Afrique

RDC: Kabila, un futur scénario à la Nkurunziza ?

-Le président de la RD Congo, Joseph Kabila semble hésiter entre organiser des élections où prendre une décision identique à celle du président burundais en se maintenant coûte que coûte au pouvoir

Hatem Kattou  | 24.07.2017 - Mıse À Jour : 25.07.2017
RDC: Kabila, un futur scénario à la Nkurunziza ?

Kinshasa

AA/Kinshasa/Didier Makal

Alors que l’opposition congolaise a dévoilé samedi son calendrier d'actions "pour obtenir le départ" du président Joseph Kabila avec deux journées "villes mortes" les 8 et 9 août, des meetings le 20 août et un appel à la désobéissance civile à partir du 1er octobre, deux scénarios se présentent au chef de l'Etat dont le deuxième mandat a officiellement pris fin le 20 décembre 2016.

Prendre une position radicale, comme celle prise par le président Burundais Pierre Nkurunziza en se maintenant coûte que coûte au pouvoir et en usant d'une répression sévère, ou alors, effectuer un rétropédalage.

Face aux pressions financières et politiques extérieures et une opposition qui se durcit, Kabila aurait tout intérêt à organiser les élections comme prévues, d'ici la fin de l'année, estiment les observateurs politiques.


- Le glissement de trop

Lorsque le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Corneille Nangaa a annoncé, le 11 juillet dernier, que les élections ne pourraient pas être techniquement organisées avant la date butoir du 31 décembre 2017, comme le prévoyait l'accord politique signé en décembre 2016, l’opposition a crié à la « trahison ».

Jusque-là pourtant, le glissement de mandat du président kabila, s’était presque passé en douceur grâce au dialogue tenu entre l’opposition et le pouvoir, sous l’égide de l’Eglise Catholique.

C’était sans compter le flou jeté quelques mois plus tard (en juin) par Joseph Kabila qui dira, dans une interview au média allemand Der Spiegel n’ avoir « rien promis du tout » au sujet des élections.

Un flou, qui a fait monter l’opposition au créneau. Cette dernière s’est d’ailleurs réunie vendredi et samedi en conclave afin de décider de la suite des évènements.

Dans une déclaration lue publiquement, François Muamba, le rapporteur du conclave, a annoncé que l’opposition prévoyait deux journées « villes mortes » les 8 et 9 août, des rassemblements le 20 août dans les chefs-lieux des 25 provinces et un appel à la désobéissance civile à partir du 1er octobre.

« A défaut d’avoir convoqué le corps électoral le 30 septembre (la date d'un scrutin doit être annoncée au moins 90 jours auparavant soit le 30 septembre pour des élections en 2017, ndlr), Joseph Kabila ne sera plus reconnu président de la République à partir du 1er octobre », a lancé Muamba, devant des centaines de personnes réunies devant le siège du parti historique de l’opposition UDPS à Limete, quartier de Kinshasa.

En cas de non-respect de cette date-butoir, les Congolais (soit près de 70 millions de personnes) « seront invités à ne plus payer leurs taxes et redevances dues à l’Etat ni leurs factures d’électricité et d’eau aux deux sociétés d’Etat qui en ont le monopole », a annoncé le rapporteur.


- Les ruses de Kinshasa

Alors que l’opposition se durcit de jour en jour, du côté de Kinshasa, on multiplie les ruses pour renvoyer, sans en avoir l’air, le plus loin possible les élections de fin d’année.

Ainsi, dans un communiqué daté du 15 juillet dernier, la Ligue des jeunes du PPRD, le parti du président Joseph Kabila, avait « encouragé les institutions à prendre les mesures de sécurité » à savoir « l’état d’urgence », en raison des violences qui secouent les Kasaï ((Centre - des milliers de morts en quelques mois), mais aussi des différentes attaques de prison (des milliers d’évadés) ou plus récemment celle du marché central de Kinshasa, qui a fait deux morts.

Mais pour l’opposition, cette idée d’un état d’urgence, qui renverrait les élections aux calendes grecques, est une «abomination».

« Si cette mesure est prise, elle aura de très graves conséquences », averti Tshivuadi Mukwa Lukusa du parti CDPS (Congrès des démocrates pour le progrès social -opposition), joint par Anadolu.

« Le régime Kabila est déjà responsable de la dégradation de la situation sécuritaire. Nous n’accepterons jamais qu’il impose en plus un état d’urgence », dit-il.

Le porte-parole de la majorité au pouvoir, Alain Atundu tempère. Pour lui, l’évocation d’un état d’urgence relève seulement d’« une réflexion » des jeunes du PPRD « choqués par un manque de compassion parmi des leaders de l’opposition et de la société civile sur les violences qui visent des Congolais. »

« Cette déclaration entre dans le cadre de la liberté d’expression, au niveau de la majorité présidentielle nous n’avons jamais évoqué cette question d’un état d’urgence », assure-t-il à Anadolu.
Mais de l’avis d’un chercheur en Sciences politiques de l’Université de Lubumbashi, qui a préféré s’exprimer sous le sceau de l’anonymat, « ce n’est qu’une des multiples ruses de Kinshasa de nier des stratégies ».

« En réalité, les durs au sein du régime rêvent déjà de passer à la vitesse supérieure : organiser un référendum à l’issu duquel le président retrouverait la possibilité de briguer deux nouveaux mandats. Cela exige une nouvelle Constitution, l’actuelle devenant de toute façon presque obsolète à force d’être violée », explique l’universitaire.

-L’hésitation du régime

Pourtant, poursuit-il, «le pouvoir ne semble pas encore savoir sur quel pied danser. Organiser des élections ou pas ? ».

«D’abord, Kabila n’oublie pas les violences de février 2015 lors de la tentative d’imposer le recensement général (censé durant trois ans) comme préalable à toute élection. Mais aussi les violences qui ont émaillé la fin de son dernier mandat et qui ont fait 40 morts entre les 15 et 31 décembre 2016», rappelle-t-il.

«La répression policière a sans doute stoppé les manifestations à Kinshasa mais rien n’assure qu’elles ne reprendront pas et si c’est le cas, alors cela signifie que le pays risque de plonger dans une grave crise comme celle qui secoue actuellement le Burundi», considère l’enseignant.

«Je ne suis pas sûr que Kabila veuille reproduire le scénario burundais, surtout que la RDC est un pays bien plus grand que le Burundi, et le chaos qui s’en suivra sera dramatique pour le pays qui souffre déjà de multiples violences», ajoute-t-il.

Dans le même temps, le remaniement récent fait par Kabila au sein de l’armée et la police « ne laisse rien présager de bon ».

«Le remplacement de Charles Bisengimana commissaire général de la Police nationale congolaise, par un militaire, le général Dieudonné Amuli, par exemple, fait redouter un durcissement de la répression car un militaire à la tête de la police, ça ne joue pas », commente l’universitaire.

Jusqu’à présent, la diplomatie congolaise essaie pour sa part de rassurer l’Europe et les Etats-Unis sur son intention d’aller aux élections et de respecter la Constitution de la RDC. Le pays n’a plus de dollars américains dont dépend son économie et court le risque de défaut de paiement.

Le Fonds monétaire international (FMI) insiste sur la démocratie, dont les élections, et l’amélioration de la situation sécuritaire comme préalable à tout prêt de liquidité.

Entre besoin d’argent et volonté de durcir le régime, Kabila semble hésiter, entretenant un flou sur l’orientation politique que va prendre le pays durant les cinq prochains mois.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın