RDC: Bruyante, l'affaire des passeports biométriques
- Date butoir repoussée au 14 janvier 2018

Congo, The Democratic Republic of the
AA/Kinshasa/Joseph Tsongo
La décision par Kinshasa, le 15 septembre, d’invalider tous les passeports en circulation en vue de les remplacer par des passeports biométriques (à puce) n’a pas manqué de susciter grogne, inquiétudes et réactions.
Le délai d’un mois, jusqu’au 16 octobre, donné initialement aux Congolais pour renouveler leurs documents de voyage a été jugé insuffisant, de quoi créer un doute certain sur la vrai volonté du gouvernement congolais quant à la mobilité des personnes et le coût de l’opération.
Pour sa part, le gouvernement de la République démocratique du Congo n’a donné aucun détail sur le nombre de passeports à renouveler, ni même sur le dispositif humain et logistique mis à la disposition des autorités compétentes pour remplacer les passeports semi-biométriques par des passeports à puces, dits biométriques.
Ce déficit d’information a donné libre-cours à toute sorte d’interprétations et de réactions et contraint les autorités à revoir leur copie, pour décider, finalement, d’adopter des mesures d’assouplissement et proroger la date butoir au 14 janvier 2018.
Un communiqué brutal
Tout a commencé le 15 septembre dernier, lorsque le vice-ministre des Affaires étrangères a publié un communiqué officiel annonçant l’invalidation des passeports semi-biométriques à partir du 16 octobre 2017.
Les Congolais en possession de passeports semi-biométriques ne seront plus en mesure de se déplacer à l’extérieur du pays. Et même ceux qui reviennent de l’étranger doivent remettre leurs passeports, contre un bon leur permettant de le renouveler, moyennant, la somme de 100 dollars US au lieu de 185, et ce, même si le passeport est encore valide.
Cette mesure «brusque», visant l’invalidation des passeports semi-biométriques encore en circulation, provoque l’indignation.
Beaucoup de citoyens congolais ont du coup exprimé leurs craintes d’une situation de mobilité difficile et de nouvelles obligations financières et forcément «insupportables». Cette mesure a été même considérée contradictoire à la déclaration initiale du gouvernement, il y a deux ans.
A l’époque, le chef de de la diplomatie congolaise avait annoncé que les deux types de passeports seront utilisés concomitamment pendant deux ans et jusqu’à l’expiration de la validité indiqué sur le document de voyage.
C’est ce qui explique l’effet «coup de tonnerre» de la décision sur les citoyens congolais. Du coup, les voix de contestation ont rugi de partout. «Pourquoi retirer des passeports valides et laisser régner un président invalide ?» ironise, déçu, un citoyen ayant requis l’anonymat.
Brusque revirement… et chamboulement
«Un passeport ne perd pas sa validité avant l’échéance qui y figure… Alors, vos motivations sur cette démarche sont dérisoires et irresponsables», écrit Josué Vangu sur son mur Facebook.
Ce blogueur congolais demande au gouvernement de toujours penser à son peuple «misérable», avant d’arrêter une mesure qui le concerne.
Parallèlement, et au moment où les Congolais vivant tant à l’intérieur qu’en dehors du pays s’indignent sur internet, «Touche pas à mon passeport» comme on peut le lire dans les réseaux sociaux, des citoyens vivant au pays ont osé exprimer leur révolte dans des actions concrètes.
Le 20 septembre, des jeunes ont brandi des banderoles sur lesquelles ils ont noté «Mon passeport est valide…
Arrêtez d’arnaquer les citoyens congolais» et se sont dirigés vers les locaux du ministère des Affaires étrangères à Kinshasa, où ils ont observé un sit-in.
Plusieurs d’entre eux, dont le rappeur Lexus-Legal, manifestant contre la mesure gouvernementale d’invalider les passeports semi-biométriques au mois d’octobre, ont été brutalement interpellés par la police, puis relâchés quelques temps plus tard.
Au même moment, le mouvement citoyen de lutte pour le changement (Lucha), a également entamé une série de manifestations pour exiger la levée de cette mesure «ridicule», selon la Lucha.
Le 25 septembre par exemple, des militants de la Lucha, une vingtaine, ont été arrêtés devant le ministère des Affaires étrangères à Kinshasa.
S’attaquant au gouvernement congolais, plusieurs citoyens ont critiqué le communiqué du ministère des Affaires étrangères visant l’invalidation des passeports semi-biométriques, à partir du 16 octobre 2017.
Se confiant à un média de Kinshasa, Laurent Batumona, président du mouvement de solidarité pour le changement (MSC) a également désapprouvé la mesure du gouvernement : «que vient faire le dossier des passeports dans un climat généralement tendu en RDC ? Le gouvernement congolais veut continuer la politique de prédation de sa population», dénonce-t-il.
Une mesure d’arnaque ?
«Je retiens que le gouvernement veut se faire des sous à tout prix», lance Ruth Kalenga, citoyenne congolaise vivant à l’étranger.
Elle évoque notamment la cherté du passeport congolais allant de 250$ à 350$ et l’incapacité d’obtenir avant le 16 octobre, date butoir, le nouveau passeport dit biométrique.
En même temps, Augustin Bakatsuraki, ayant un visa en cours, pour les études en Ouganda ne sait pas comment s’y prendre : «Il s’agit d’un vol éhonté de la part du gouvernement congolais.
Nous risquerons d’être bloqués à l’étranger à cause de la décision irrationnelle de notre gouvernement», craint-t-il, fâché.
Par ailleurs, le porte-parole du gouvernement congolais, justifiant la mesure prise, assure que c’est pour le bien des Congolais.
Pour Lambert Mende, le passage du passeport semi-biométrique au passeport biométrique vise à protéger les citoyens congolais contre la falsification.
«Celui qui a un visa en cours dans son passeport semi-biométrique pourra le détacher et puis le coller dans le nouveau passeport biométrique», affirme Mende cité par la radio onusienne (Okapi).
Selon une enquête de l’agence Reuters, des millions de dollars versés pour le passeport congolais ne vont pas dans les caisses de l’Etat. Ils iraient plutôt dans une société privée qui appartiendrait à un proche parent du chef de l’Etat Joseph Kabila.
La pression étant telle, le gouvernement congolais a fini par approuver des mesures d'assouplissement. Anadolu a appris que la date butoir a été prorogée au 14 janvier 2018. Une information divulguée aussi subitement que l’annonce initiale.
C’est Leonard She Okitundu, vice premier ministre en charge des Affaires étrangères qui l’a annoncé, en réponse à une question d’un député à l’Assemblée nationale, lundi.
She Okitundu a expliqué que cette décision est justifiée par des «réclamations persistantes» des populations.