RDC/Nord-Kivu : Les M23 sont de retour, le fond de l’air est rouge
- Les habitants sont terrifiés de renouer avec les atrocités d’autrefois

Congo, The Democratic Republic of the
AA/ RDC/ Joseph Tsongo
La psychose gagne les populations congolaises du territoire de Rutshuru, depuis que des rebelles M23 ont été signalés dans la région. Après le crash, fin janvier dernier, de deux appareils de guerre de l’armée congolaise en patrouille dans cette zone, la peur est montée d'un cran: les habitants ont encore en mémoire les sévices dont ils ont été victimes de la part du M23, il y a près de trois ans.
«Je n’aurai jamais pensé que ces hommes dont nous gardons un très mauvais souvenir réapparaîtraient de nouveau chez nous », dit dans une déclaration à Anadolu, Sébastien, un habitant du Rutshuru.
Au début il n'a pas voulu y croire jusqu'à ce que l'incident des hélicoptères avec trois militaires tués, ne vienne confirmer ce qu'il croyait être des rumeurs. La terreur s’empare de la région. Tout est parti d’une alerte ‘rouge’ faite le mois passé par le gouverneur de la province du Nord-Kivu, annonçant ainsi une nouvelle incursion d’ex-combattants M23 sur le sol congolais à partir de l’Ouganda voisin.
L’information a eu l’effet d’un coup de tonnerre chez les Congolais vivant dans l’Est de la République démocratique du Congo frontalière avec l’Ouganda et le Rwanda.
« Je ne m’attendais point à ce que ces gens dont nous gardons un très mauvais souvenir réapparaissent encore une fois chez-nous. Non, je n’ai pas cru à l’alarme du gouverneur. Ces M23 ont mené la guerre ici, faisant trop de victimes», s’inquiète Sébastien.
Cette alerte semble cependant avoir été ignorée. « On ne pouvait pas y croire très facilement pendant ce moment de répit. Car on savait que les combattants M23 étaient cantonnés en Ouganda depuis la fin de leurs hostilités en RDC, à la fin de 2013. Comment ont-ils traversé encore la frontière ? », s’interroge Zéphirien, un cambiste commis au poste frontalier de Ishasha où l’incursion a été signalée.
Pendant ce temps, la Mission onusienne en RDC (Monusco) a déclaré n’avoir repéré aucune trace d’ex-combattants M23 sur le sol congolais. Mais, le crash de deux hélicoptères de l’armée congolaise sur le pied de la montagne Mikeno tout près de la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda, est venu discréditer la Mission de l’ONU en RDC.
Les habitants ont horreur de renouer avec les atrocités d’autrefois. Pour eux les deux hélicoptères auraient été visés par lesdits rebelles retranchés dans cette partie de la RDC.
« Comment deux appareils de guerre peuvent-ils avoir une panne simultanément et dans une même zone ? Je crois que ces hélicoptères ont été attaqués, mais il y a une main noire derrière cette affaire et on en saura plus très prochainement ! », s’exclame Jeannine, habitante de Rugari, la zone où se sont écrasés des deux hélicoptères des forces armées de la République démocratique du Congo.
Panique et confusion meublent le quotidien de la population locale. « Les M23 seuls n’ont pas la capacité d’abattre ces appareils de guerre de l’armée congolaise. Des connivences avec des pays voisins de la RDC seraient derrière cette affaire», pense Nzuko, habitant de Rutshuru.
De l’époque noire, Nzuko n’a rien oublié : « Enlèvements, assassinats ciblés, fosses communes, guerres et guérillas, vols et viols, coups de machettes et torture rythmaient notre vie du temps de l’envahissement de notre région par les M23».
Les drames vécues sous la domination de ces « impitoyables » rebelles n’en finissent pas pour autant : « J’étais assis devant ma petite boutique, c’était un vendredi. Un élément M23 a voulu me ravir quelques articles. Et quand je lui ai résisté, il a ouvert le feu et tiré des balles, je ne sais combien, dans ma jambe droite que j’ai perdue depuis lors. Me voici aujourd’hui handicapé avec une seule jambe… je ne souhaite plus revoir ces gens du M23 ici. Car ils m’ont rendu la vie difficile… », témoigne Sinzomene, avant d’éclater en sanglots.
Le Mouvement du 23-mars, également appelé M23, est un groupe créé à la suite de la guerre du Kivu. Il est composé d'ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) qui s'est battu contre les Forces armées de la RDC dans le conflit du Kivu.
Réintégrés dans l'armée congolaise à la suite d'un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa, les M23 se sont ensuite mutinés en avril 2012. Leur nom provient des accords du 23 mars 2009, car les membres considèrent que le gouvernement congolais n'a pas respecté les modalités de celui-ci. Ce groupe est accusé de nombreuses violences contre les populations civiles, par des ONG (Human Rights Watch), par le tribunal pénal international et par le gouvernement américain.