RDC: Grogne autour des réparations attendues du "lion de l’Ituri" (Eclairage)

Kinshasa
AA/Kinshasa/Pascal Mulegwa
En République démocratique du Congo (RDC), les réparations récemment ordonnées par la Cour pénale internationale (CPI) au seigneur de guerre congolais, Germain Katanga, au profit de ses victimes font l’objet d’une grogne sociale allant crescendo.
Le chef de la société civile et les victimes de Katanga ne décolèrent pas, d’ailleurs.
Le « lion de l’Ituri » (surnom donné à Katanga) a été condamné le 24 mars dernier par la Cour pénale internationale (CPI) à verser un million de dollars américains aux 297 victimes de ces crimes commis en 2003, lors d’une attaque lancée contre le village de Bogoro, dans le Nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).
« C’est une réparation minable et insignifiante, vu la teneur des crimes », a réagi dans une déclaration à Anadolu Salomon Byaruhanga, chef du village de Bogoro, dans la province de l’Ituti. « Par ce jugement, a poursuivi le chef traditionnel, la Cour pénale internationale a en effet minimisé les crimes de M.Katanga ».
- Réparation "insignifiante"
Agriculteurs et éleveurs, les victimes de Katanga dans la région de Bogoro dans la province de l’Ituri ont, à maintes reprises, exprimé leur « mécontentement », dénonçant un « sabotage » et une « négligence » de la part de la Cour pénale internationale en leur allouant un montant « insignifiant » de 250 usd par victime , selon Naguy Godhi, coordonatrice de l’ONG congolaise de défense des droits de l’homme « Pax-Dei » basée dans le Nord-est de la RDC.
Selon la responsable, cette première réparation matérielle de la cour dans son histoire est « seize fois moins » que les dégâts causés par le condamné. Elle a, dans ce sens, affirmé que les avocats des victimes avaient estimé à près de 17 millions de dollars, les dommages causés.
En 2003, des centaines de vaches avaient été abattues, des maisons et des infrastructures incendiées et au moins deux cents personnes ont été tuées par des rebelles sans parler des dizaines de blessés dont la plupart sont aujourd’hui porteurs de handicaps.
Général de brigade au sein de l’armée loyaliste, Germain Katanga avait été condamné en 2014 à 12 ans de prison pour complicité dans les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, perpétrés le 24 février 2003 lors de l’attaque du village de Bogoro, alors qu’il était commandant des Forces de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI), une rébellion encore active dans le Nord-est congolais.
Théoriquement, l’ancien chef de guerre congolais devra participer aux réparations à hauteur d’un million de dollars, mais il a été déclaré « indigent, sans biens ni avoirs actuellement ». C’est le Fonds pour les victimes, financé par les Etats membres de la Cour et les donations volontaires qui réglera donc la facture pour le compte de M.Katanga, a précisé dans une déclaration à Anadolu Tedesco Margot, responsable de l’équipe de sensibilisation de la CPI en RDC.
- Indigent, Katanga propose des excuses
Germain Katanga avait par contre souhaité contribuer à la réparation de ses victimes « en présentant volontairement ses excuses ». De son côté, le juge Marc Perrin de Brichambaut de la chambre VII de la cour pénale internationale avait clarifié que les 250 dollars par victime ne visent pas à « indemniser les préjudices dans leur intégralité, mais à soulager les préjudices subis par les victimes de manière significative ».
Après avoir purgé sa peine le 18 janvier 2016 suite au retrait de ses sept ans de détention préventive et sa remise de peine pour bonne conduite et après les regrets exprimés, Germain Katanga étant général de brigade au sein de l’armée loyaliste, a également été poursuivi par Kinshasa pour « crime de guerre par la conscription ou l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans » , crimes contre l’humanité par « meurtre » et participation à un mouvement insurrectionnel ».
Le « lion de l’Ituri » qui ne cessait de demander pardon à ses victimes est détenu dans une prison à Kinshasa en l'attente de la fin de son procès dont est chargée la haute cour militaire congolaise.
Dans la même province de l’Ituri, sont attendues d'autres réparations de la part d’un autre chef de milice congolais, Thomas Lubanga, condamné en 2012 par la CPI à 14 ans de prison pour crimes de guerre consistant en l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de 15 ans, pour ensuite participer activement à un conflit interethnique entre 2002 et 2003.