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Soudan: Les "Forces de Soutien Rapide", de milices du Darfour à une armée rivale

- Les FSR, issues des milices Janjaweed du Darfour, sont devenues un centre de pouvoir militaire, politique et économique échappant au contrôle de l’État

Mohammad Sıo  | 03.11.2025 - Mıse À Jour : 03.11.2025
Soudan: Les "Forces de Soutien Rapide", de milices du Darfour à une armée rivale

Istanbul

AA / Istanbul / Mohammad Sio


La guerre en cours entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR), désormais une force indépendante puissante, a déclenché ce que l’ONU qualifie de « pire crise humanitaire au monde », attirant l’attention internationale sur les origines, la montée en puissance et les atrocités commises par les FSR depuis une décennie.

Ce rapport retrace l’évolution des FSR, depuis leurs racines dans les milices Janjaweed du Darfour jusqu’à leur rôle dans le conflit actuel, mettant en lumière les accusations de massacres et de violations des droits humains.


- Qui sont les Forces de Soutien Rapide ?

Les FSR sont une milice dirigée par Mohamed Hamdan Dagalo, alias Hemedti, et trouvent leur origine dans les Janjaweed, un groupe de milices mobilisé dès le début des années 2000 dans l’ouest du Darfour. La majorité des combattants sont recrutés parmi les tribus locales. Avant la guerre actuelle, les analystes estimaient que les FSR comptaient environ 100 000 hommes déployés dans le Darfour et d’autres régions.

- Origines et commandement

Bien que les milices Janjaweed soient actives dès 2003, les FSR ont été officiellement créées en 2013 en tant qu’unité de sécurité semi-régulière. Hemedti est devenu le commandant incontesté, transformant la force en une institution avec sa propre structure de commandement, ses réseaux de recrutement et ses sources de revenus.


- Changement de statut légal

À leur création officielle en 2013, les FSR opéraient sous le Service national du renseignement et de la sécurité du Soudan, avec pour mission de « combattre la rébellion » et de protéger les frontières.

En 2017, sous l’ancien président Omar el-Béchir, le Parlement soudanais a adopté une loi transférant les FSR aux Forces armées soudanaises, les déclarant « force militaire nationale ». Selon les analystes, cette dualité a créé une structure militaire parallèle, qui a alimenté la lutte de pouvoir avec l’armée lors d’une fusion envisagée.


- Guerre du Darfour

Lors de sa phase initiale en tant que milices Janjaweed, la force a joué un rôle central dans la campagne gouvernementale contre les mouvements armés au Darfour dès 2003. Les enquêtes de l’ONU et internationales ont documenté des massacres, des violences sexuelles systématiques, des incendies de villages et un nettoyage ethnique. Les organisations de défense des droits humains lient ces abus à la même structure qui a évolué en FSR.


- Rôle dans la révolution 2018-2019

Les FSR ont contribué à renverser Béchir en avril 2019, et Hemedti a été nommé vice-président du Conseil souverain de transition dirigé par Abdel Fattah al-Burhan.


- Guerre actuelle et zones de contrôle

Le conflit entre les FSR et l’armée soudanaise a éclaté en avril 2023 sur fond de réformes du secteur de la sécurité, incluant l’intégration des FSR dans l’armée régulière et la question du commandement de la force unifiée.

Les FSR ont adopté une stratégie de guerre urbaine, s’emparant de larges portions de Khartoum et Omdurman. L’armée a repris le contrôle de la capitale le 21 mai.

Les FSR contrôlent désormais de vastes zones de l’ouest et du centre du Soudan, notamment au Darfour, où elles détiennent les capitales des cinq États : El-Fasher, Nyala, El Geneina, Zalingei et Ed Daein.


- L’or, principale source de financement

Les FSR ont construit un vaste réseau économique en grande partie indépendant de l’État soudanais. Leur source de revenus la plus lucrative est l’or extrait dans le Darfour et le Sud-Kordofan, permettant de financer le recrutement, l’achat d’armes et des partenariats étrangers sans dépendre du budget national, selon les médias.


- Historique des atrocités

Selon l’organisation internationale de défense des droits humains Human Rights Watch, les FSR et leurs alliés ont commis des exécutions illégales, des violences sexuelles et des destructions de biens civils, utilisant à plusieurs reprises des armes explosives lourdes dans des zones densément peuplées.

Entre avril et novembre 2023, les FSR ont tué des milliers de personnes et déplacé des centaines de milliers de civils à El Geneina, capitale du Darfour-Ouest, selon un rapport 2024 de l’organisation internationale de défense des droits humains.

Le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale a confirmé en janvier 2025 avoir rassemblé suffisamment de preuves pour établir « des motifs raisonnables de croire qu’une large gamme de crimes relevant du Statut de Rome a été commise et continue de l’être au Darfour ».

Le 27 octobre 2025, le Réseau des médecins soudanais a accusé les FSR de tuer des civils selon leur appartenance ethnique et de piller les structures de santé à El-Fasher, au Darfour-Nord.

Après la chute d’El-Fasher, la Mission d’enquête de l’ONU a documenté un schéma de violations constituant des crimes d’atrocité. « Le comportement des FSR implique des attaques systématiques et continues contre les civils », a-t-elle indiqué.

Le 26 octobre, les FSR ont pris El-Fasher et commis des « massacres » contre des civils, selon des organisations locales et internationales, dans un contexte où plus de 62 000 personnes ont été déplacées, aggravant le risque de partition géographique du Soudan.

Depuis le 15 avril 2023, l’armée soudanaise et les FSR sont engagées dans une guerre que les médiations régionales et internationales n’ont pas réussi à arrêter. Le conflit a fait 20 000 morts et déplacé plus de 15 millions de personnes, selon l’ONU et des rapports locaux.


*Traduit de l'anglais par Wafae El Baghouani

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