Afrique

Protection des albinos: une experte de l’Onu salue la décision de la CADHP contre la Tanzanie

- La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a épinglé la Tanzanie pour avoir failli à sa responsabilité de protéger les personnes atteintes d’albinisme

Majdi Ismail  | 07.02.2025 - Mıse À Jour : 09.02.2025
Protection des albinos: une experte de l’Onu salue la décision de la CADHP contre la Tanzanie

Tanzanya

AA / Tunis / Majdi Ismail

L'experte indépendante sur l'exercice des droits de l'homme par les personnes atteintes d'albinisme, Muluka-Anne Miti-Drummond, a salué ce vendredi une décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) qui a épinglé la Tanzanie pour avoir failli à sa responsabilité de protéger les personnes atteintes d’albinisme contre les attaques violentes, la torture, les traitements dégradants, la discrimination, la traite et l’enlèvement d’enfants d’albinos.

Dans sa décision, la CADHP a jugé que la Tanzanie avait violé le droit au respect de la vie humaine garanti par l’article 4 de la Charte africaine, ainsi que l’interdiction de la torture, des traitements dégradants et inhumains, de la vente, de la traite et de l’enlèvement d’enfants, et le droit à la non-discrimination en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

En conséquence, la juridiction ordonne à la Tanzanie de modifier les lois, y compris la loi sur la sorcellerie, pour garantir la criminalisation des attaques contre les personnes atteintes d’albinisme.

‘’Cette décision est une étape importante dans les efforts en cours pour faire respecter les droits humains des personnes atteintes d’albinisme et l’affaire a permis à la Cour africaine une occasion unique de créer un précédent important en ce qui concerne les obligations des États concernant les droits humains des personnes atteintes d’albinisme en Afrique’’, a déclaré Miti-Drummond, dont les propos ont été relayés sur le site du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.

La Cour africaine a notamment ordonné à la Tanzanie de promulguer un plan d’action national sur la protection des personnes atteintes d’albinisme, conformément au Plan d’action de l’Union africaine pour mettre fin aux attaques et autres violations des droits humains visant les personnes albinos. La juridiction a en outre ordonné à la Tanzanie de prendre des mesures efficaces pour garantir le droit à la santé des personnes atteintes d’albinisme et d’entreprendre des campagnes de sensibilisation pour dissiper les croyances erronées sur l’albinisme et atténuer la violence.

‘’Je suis encouragé par la décision ferme de la Cour sur les réparations, qui a ordonné à la Tanzanie de créer un fonds d’indemnisation et de verser 10 millions de shillings tanzaniens en guise d’indemnisation aux personnes atteintes d’albinisme qui ont été victimes d’attaques violentes’’, a déclaré l’experte. Miti-Drummond a exhorté le gouvernement tanzanien à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre de cette décision.

L'affaire a été portée devant la CADHP par le Centre des droits de l'homme de l'Université de Pretoria (CHR), l'Institut pour les droits de l'homme et le développement en Afrique (IHRDA) et le Centre des droits juridiques et des droits de l'homme (LHRC) au nom des personnes atteintes d'albinisme en Tanzanie. Les requérants ont présenté des preuves relatives aux meurtres et aux mutilations de personnes atteintes d'albinisme dans plusieurs districts de Tanzanie, au manque d'accès à la justice pour les victimes de ces attaques, ainsi qu'à la discrimination et à la stigmatisation sociale persistantes à l'encontre des personnes atteintes d'albinisme. Ils ont accusé le gouvernement tanzanien de ne pas protéger et de ne pas promouvoir les droits des personnes albinos dans le pays.

Miti-Drummond, en collaboration avec l'ONG Under the Same Sun et L'O'Neill Institute for Global and National Health de l'Université de Georgetown, a présenté un mémoire d'amicus curiae mettant en évidence l'ensemble des lois, normes et jurisprudences internationales en matière de droits de l'homme relatives aux responsabilités du gouvernement tanzanien envers les personnes atteintes d'albinisme. L'experte a eu plusieurs entretiens avec le gouvernement tanzanien, notamment une visite de plaidoyer, pour répondre aux préoccupations et aux défis rencontrés par les personnes atteintes d'albinisme dans le pays.

Lors de sa campagne présidentielle de 2015, le défunt président tanzanien John Magufuli avait promis de mettre fin aux meurtres de personnes atteintes d’albinisme et s’était engagé à tenir les agents gouvernementaux pour responsables si de tels actes persistaient. En dépit de cette prise de position, et des bonnes intentions du gouvernement, les meurtres ont continué.

Un plan d’action national de lutte contre la traite des personnes a été lancé en mars 2022 en Tanzanie. Selon plusieurs observateurs, il doit s’accompagner d’une législation spécifique sur le trafic d’organes qui viendrait renforcer la loi de 2008 sur la lutte contre la traite des personnes.

La Tanzanie compte le taux le plus élevé au monde de personnes atteintes d’albinisme. En Afrique, une personne sur 15 000 est affectée, elle touche un Tanzanien sur 1 400, selon L’Institut d’études de sécurité (ISS), principale organisation multidisciplinaire de sécurité humaine en Afrique.

L’albinisme est une maladie génétique rare qui se caractérise par une limitation de la pigmentation de la mélanine dans la peau, les yeux et les cheveux, ce qui donne aux personnes affectées une apparence anormalement pâle. Même si elle ne se manifeste pas dans tous les cas, la mutation génétique associée à l’albinisme est portée par un Tanzanien sur 19, précise L’ISS.​​​​​​​

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