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RCA: "L'Etat du Logone", une menace nationale et régionale"à prendre au sérieux" (experts)

Le contexte régional marqué par une lutte régionale contre Boko Haram pourrait subir les conséquences de cette sécession, selon des experts interrogés par Anadolu.

Safwene Grira  | 17.12.2015 - Mıse À Jour : 18.12.2015
RCA: "L'Etat du Logone", une menace nationale et régionale"à prendre au sérieux" (experts)

Bangui

AA/ N'Djamena/ Bangui/ Mahamat Ramadane/ Sylvestre Krock/ Constantin Ngoutendji/ Issiaka N'Guessan

La récente proclamation par le chef rebelle centrafricain, Noureddine Adam, d'un Etat autonome dans le Nord-Est du pays, constitue "une menace" pour la paix aussi bien en Centrafrique que dans la sous-région, estiment des experts interrogés par Anadolu.

Tant le contexte de "fragilité intrinsèque" à cet Etat depuis des décennies que le défi sécuritaire se posant pas loin de ses frontières, font de cette sécession "une menace à prendre au sérieux", s'accordent à dire ces experts.

Frontalier du Cameroun et du Tchad, le Nord-Est de la Centrafrique pourrait ainsi constituer une entrave à la mutualisation des efforts régionaux pour éradiquer Boko Haram, estime Geoffroy Julien Kouao, enseignant de Droit à l'Université du Maghreb d'Abidjan, dans une déclaration à Anadolu.

Outre la mobilisation militaire régionale, cette lutte suppose des efforts conjoints autour d'enjeux transfrontaliers, comme le trafic d'armes, que l'établissement de cette nouvelle entité pourrait entraver objectivement, selon ce juriste.

Si Kouao exclut un rapprochement idéologique entre le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) sécessionniste et Boko Haram, il précise, néanmoins, que ce rapprochement pourrait être objectif. Il explique dans ce sens, qu'un Etat du Logone non reconnu par les autres Etats régionaux ne pourrait adhérer à une lutte commune de lutte contre Boko Haram.

"Même si le contexte actuel justifie ces craintes, les puissances régionales comme le Tchad, le Cameroun et le Nigeria vont tout mettre en oeuvre pour endiguer cette menace de trafic d'armes et de tentative de pénétration des hommes de Boko Haram pour faire de la Centrafrique une base arrière de Boko Haram", nuance aussitôt le professeur ivoirien.

Mardi, le FPRC, décrit comme la branche la plus radicale de l'ex-Seleka, milice au pouvoir en 2013 sous la président de la République Michel Djotodia, annonçait la naissance de la République du Logone, du nom de la rivière d'Afrique centrale drainant une partie du grand bassin du Lac Tchad.

Cette "réaction épidermique et non de raison", selon Geoffroy Julien Kouao, pourrait avoir pour motivation, de négocier un positionnement dans le paysage qui s'annoncera après les élections législatives et présidentielle du 27 décembre.

Ayant boycotté le Forum de Bangui, tenu l'été dernier dans la capitale centrafricaine pour établir un plan de sortie de la guerre civile, les FPRC n'ont pas accepté le Processus de Désarmement Démobilisation Réinsertion (DDR) devant concerner les milices qui ont pris part à ce conflit déclenché au cours de 2013. 

"Ce coup de force de Nouredine Adam à la veille des élections où tout semble s’accélérer, veut tout simplement insinuer aux autorités: vous vous préoccupez des élections et du maintien de l’ordre mais quel sera notre sort dans cette nouvel ordre politique? Puis, n’oubliez pas que nous contrôlons la partie Nord Est du pays", juge pour sa part le politologue et chercheur tchadien, Ahmat Yacoub Dabio, dans une déclaration à Anadolu.

De fait, les motivations avancées par cette branche de l'ancienne Seleka restent "floues". Joint mercredi par Anadolu, le coordonnateur adjoint des FPRC Maouloud Moussa invoque que les autorités de transition "refusent de dialoguer" avec leur mouvement. Il fait part également d'un manque d'infrastructures dans cette région où se concentrent des populations musulmanes, minoritaires dans le pays.

"Nous ne déclarons pas la guerre au peuple centrafricain, notre ex-président Michel Djotodia a démissionné [en janvier 2014] pour la paix et non pour la guerre. Mais comme vous même vous le savez depuis 54 ans nous n'avons ni hôpitaux, ni écoles, ni autres infrastructures dans notre zone", dit Maouloud Moussa.

Dimanche dernier, les Centrafricains ont pris part à un référendum constitutionnel devant approuver la nouvelle loi fondamentale de ce pays éprouvé par une guerre civile qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts, exilés et déplacés. Des éléments identifiés par des sources concordantes au FPRC ont toutefois saboté ce jour de scrutin, à la fois dans l'enclave musulmane de PK5 qu'à Kaga Bandoro (nord), sous le contrôle du groupe de Noureddine Adam.

Pour les experts tchadien et ivoirien, la sécession prouve que l'organisation de ce scrutin avant le règlement des problèmes politiques, notamment le désarmement des groupes armés, était "une erreur".

"Aucun pays au monde ne peut prétendre organiser des élections avec une partie du territoire occupée par un groupe armé. Nous avons donc l’impression que ce processus électoral semble sonner plutôt comme un débarras de la part des partenaires internationaux plutôt qu’une recherche active et approfondie de la stabilité du pays», a ainsi indiqué le chercheur tchadien.

Et d'ajouter que "ce qui pousse les chefs de guerre de l’ex-Seleka à jouer leur carte de la partition du Nord du pays, c’est la conséquence de la précipitation électorale."

Ce processus pourrait, enfin, être voué à l'échec, selon Kouao, puisque les puissances régionales "ne pourront tolérer que le processus de paix soit mis à mal en Centrafrique".

En outre, la Force onusienne en RCA "Minusca" s'est dite résolue à lutter par tous les moyens, y compris la force, contre cette sécession. "Notre mandat est de défendre aux côtés des autorités centrafricaines l’intégrité de leur territoire", disait, mercredi, son chef Parfait Onanga-Anyanga.

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