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RDC : Le fleuve Congo, un cimetière

En République démocratique du Congo, en l'absence de routes reliant les principales villes, la navigation sur le fleuve Congo, long de 4700 km, demeure le moyen de transport le plus utilisé par la population. Mais ces traversées sont souvent fatales.

Fatma Bendhaou  | 19.04.2022 - Mıse À Jour : 19.04.2022
RDC : Le fleuve Congo, un cimetière

Kinshasa


AA / Kinshasa / Pascal Mulegwa

A la sortie de Kinshasa, apparaissent de longues étendues de terres arides. Au fond, une savane verte laisse percevoir des queues pour des embarcations de fortune sur le puissant fleuve Congo.

En ce dimanche matin, des dizaines de personnes prennent le risque d’embarquer à bord d'épaves flottantes de deux cents mètres de long, pudiquement appelées « baleinières », et au bout, Mbandaka, la destination finale de ces voyages dangereux. Des familles entières, avec des enfants en bas âge, s’engouffrent au milieu d’une cargaison des marchandises. L’environnement est insalubre, mais Jolie, la trentaine, défie : « Ni le danger de naufrage, encore moins les conditions de voyage ne me feront reculer, je dois écouler mes produits ».

Il est 15 heures, l’embarcation qui devait quitter le port de Maluku patiente pour quitter à une heure tardive. « Ça nous permet d’éviter des tracasseries des services publics qui nous rançonnent », se justifie Guillaume, le capitaine de la baleinière qui navigue à tombeau ouvert. Si les passagers étaient 90 dans la matinée, leur nombre explose en début de soirée lorsque les services étatiques ferment leurs bureaux. La surveillance est en berne.

« Nous voyageons généralement au nombre de 300 personnes à bord, mais le nombre diminue au fur et à mesure qu’on s’approche de la destination. Il y a des jours où c’est le contraire », témoigne Jolie, mère de 5 enfants. Jolie côtoie chèvres, moutons, porcs, poules, canards, sacs de riz et bidons d'huile. Il est difficile de trouver une place pour les centaines de passagers, souvent victimes d'épidémies de toutes sortes, de frayeurs indescriptibles et d'accidents mortels.

Comme pour la majorité de passagers, elle apporte des articles importés et des plastiques à écouler selon les escales. De retour à Kinshasa, elle apportera des poissons à écouler sur le marché et des boissons fortement alcoolisées prisées dans les milieux défavorisés.

D’autres passagers embarquent la nuit pour échapper au contrôle. La baleinière transporte ainsi des centaines de vie.


- Un réseau routier peu dense et en très mauvais état

En République démocratique du Congo, en l'absence de routes reliant les principales villes, la navigation sur le fleuve Congo, long de 4700 km, demeure le moyen de transport le plus utilisé par la population. D’autres trafics se font sur son affluent, la rivière Kasaï, longue de 2.361 km. Il y a aussi des lacs (Albert, Edouard, Kivu, Tanganika) situés aux frontières est du pays.

Le fleuve Congo est l’un des fleuves, les plus grands de la planète avec plus de 4 000 kilomètres de long. Il est aussi deuxième après l’Amazonie par son débit, mais il est surtout le plus profond du monde avec ses 220 mètres. Il est plus profond que certaines mers comme la Manche.

La navigation compense largement un réseau routier peu dense et en très mauvais état. Malgré les baisses des prix des billets de voyage, l'avion reste onéreux pour une population qui vit avec moins d’un dollar par jour. Les drames se produisent la nuit, avec des embarcations dépourvues d’éclairage. « Beaucoup défendent l’éclairage pour éviter de se faire repérer par la police maritime. Nous naviguons ainsi, le capitaine ne lit pas les balisages qui sont d’ailleurs rares sur la voie », témoigne Dimitry, un capitaine avec deux naufrages en 12 années de navigation sur le fleuve Congo.

« Les plus malins comme moi s’aventurent trop près de la rive, mais une chose est sure, il y a beaucoup d’ignorants qui conduisent ces bateaux, ils ne connaissent pas le code de la navigation », témoigne-t-il. En l'absence de manifeste des passagers, le nombre de disparus lors d’un drame est une estimation basée sur le nombre approximatif de personnes que l'embarcation peut contenir.


- Non-respect des règles essentielles de sécurité

Sur le fleuve, la multitude d’accidents n’est pas une conséquence de l’importance de la flotte. Les causes sont toujours les mêmes : surcharge et vétusté des embarcations, non-respect des règles essentielles de sécurité. Gisèle, la quarantaine, se rappelle d’une récente traversée qui a coûté la vie à plus de 60 personnes.

Elle était rescapée. Ce jour –là, « le 9 octobre 2021, dans la Mongala (province forestière du nord-ouest), vers 23h30, à hauteur du village d'Engengele, à 24 km de la ville de Bumba, la baleinière commençait à chavirer à cause de la surcharge mais aussi du mauvais temps, il y avait de fortes rafales de vent ce soir-là », témoigne-t-elle. Il y avait à bord « des élèves qui rentraient à Bumba pour suivre leur enseignement, mais aussi des commerçants comme nous, des marchands, toutes sortes de gens y compris des enseignants qui partaient toucher leur salaire », ajoute-t-elle.

« Je m’étais tirée d’affaire grâce à la natation et en plus il y avait des pêcheurs de la côte. Je m’étais jetée à l’eau je crois une minute avant que la baleinière ne se renverse », témoigne la femme battante qui se refuse de refaire l’aventure : « Je préfère mourir à Kinshasa que d’aller chercher de quoi survivre sur le fleuve, c’est dangereux ».

Cette femme nous dévoile d’autres réalités : « Rien qu’entre Kinshasa et Mbandaka, nous enregistrions des naissances en pleine navigation car la traversée durait 1 à deux mois. Il y avait également des décès des enfants qui souffraient de diarrhées aiguës encourues pendant le voyage ».

Les autorités ont à plusieurs reprises interdit la navigation nocturne, mais la mesure peine à être respectée. Le fleuve tire sa source dans le Sud – est. Il arrose les villes de Kisangani, Mbandaka, Kinshasa et Matadi avant d’atteindre Banana et se jeter dans l’océan Atlantique. La navigabilité est limitée par une série de rapides qui produisent le grand barrage hydro-électrique d’Inga.

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