Tanzanie : Des experts de l’ONU alertent sur la répression meurtrière post-électorale et la coupure d’internet
- Des centaines de personnes auraient été tuées et plus de 1 700 arrêtées après les élections d’octobre, tandis que des corps auraient disparu des morgues
Geneve
AA / Genève / Beyza Binnur Donmez
Des experts des Nations unies en droits humains ont dénoncé jeudi ce qu’ils qualifient de violations « généralisées et systématiques » en Tanzanie à la suite des élections générales du 29 octobre, évoquant notamment des allégations de centaines d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et de détentions arbitraires massives visant des manifestants, des opposants et des acteurs de la société civile.
« Le gouvernement doit fournir des informations sur le sort et le lieu où se trouvent toutes les personnes disparues, et garantir l’identification ainsi que le retour digne des dépouilles à leurs familles », ont déclaré les experts dans un communiqué. « Toutes les restrictions imposées à la couverture médiatique doivent être levées, car elles sont incompatibles avec les obligations internationales de la Tanzanie. »
Les experts ont indiqué que le scrutin s’est déroulé dans un contexte d’inquiétudes persistantes, marqué notamment par la détention arbitraire et les disparitions forcées de figures de l’opposition, ainsi que par des réformes législatives ayant affaibli l’équité du cadre électoral. Selon eux, des dirigeants de l’opposition ont été interdits ou disqualifiés de candidature, certains ayant même été arrêtés ou portés disparus avant le vote.
Des manifestations menées principalement par des jeunes ont éclaté après l’élection et ont été réprimées par ce que les experts qualifient d’« usage immédiat et létal de la force » par les forces de sécurité.
Ils citent des informations selon lesquelles des agents auraient reçu l’ordre de « tirer pour tuer » durant un couvre-feu imposé. Au moins 700 personnes auraient été tuées, certains décomptes faisant état de plusieurs milliers de victimes.
Les experts ont mis en évidence des témoignages troublants de disparitions de corps dans les morgues et d’allégations selon lesquelles des dépouilles auraient été incinérées ou enterrées dans des fosses communes non identifiées.
Des familles ayant pu reconnaître les corps auraient été contraintes de signer de fausses déclarations pour les récupérer.
Plus de 1.700 manifestants interpellés, membres de l’opposition, défenseurs des droits humains et militants seraient aujourd’hui poursuivis pour des accusations graves telles que la trahison ou le vol à main armée, indiquent-ils.
Les experts se sont également inquiétés de l’usage des pouvoirs de "nolle prosequi" (non-lieu), estimant qu’il pourrait entraver le respect du droit à un procès équitable.
Une coupure totale d’Internet, du 29 octobre au 3 novembre, a fortement entravé la documentation des violations et s’est accompagnée, selon les experts, de cas de répression transnationale et de surveillance visant des organisations de défense des droits dans les pays voisins.
Les experts ont exhorté la Tanzanie à mener une enquête rapide, impartiale et efficace sur l’ensemble des abus rapportés, précisant que la commission d’enquête récemment annoncée doit être indépendante et garantir justice, responsabilité et réparations.
À l’approche des manifestations prévues le 9 décembre, ils ont appelé les autorités à prévenir de nouvelles violations et à protéger le droit de réunion pacifique.
*Traduit de l'anglais par Sanaa Amir
