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RDC/ Kamwena Nsapu : Quand le surnaturel arbitre les terriens

- Des affrontements entre les Kamwena Nasapu, milices d’un chef traditionnel qui recourent à des forces surnaturelles et les forces de défense congolaises ont déjà fait plus de 400 morts depuis août 2016, dans la région du Kasaï, selon l'ONU.

Mohamed Hedi Abidellaoui  | 05.05.2017 - Mıse À Jour : 06.05.2017
RDC/ Kamwena Nsapu : Quand le surnaturel arbitre les terriens

Kinshasa



AA/ Kasaï(RDC)/, Joseph Tsongo


Ce n’est ni un conte de fées, ni un film de science-fiction. Ce qui se passe dans le centre de la République démocratique du Congo ces derniers temps interpelle et intrigue, à bien des égards.

Un climat de terreur généralisée et d’insécurité affecte, depuis plusieurs mois, la majorité de la population congolaise, dans cette région du pays.

Des affrontements entre les Kamwena Nasapu, milices d’un chef traditionnel qui recourent à des forces surnaturelles et les forces de défenses congolaises ont déjà fait plus de 400 morts depuis août 2016, dans le Kasaï Central, le Kasaï Oriental et le Kasaï, selon l'ONU.

Expliquant la genèse de la crise, le sociologue Emma Kalonga, interrogé par Anadolu, pointe une consuite peu respectueuse de la tradition: « Il faut respecter les interdits de coutume…pour éviter la colère des ancêtres».

Au départ, « Kamwena Nsapu » n’était pas la dénomination d’une milice, fait remarquer Kalonga ; c’était plutôt, dit-il, le nom du grand chef coutumier de la tribu, Jean-Pierre Pandi, qui a hérité ses fonctions de son prédécesseur Anaclet Ntumba, en 2011.

Conformément à la loi congolaise, le nouveau chef a attendu en vain le décret portant sa reconnaissance par les autorités administratives. C'est pourquoi il s'est dit hostile au pouvoir en place, rappelle Emma Kalonga.


- "Transgression des règles morales"


Contre toute attente, les autorités provinciales ont mené des perquisitions au domicile de Kamwena Nsapu, suite aux soupçons selon lesquels il aurait détenu des armes.

« On aurait, à cette occasion, touché aux symboles de son autorité et violenté son épouse», explique le sociologue, soulignant que la tradition luba (du chef Kamwena Nsapu), assimile el fait de toucher une femme, surtout quand elle est mariée à un chef, à un viol. Ce qui constitue en soi une grave transgression des règles morales régissant la vie au sein de la tribu.

Insurgé contre cette "provocation", Kamwena Nsapu a lancé un appel à l'insurrection et à la « libération du Congo » dans un message audio qui lui a été attribué et qui a circulé sur les ondes des radios locales. En août 2016, le chef est tué dans des circonstances non-élucidées à ce jour et c’était le début de l’insurrection.

Revenant sur l’extension de la révolte des partisans de Kamwena Nsapu vers le centre du pays, le sociologue affirme : « Dans cette région du Congo, tout porte à croire que l’on est face à une cohabitation tumultueuse entre les services de l’Etat et l’autorité coutumière, à une instrumentalisation des jeunes sans emplois, à une récupération et à une politisation de la crise par certains acteurs politiques».


- Recours aux pratiques fétichistes


Du fait de la pression exercée par les forces de l’ordre, les Kamwena Nsapu, disent s'être tournés vers les forces surnaturelles pour mieux combattre et vaincre l’ennemi», fait observer le sociologue.

Au départ, les hommes de Kamwena Nsapu, combattaient à l’aide de morceaux en bois « magiques » autour desquels ils attachaient des rubans rouges, portant le nom de leur chef traditionnel.

« Ces hommes de Kamwena Nsapu ont violemment affronté la police, se sont attaqués aux symboles de l’Etat et ont imposé une résistance, quelques fois, infaillible aux forces de sécurité congolaises. Ils disent être forts de pratiques fétichistes qui les rendraient invulnérables aux balles des forces loyalistes », s’exclame Kalonga, y relevant une "énigme".

Selon la tradition africaine, dit le sociologue, un chef traditionnel est toujours recouvert d’une certaine puissance « mystérieuse ». Et quand il est touché, la nature doit le venger… », d’après les mêmes croyances populaires.


- Gain de cause ?


Cherchant à calmer les tensions, le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Emmanuel Ramazani Shadari, a échangé avec la notabilité du grand Kasaï, notamment les députés provinciaux et sénateurs, les gouverneurs des trois provinces et les autorités coutumières, afin de proposer des pistes et des solutions à la crise.

«Aujourd’hui, le successeur de Kamwena Nsapu est connu et l’arrêté reconnaissant son pouvoir par l’Etat a été signé», fait observer le sociologue, affirmant que les autorités ont fini par réaliser l'importance d'ouvrir les canaux du dialogue et de négocier avec des gens qui défendent infatigablement leur cause et leurs croyances "peu ordinaires".

Quelque 1,74 million de personnes ont été affectées par la crise opposant les Kamwena Nsapu et les forces de défense et de sécurité, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).

Le Porte-parole de la délégation onusienne, Florence Marshall, a déclaré, le 5 avril dernier, que plus de 637.000 personnes ont été déplacées, depuis le déclenchement des violences, en août 2016, dans cette région du pays .


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