Afrique

Terrorisme/Sénégal: Un vent d'Est menaçant

Le Sénégal présente un certain nombre de caractéristiques politico-sociales (démocratie, stabilité politique, soufisme) qui en font une cible privilégiée des réseaux terroristes, estiment des experts contactés par Anadolu

Safwene Grira  | 27.07.2016 - Mıse À Jour : 28.07.2016
Terrorisme/Sénégal: Un vent d'Est menaçant

Dakar

AA/ Abidjan/ Bamako/ Dakar/ Ouagadougou/ Issiaka N'Guessan/ Moussa Bolly/ Alioune N'diaye/ Lougri Dimtalba

Le Sénégal qui inaugure mardi le forum sur la paix et la sécurité en Afrique, est en état d' "alerte générale" pour parer à toute attaque terroriste, selon des observateurs contactés par Anadolu.

«Aujourd’hui, les actions des terroristes se sont diversifiées, sont devenues beaucoup plus scientifiques, se sont adaptées aux stratégies», a rappelé le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, mardi, lors de la cérémonie du lancement officiel de la 3ème édition du Forum de Dakar. Il a à ce propos exhorté les dirigeants africains et occidentaux à «tirer les leçons [des attaques et attentats passés, ndlr] pour voir comment anticiper et prévenir» les actes terroristes.

Déjà, des ministères aux sièges des organisations internationales, en passant par les grands hôtels, les grandes surfaces, les restaurants fréquentés par les expatriés occidentaux et même des résidences d'ambassadeurs, le tout Dakar est quadrillé depuis quelques mois. Les nouvelles arrivant de l'Est, successivement de Bamako (novembre 2015), Ouagadougou (janvier 2016) et Grand Bassam (Côte d'Ivoire-mars 2016), ne sont guère bonnes.

Si la frappe qui a visé, en premier lieu, Bamako pouvait s'analyser comme "une continuité logique" de la situation dans le Nord Mali, où sévit Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), l'attentat de Ouagadougou, a alerté les observateurs sur l'extension au-delà des frontières maliennes, du péril terroriste. Deux mois après, c'était l'attaque du Grand-Bassam qui finissait par asseoir cette thèse, en même temps qu'il alertait les autres pays limitrophes sur l'imminence d'actes de violence.

"On dit souvent qu'aucun pays n'est à l'abri du terrorisme, sauf qu'on sait, également, que certains pays constituent des cibles plus privilégiées que d'autres", a rappelé Serigne Saliou Samm, professeur de sciences politiques à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Plus que potentielle, le Sénégal, figure, à ce titre, comme "une cible idéale", en cumulant un certain nombre de caractéristiques. En même temps qu'elles constituent des qualités, celles-ci agissent aussi comme des "tares" aux yeux des terroristes, soutiennent les mêmes experts.

"Le Sénégal est un îlot de stabilité dans un océan d'insécurité, grâce, notamment, au rôle joué par les confréries soufies. Ce modèle religieux se situe aux antipodes des idéologies prônant l’extrémisme et la violence, adoptés par les terroristes", soutient, dans une déclaration à Anadolu, Bakary Sambe, professeur au Centre d'étude des religions (CER) de l’université de Saint-Louis (Sénégal) et coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique.

Pays où la démocratie est enracinée depuis des décennies, "le Sénégal ne présente pas les mêmes vulnérabilités que ses voisins", assure Sambe. Quoique sa démocratie ait été mise à rude épreuve en 2012 par des violences pré-élecotrales, le pays a vite fait de renouer avec les pures traditions démocratiques qu'il a toujours entretenues depuis le très symbolique départ volontaire du pouvoir du premier président du pays, Leopold Sedar Senghor, fin 1980.

"Le Sénégal est d'autant plus une cible pour les terroristes qu'on reproche à sa gouvernance d'être l'amie des Occidentaux, eux-mêmes considérés comme des ennemis. Le Sénégal participe activement, en outre, à la Mission de l'ONU au Mali, qui traque les groupes terroristes, en même temps qu'il est partie intégrante de la coalition de plus de trente pays musulmans, l'Arabie Saoudite en tête, contre le terrorisme", soutient Serigne Saliou Samm.

Quoique bordé par l'océan, et partageant de ce fait, moins de frontières terrestres avec les pays de la sous-région, "cela ne le prémunit, tout de même, pas de la contagion terroriste", soutient, dans une déclaration à Anadolu, l'éditorialiste et africaniste Hichem Ben Yaïche. "On assiste à un phénomène de déculturation et de perte de repères. C'est pour cela que l'Afrique est touchée".

Pour l'expert tunisien qui dirige une série de magazines sur le continent noir. "Le pays est au coeur d'une stratégie sécuritaire. Il y a un éveil complet de l'appareil militaire et sécuritaire. Le Sénégal craint d'être frappé. Depuis l'attentat du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire, ils sont en alerte."

Le risque d'une attaque imminente aurait en outre, été notifié à Dakar, par les services français et américains, selon Serigne Samm, citant des sources sécuritaires sénégalaises. Des descentes de police ont régulièrement lieu, aboutissant à l'arrestation d'éléments suspects.

Le pays a également renforcé sa collaboration sécuritaire avec les pays limitrophes. "Des dispositions idoines ont été prises au niveau des frontières et le partage de renseignements avec les pays voisins est de mise." a déclaré laconiquement à Anadolu, Bakoun Kanté conseiller au ministère de la Sécurité et de la Protection Civile du Mali, un pays frontalier du Sénégal. "La collaboration entre les différents pays est plus qu'une nécessité si l'on veut combattre efficacement le terrorisme"

Une réunion des ministres de l’Intérieur de la zone Union monétaire ouest africaine (UEMOA) a abouti, le 5 juin dernier à Dakar, à l’adoption d'une quinzaine de mesures pour renforcer la coopération des huit Etats membres contre le terrorisme. Parmi ces mesures, la création de patrouilles mixtes aux frontières et la mise en place de papiers biométriques dans les pays de la sous-région.

Le ministre des Affaires étrangères sénégalais a souligné mardi que l'objectif de ce forum sur la paix et la sécurité en Afrique est, entre autres, de «Faire de Dakar la capitale africaine de la réflexion stratégique sur les enjeux de paix et de sécurité en Afrique». NDiaye a également rappelé que la manifestation verra outre la participation d’une quinzaine de chefs d’Etats africains celle de pays et organisations tels «l’Union européenne, les pays du conseil de coopération du Golfe, la Turquie, les USA et le Canada».

"Je ne m’attends pas à grand-chose de ce forum. Ce sera, sans doute, des déclarations d’intention, une démonstration de force qui ne seront pas suivies de mesures concrètes. Or pour vaincre ce fléau, il faut des décisions politiques", a conclut Siamm, en précisant que le fait pour les pays de la sous-région d'être plus ou moins concernés par le terrorisme, en dépit de son caractère global, demeure un obstacle à la mise en oeuvre de décisions communes, coûteuses ou impopulaires.

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