Afrique

RDC/Insécurité : A Kinshasa, on ne dort que d'un seul oeil

- La situation sécuritaire de cette mégapole a tendance à se compliquer, surtout après les attaques et les évasions de détenus. La population s'inquiète...

Esma Ben Said  | 12.09.2017 - Mıse À Jour : 13.09.2017
RDC/Insécurité : A Kinshasa, on ne dort que d'un seul oeil

Afghanistan

AA / Kinshasa / Pascal Mulegwa

Avec ses quelques douze millions d’habitants, Kinshasa remplit bien les conditions d’une mégapole bouillonnante et pleine de vie, tournant parfois en un environnement hostile. Mais cela n’empêche pas une lutte quotidienne pour gagner quelques sous, pour la majorité, des millions pour une poignée…

La ville a sa propre doctrine et une image spécifique. Mais, depuis quelques mois, "on ne cesse de craindre le pire, même pendant la journée. On n’a jamais vécu cela auparavant" se plaint Philémon, la cinquantaine.

Chaque matin à l’aube, ce "débrouillard" comme il aime se qualifier, se dirige vers le centre-ville, à Gombe, commune huppée de Kinshasa, où il est le proprio d'une petite affaire dans les encablures de l’avenue du commerce. Une fois sa journée terminée, il rentre aussitôt chez lui, dans la commune de Lemba à bord d’un minibus vétuste et délabré, surnommés "Esprits de mort", réservé aux plus démunis.

"Je ne me promène plus en ville. On ne sait pas quand est-ce que ces gens peuvent frapper. Je ne m’aventure plus dans les terrasses comme je le faisais avant. Je rentre directement chez moi" raconte-t-il, se rappelant de quelques raids spectaculaires ayant visé la ville en plein jour.

Les Kinois dans la terreur

Depuis la mi-mai, la terreur s’est invitée dans le quotidien des Kinois, habitants de Kinshasa.

Alors que la RDC célébrait, à Kinshasa, une date symbolique le 17 mai, jour marquant l’anniversaire de la chute du dictateur Mobutu Sese Seko et l’accès au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, père de Joseph Kabila ; quelque 4 700 prisonniers, dont certains sont des qualifiés de criminels "dangereux" et auteurs des crimes "crapuleux", s’étaient fait la belle de la plus grande geôle congolaise, la prison de Makala.

Parmi les évadés, figurait Ne Mwanda Nsemi, de son vrai nom Zacharie Badiengila, chef de Bundu Dia Kongo, un mouvement politico-religieux interdit par les autorités congolaises.

Député de Kinshasa, Ne Muanda Nsemi a été arrêté début mars dans la capitale congolaise. Il est accusé d’une série d’attaques contre des symboles de l’État entre janvier et février 2016. Auparavant, il avait appelé à une insurrection contre le président congolais Joseph Kabila après une tentative avortée de rapprochement en 2016.

L’évasion de Makala a été suivie d'une série d'attaques spectaculaires contre des commissariats de police et les parquets dans la capitale congolaise, pourtant sur-militarisée. Viendra enfin, l’assaut contre le grand marché de Kinshasa le 14 Juillet.

Emery, gérant d’une maison d’habillement de luxe située dans une rue boueuse du grand marché, n’a jamais oublié ces assaillants "coiffés de bandeaux rouges" qui avaient attaqué en plein jour le marché central.

Le couloir de la mort

"Kinshasa est entrain de devenir un petit couloir de la mort. C’est du sauve qui peut. Les chefs se sécurisent eux-mêmes et nous laissent à notre triste sort" confie-t-il. A ses cotés, Jacques, se contente de lire les journaux.

A Kinshasa, "nous vivons de fait un état d’urgence. Mais il n'est jamais déclaré", commente-t-il. Diplômé des sciences sociales, Jacques est simplement chômeur, converti tantôt en petit commissionnaire immobilier, tantôt en courtier dans le périmètre de l’avenue du commerce.

Depuis cette série d’attaques, les services de sécurité ont renforcé leurs dispositifs dans tous les endroits stratégiques, rues et points chauds de Kinshasa.

Durant outre la journée, la police, renforcée par quelques éléments de l’armée, évolue en rondes, des patrouilles pédestres et motorisées. Le soir, elle se dérobe de la courtoisie : temps aux check-points, ratissages des zones et bouclages ciblés. A la trousse des criminels, elle saute parfois sur de fausses proies. A Lemba chez Jacques, elle ne distingue pas entre jeunes désœuvrés, évadés de Makala et gangs de la rue.

La chose la plus sûre est que "la coopération de la population est insuffisante. Nous avons choisi de passer à la vitesse supérieure, compte tenu du climat sécuritaire actuel" souligne le porte-parole de la police nationale congolaise (PNC), le colonel Pierrot Mwanamputu.

D’une voix, naturellement diluée, l’officier est convaincu que la capitale congolaise est menacée par le "terrorisme". A en croire Mwanamputu qui a récemment présenté à la presse quinze présumés auteurs de ces attaques ayant fait 17 morts et plusieurs blessés à Kinshasa, les miliciens Kamwina Nsapu menacent toujours la ville.

Aux prises avec l’armée dans la région du Kasaï (centre), des violences les impliquant depuis une année ont déjà fait plus de 3300 morts, selon l’Eglise Catholique.
Cette milice "instrumentalisée par certains hommes politiques opère sous une branche kinoise et nous avons des témoignages et des preuves", déclare Mwanamputu avec en mains, quelques photos des assaillants recherchés par la police.

Parmi ces présumés assaillants, un jeune a été présenté comme membre du principal parti de l’opposition, l’Udps. Il est considéré par la police comme le "cerveau moteur" de ces attaques.

Mais cette thèse ne passe pas chez les Kinois réputés pour n’avoir jamais aimé le président Joseph Kabila, que d’ailleurs l’opposition accuse d’avoir "créé des zones d’insécurité dans le pays en instrumentalisant les identités tribales", pour bloquer le processus électoral.

Evoquant "des attaques sans fondement opérées par des hommes sans scrupule au niveau des provinces du Kasaï et de la ville de Kinshasa" le parti présidentiel [PPRD] a même encouragé dans un communiqué diffusé à la mi-juillet, le président Joseph Kabila de décréter l’état d’urgence. Il y a de quoi craindre le pire…

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın