Afrique

RDC : Fatuma Hassan Sheïla, ou la laïcité à la congolaise (Portrait)

- Musulmane pratiquante, la docteure Fatuma Hassan Sheïla est une figure politique importante de la province du Nord-Kivu, dans l’est du Congo-Kinshasa.

Fatma Bendhaou  | 06.07.2022 - Mıse À Jour : 06.07.2022
RDC : Fatuma Hassan Sheïla, ou la laïcité à la congolaise (Portrait) Source : Twitter / Fatuma Hassan Sheilla @HajjatDrFatu

France


AA / Hakim Maludi

Si dans certains pays occidentaux, au premier rang desquels la France, le principe de laïcité semble incompris et parfois dirigé contre une communauté religieuse en particulier, le concept est vécu de manière bien différente au Congo.

Pays laïc, la République démocratique du Congo, pourtant peuplée à plus de 80% de chrétiens, propose un modèle inclusif et tolérant.

Musulmane pratiquante, la docteure Fatuma Hassan Sheïla est une figure politique importante de la province du Nord-Kivu, dans l’Est du Congo.

Originaire du territoire de Walikale, cette mère de famille de 42 ans est issue de l’ethnie Rega.

Passée par l’université de Goma, où elle a obtenu son diplôme de médecine générale au cours de l’année 2008-2009, elle a poursuivi son 3ème cycle à l’UPC/université protestante du Congo, à Kinshasa, en collaboration avec la faculté de médecine MEDUNSA South Africa.

Son Master décroché en décembre 2015, la Dr Fatuma Hassan a exercé les fonctions de médecin traitant à l’hôpital général de référence de Virunga, à Goma (2010-2012) avant d’être médecin traitant à l’hôpital Heal Africa, de 2012 à 2015.

Affectée à l’hôpital provincial du Nord Kivu comme spécialiste en médecine familiale, la docteure est aujourd’hui ministre provinciale au Nord-Kivu, en charge de l’agriculture, de la pêche, de l’élevage et du développement durable.


Des musulmans encore sous-représentés sur la scène politique nationale


En 2016, la docteure s’est impliquée personnellement pour l’inscription de la population sur les listes électorales en prévision du scrutin présidentiel qui a finalement été repoussé de deux ans.

Pour Fatuma Hassan Sheïla, la communauté musulmane doit pouvoir peser afin de compter dans les grands enjeux nationaux et faire évoluer les derniers blocages institutionnels auxquels elle fait face : « Étant un pays laïc et constitué de plusieurs communautés religieuses, la RDC ouvre les portes à tout citoyen pour accéder aux commandes du pays sans distinction ethnique et/ou confessionnelle. Il est d’une grande importance que les musulmans s’y impliquent aussi pour apporter une pierre à l’édifice qui est la RDC, surtout que nous constituons une infime minorité dans la population par rapport aux autres grandes communautés », explique-t-elle.

« Je souhaite voir les musulmans s’impliquer en politique parce qu’il y a un adage qui dit que si tu ne t’occupes pas de la politique, la politique s’occupera de toi. Nous avons constaté que la politique s’occupe déjà des musulmans. Des exemples... Noël et Pâques sont fériées, pourquoi pas nos deux grandes fêtes de l’Aïd ? Les diplômes théologiens chrétiens sont reconnus par l’État congolais, pourquoi pas les nôtres ? Les dimanches, il n’y a pas de travail ; pourquoi ne pas permettre aux musulmans de travailler le vendredi jusqu’à 12h00 et après ça ils vont prier librement et calmement à la mosquée ? Les exemples sont multiples pour démontrer la différence de traitement dont nous faisons l’objet ».


Sur l’échiquier politique national, la sous-représentation de politiciens musulmans a toujours été un combat pour les membres d’une communauté estimée à environ 12% de la population totale.

Si elle met ce déficit de représentativité sur le compte du passé colonial du pays (les colons belges interdisaient l’accès à l’éducation aux Congolais non baptisés), la docteure Fatuma Hassan pointe également le peu d’intérêt pour la question politique au sein de la communauté musulmane congolaise.

« Plusieurs facteurs sont à évoquer pour expliquer cette sous-représentation. Déjà, les musulmans représentent un faible pourcentage de la population congolaise, c’est la cause majeure de ce manque de représentativité », rappelle-t-elle.

« Ensuite, je mets en cause la politique de l’évangélisation coloniale. Les musulmans congolais s’étaient fait éloigner de la politique depuis l’époque coloniale par les colons, mais aussi par eux-mêmes pour préserver leur foi. Cependant, il est d’opportunité, à ce jour, que nous nous impliquions dans la politique du pays au lieu de faire la politique de la chaise vide. Je dis cela car aujourd’hui, nombreux sont les musulmans qui pensent que la politique n’est pas leur affaire ; eux, ils vont juste à la mosquée et c’est tout ».


« La laïcité congolaise est tolérante ! »


Malgré les critiques qu’elle peut émettre à l’encontre d’un système jugé encore fermé pour la minorité musulmane, la Dr Fatuma Hassan défend le modèle congolais en termes de laïcité. Au quotidien, elle fait face à la tolérance de ses patients et de ses collègues de travail qui ne la jugent que sur ses compétences.


« La société congolaise est tolérante. La laïcité c’est la tolérance et le respect de la foi de tout un chacun. Il n’y a aucun souci sur ce point, à part quelques personnes qui peuvent avoir des préjugés ou encore des stéréotypes sur les musulmans. Moi, le port du hijab, c’est ma fierté et la manifestation de ma foi. J’ai toujours ma tenue islamique dans mon travail. Je n’ôte jamais mon voile, et d’ailleurs, c’est ma particularité dans tous les hôpitaux où j’ai déjà travaillé. Souvent les malades disent : « Je viens voir mon médecin, la musulmane », et tout le monde sait que c’est moi. Jusque-là, cela ne pose pas de problème, la laïcité à la congolaise se vit normalement ».


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