RDC : Le travail des enfants, un phénomène à la peau dure
- Kinshasa et ses bidonvilles ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Dans les zones minières de l’est comme du sud-est congolais, l'ampleur et la gravité du problème sont encore plus inquiétantes.

Kinshasa
AA / Kinshasa / Pascal Mulegwa
Avenue Kasavubu, en plein cœur de Kinshasa, capitale de l’immense République démocratique du Congo. Le soleil est ardent et la circulation dense. Entre deux jeeps vétustes, Héritier, homme haut comme trois pommes écoule un carton de biscuits aux conducteurs et passagers coincés dans les embouteillages. Il n’a pas encore atteint ses 13 ans.
Un peu en avant, près d’un carrefour bouillonnant, une jeune fille, Deborah, propose des foulards. A 12 ans, nul n’est trop jeune à Kinshasa pour rechercher les moyens de survie. « On se partage la quantité de marchandises avec maman et mon grand frère. Papa est maçon », s’explique la vendeuse, des gouttes de sueurs dégoulinant sur son front.
« Après les cours, on se repose environ une heure, puis nous nous lançons sur les chaussées de la ville pour vendre les foulards, gants, papiers mouchoirs. Maman nous précède dès le matin », ajoute-t-elle.
Avec ses 15 millions d’habitants, Kinshasa compte de nombreux enfants dans ses rues. Ils sont vendeurs d'œufs, de chaussures, de cigarettes et autres articles dans des cartons. En dépit de la gratuité de l’école primaire dans les établissements publics depuis 2020, certains ont abandonné les cours et se sont mués en cireurs ou encore laveurs des voitures sur de nombreux points de stationnement et de supermarchés.
« Nous pouvons tout dire en condamnant l’Etat ou les parents mais nous savons tous que les parents ne font pas travailler leurs enfants de gaieté de cœur. Ce phénomène a un auteur : l’extrême pauvreté dans laquelle trois quart de la population congolaise est plongée », tente d’expliquer Wiliam Mole, à la tête de la fondation « Cœur bienheureux » qui milite depuis des mois pour pousser les autorités à expulser les enfants vendeurs des rues commerçantes de Kinshasa.
« Je pense que c’est une problématique banalisée. L’Etat est absent, n’y fait rien, ne punie pas les parents qui exploitent leurs enfants. Il y a un relâchement. Les secteurs sociaux ne bénéficient pas des fonds nécessaires pour gérer ce genre de questions », estime le député provincial de Kinshasa, Eric Bukula joint par Anadolu.
Et d'ajouter : « La ville n’a pas de structures pour encadrer les enfants et autres pour enrayer de tels dérapages ».
- Kinshasa, la partie émergée de l'iceberg
Kinshasa et ses bidonvilles ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Dans les zones minières de l’est comme du sud-est congolais, l'ampleur et la gravité du problème sont encore plus inquiétantes.
Les enfants mineurs creusent, lavent, trient et transportent les minerais qui font la richesse des provinces Lualaba et du Haut-Katanga connues pour leurs réserves en cobalt et en cuivre. La moitié des réserves mondiales se trouve dans les deux provinces.
Les enfants « le font au vu et au su de tous, souvent avec la complicité de leurs parents, et pas qu’eux. Les autorités comme les compagnies minières ferment les yeux sur cette exploitation pourtant interdite », a affirmé l’activiste Anto Mulanga dans une enquête récente.
Pas de chiffres précis les concernant mais en 2014, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) estimait à 40 000 le nombre d'enfants présents dans les mines de ces deux provinces.
« Dans la majorité des cas, la pauvreté des parents contraint bon nombre d'enfants à travailler tandis que dans d’autres cas ce sont des parents qui exploitent leurs enfants en bénéficiant notoirement des bénéfices tirés de leurs activités », ajoute l’activiste.
Dans son enquête basée sur notamment la ville de Kolwezi, l’auteur affirme que les personnes physiques créent avant tout des coopératives minières, « puis se mettent à la quête des espaces pour exploiter le cuivre et le cobalt. C'est ainsi que plusieurs enfants affluent dans ces concessions minières privées pour y chercher des minerais ».
La main d’œuvre est non seulement abondante, mais aussi moins couteuse. Des enfants travaillent dès 8 heures du matin pour gagner 4000 voire 5000 Francs congolais (2,5 USD). Parfois, moins de 2000 FC, moins d’un dollar américain.
- « 40 000 enfants en situation de rue »
La question est brulante pour les autorités, mais la ministre du Genre, Famille et Enfant, Mireille Masangu, tente de relativiser.
D’emblée, fait –elle remarquer, le travail des enfants n'est pas une particularité de la RDC. « C'est un phénomène mondial, lié à différentes causes », note-t-elle au micro d'Anadolu.
Sans s’étendre, elle indique que le gouvernement a mis en place les mécanismes institutionnels « dont le comité de lutte contre la pire forme de travail de l'enfant qui élabore des stratégies et les exécute pour lutter contre toutes formes de travail de l'enfant ».
Le gouvernement a également mis en place la « Commission institutionnelles chargée de lutter contre le travail des enfants dans les mines artisanales (CISTEMA). Cette structure œuvre pour le retrait des enfants de ces milieux inappropriés pour la réinsertion socio- familiale par les programmes de leur éducation, apprentissage professionnel et d'appui aux familles », indique –t-elle.
Il existe également dans les pays, « des programmes de réinsertion socio - familiales par le rattrapage scolaire en faveur des enfants de la rue dont le nombre avoisine 40 000 enfants en situation de rue à travers l'ensemble du territoire national », déclare la ministre.
La Banque mondiale estime que près d'une personne sur six en situation d'extrême pauvreté en Afrique subsaharienne vit en RDC, pays riches en minerais. L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty international craint que la bataille pour la transition énergétique ne se fasse au prix des pires formes d’exploitation notamment le travail des enfants dans les mines.
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