Sénégal : elles reviennent de loin et trouvent vocation en prison
Des femmes incarcérées se relèvent et deviennent peintres, cordonnières, teinturières, couturières...

Dakar
AA/ Dakar/ Alioune Ndiaye
En prison, elles deviennent peintres, cordonnières, teinturières, couturières. Ces détenues sénégalaises ont étalé tout leur savoir-faire à travers une exposition à la maison d’arrêt et de correction (Mac) de Rufisque.
Ces aptitudes, elles les ont apprises et développées durant leur séjour carcéral et pourront s’en servir durant toute leur vie. « Les détenues sont formées en l’alphabétisation, aux droits humains, à des activités génératrices de revenus telles que la transformation des fruits et légumes ou encore les métiers de l’art », déclare à Anadolu Mme Fatou Faye, engagée par l’Ong Tostan en qualité de superviseur et formateur auprès des détenues de la Mac de Liberté 6 (Dakar).
Toujours selon Faye, les détenues choisissent librement l’activité pour laquelle « elles pensent avoir des prédispositions » et reçoivent la formation que financent les partenaires du projet.
Tableaux d’art variant entre 12.000 et 7000 francs cfa (20 et 12 usd), chaussures tissées pour 2500 francs (5 usd) , bonnets tressés, sacs à main tressés à 4000 francs (8 usd), draps variant entre 10.000 et 6000 francs (18 usd et 10), ces œuvres aux prix accessibles leur procurent les moyens financiers pour une intégration réussie après l’épreuve carcérale.
«Les revenus issus de la vente des produits sont partagés en deux parties ; l’une allant dans le fonds de roulement des activités génératrices de revenus et l’autre à la caisse réservée aux détenues qui ont participé à l’activité », détaille à ce propos le superviseur Fatou Faye.
Toute femme dont l’incarcération arrive à terme va donc recevoir sa part pour redémarrer ses activités afin de gagner sa vie dans la dignité et s’incruster facilement dans le tissu social par la vocation trouvée en prison, pense ainsi Faye.
« La plupart des femmes incriminées vivaient dans une situation de précarité caractérisée par une fragilité économique », a mentionné dans son allocution lors de la cérémonie Boureima Diadié, représentant adjoint de l’Unfpa au Sénégal évaluant les femmes détenues à « 4% de la population carcérale du Sénégal ».
Toujours selon Diadié dont la structure est aussi partenaire du projet, le trafic de stupéfiants avec 31% et l’infanticide avec 16 % demeurent les principales causes d’incarcération des femmes qui demeurent « une cible vulnérable ». Des chiffres qu’avance le directeur adjoint de l’Unfpa convoquant « un rapport élaboré en 2015 par le haut-commissaire des droits de l’homme ».
Ce projet sur lequel travaille l’administration pénitentiaire en collaboration avec l’Ong Tostan et l’ambassade des USA traduit en acte les perspectives de réinsertion des détenues dans la société.
«Le projet prison a pour but d’aider les détenus à réintégrer leurs communautés en participant à une version adaptée du programme de renforcement des capacités communautaires », soutient à cet effet Rose Diop, coordonnatrice de Tostan Sénégal expliquant en outre que le projet entamé en 2003 à la Mac de Thiès (région au centre ouest) « s’est élargi aujourd’hui à 7 prisons ».
Pour mieux accompagner la réinsertion des détenues dans la société, le projet inclut aussi un volet « médiations familiales » travaillant à raffermir les liens entre les détenues et leurs familles pour parer à toute marginalisation.