justice en cette phase délicate de l'histoire de la Tunisie.
• Mechichi a annoncé dans un communiqué qu'il transmettra la responsabilité à la personnalité qui sera chargée par le chef de l’Etat de présider le gouvernement et qu'il adhère comme à son habitude aux aspirations du peuple
• Abir Moussi, présidente du Parti Destourien Libre (PDL) et son bloc parlementaire (16 députés) ont salué les décisions de Saïed, appelant à la nécessité de procéder à une « réforme radicale ».

** Mardi

• Saïed démet de hauts responsables de leurs postes dans une nouvelle vague de limogeages, conformément à ce qu'a été publié dans un bulletin du Journal officiel de la République tunisienne
• Les limogeages ont touché le chef de cabinet du Chef du gouvernement démis et le Secrétaire général du gouvernement
• Les limogeages ont touché aussi l'ensemble des conseillers du Chef du gouvernement démis ainsi que le président de l'Instance publique des Martyrs et des blessés de la Révolution et des actes terroristes
• Le Mouvement Ennahdha a, selon un communiqué rendu public à l'issue d'une réunion d’urgence de son Bureau exécutif, appelé les forces politiques et civiles à intensifier les consultations au sujet des derniers développements afin de préserver les acquis démocratiques.

*Traduit de l’Arabe par Hatem Kattou