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Togo: Déploiement militaire intriguant à Lomé

- L’état-major Général des Forces armées togolaise rassure : "La situation ne devrait plus trop durer"

Lassaad Ben Ahmed  | 18.05.2018 - Mıse À Jour : 18.05.2018
Togo: Déploiement militaire intriguant à Lomé

Togo

AA/ Lomé/ Alphonse Logo

Alors que le dialogue politique entre le pouvoir du président togolais Faure Gnassingbé et l’opposition est au point mort depuis environ deux mois maintenant, un dispositif militaire a été déployé dans la capitale Lomé, depuis une semaine, sans information préalable, ni une quelconque explication, a constaté le correspondant de Anadolu.

On les voit partout dans le centre-ville, armes au point, avec une ceinture de sécurité renforcée autour du quartier administratif.

D’autres, à bord de leurs jeeps et autres véhicules militaires, circulent ou ordonnent aux passagers de s’arrêter pour fouiller leurs véhicules, la nuit tombée.

Au fur et à mesure que l’on s’éloigne du quartier administratif, le relais est pris par des gendarmes, tous, aussi armés.

Une situation embarrassante pour plusieurs Togolais, surtout qu’elle est inhabituelle selon des témoins rencontrés par Anadolu à Lomé.

«Généralement, c’est seulement durant les jours de manifestations de l’opposition qu’on les voit et on comprend qu’ils ont l’intention d’empêcher ou d’étouffer la mobilisation de l’opposition», constate Marc Aklesso, vendeur en téléphonie dans le centre-ville de Lomé, interrogé par Anadolu.

«Maintenant, nous ne comprenons plus rien. Ils sont là partout, armes au point, visages serrés (…) Moi personnellement, ça m’inquiète... On ne sait pas pourquoi ils circulent devant nos yeux du matin au soir», s’est-il indigné.

C’est l’exemple de Rodolphe Attiogbé, président de Novation Internationale, une organisation de défense des droits de l’homme basée à Lomé et de M. Eric Dupuy, Chargé de la communication de la coalition des 14 partis de l’opposition togolaise interrogés par Anadolu.

Si Attiogbé soutient que la présence des militaires dans les rues de la capitale togolaise "terrifie les Togolais", Dupuy dénonce une «nouvelle forme de dictature, qui consiste à museler les Togolais pour les empêcher de revenir dans les rues comme c’est le cas par milliers depuis Août 2017, en réclamation du retour à la constitution de 1992 et du départ de Faure Gnassingbé du pouvoir».

«C’est la peur qui fait prendre ces mesures par le pouvoir de Faure Gnassingbé. La peur de perdre le pouvoir. Ils sont dans la stratégie de conservation du pouvoir. Mais ça ne marchera pas cette fois ci», assure Eric Dupuy à Anadolu.

Selon l’opposition, la présence de militaires togolais dans les rues de Lomé, postée à des points stratégiques ou en circulation dans la capitale, est aussi stratégique pour le pouvoir de Faure Gnassingbé.

Il utilise cette présence depuis le début du dialogue politique mi-février 2018 pour empêcher des manifestations de la coalition des 14 partis de l’opposition togolaise, au motif que «les acteurs en discussion ont pris l’engagement de surseoir aux manifestations de rue, jusqu’à la conclusion d’un accord de sortie de crise».

«Des meetings oui, mais les sit-in et les marches non. C’est contraire à l’engagement pris par les partis politiques dans le règlement intérieur du dialogue », disait la semaine dernière Payadowa Boukpessi, le ministre togolais de l’Administration territoriale dans la presse locale la semaine dernière.

Plus de trois fois déjà, des dispositifs militaires ou de la gendarmerie ont assiégé les leaders de la coalition à domicile pour empêcher la tenue des marches ou contraindre l’opposition à annuler son appel à manifester.

Ce fut le cas la semaine dernière «pour éviter un affrontement inutile», selon l’opposition.

«De toutes les façons, nous n’accepterons pas qu’il soit confisqué aux Togolais le droit de manifester. C’est un droit constitutionnel. Et nul n’a le droit d’empêcher les Togolais de manifester dans les rues», a affirmé à Anadolu l’opposant Eric Dupuy.

Mais face à la peur, l’état-major général des forces armées togolaises (FATs) rassure qu’il s’agit «d’une présence régulière» et que le retour à la normale interviendra «avant la fin de la semaine».

Col Inoussa Djibril, chef division communication de l’état-major général des FATs, joint au téléphone par Anadolu, explique cette situation par le fait que «le Togo a dans ses murs depuis quelques jours les chefs d'état-major généraux des pays membres de la sous-région ouest-africaine».

«Les militaires sont déployés à des coins stratégiques et surtout autour du quartier administratif pour leur sécurité», a confié à Anadolu Col Djibril.

Les chefs d'état-major généraux sont en effet à Lomé pour «plancher sur les problèmes sécuritaires dans la sous-région et faire le bilan de la feuille de route dressée lors de la précédente réunion tenue en 2017 au Liberia», a précisé la même source, sans donner d’autres précisions.

Depuis plus de 10 mois maintenant, le Togo traverse une crise politique sans précédent.

L’opposition togolaise réclame sous fond de fréquentes manifestations de rue, le départ de Faure Gnassingbé du pouvoir et le retour à la constitution de 1992. Une constitution qui prévoit qu’en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux fois le mandat présidentiel au Togo.

Sous la pression, Faure Gnassingbé a accepté en septembre de limiter le mandat présidentiel à deux, mais refuse de se l’appliquer.

Il veut pouvoir être candidat à la prochaine présidentielle et projette d’organiser un referendum sur le sujet.

L’opposition s’y oppose catégoriquement. Plus de 51 ans pour la même famille c’est trop, soutient-elle.

Arrivé au pouvoir en 2005 après la mort de son père Eyadema Gnassingbé (38 ans de règne), Faure Gnassingbé bouclera en 2020, 15 ans à la tête de l’état togolais.

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