Analyse, Afrique

Pourquoi le Maroc se tourne-t-il vers l'Afrique de l'Est? (Analyse)

- Une diplomatie économique active tournée vers l'Afrique de l'Est après celle de l'Ouest et de l'Afrique centrale servira le retour du Royaume à l'Union africaine, selon des experts.

Mohamed Hedi Abdellaoui  | 21.10.2016 - Mıse À Jour : 24.10.2016
Pourquoi le Maroc se tourne-t-il vers l'Afrique de l'Est? (Analyse)

Kigali

AA/ Tunis/ Kigali/ Mohamed Abdellaoui-Henri De Marie

La tournée africaine du roi marocain Mohammed VI arrivé le 18 octobre à Kigali au Rwanda, première étape d’un périple qui doit l'emmener en Tanzanie puis en Ethiopie, a interpellé bien des experts et observateurs de l’actualité du continent.

Si certains se réfèrent aux enjeux économiques que présente, aujourd'hui, l'Afrique de l'Est et surtout le pays de Paul Kagamé qui connaît un important progrès économique, d'autres pensent que le royaume chérifien a décidé de se tourner vers cette partie du continent afin d'augmenter ses chances de réintégrer l'Union africaine(UA). Le Maroc avait quitté l’Organisation panafricaine en 1984, en raison de l’adhésion du Sahara occidental.

Le Maroc réclamant une souveraineté totale sur cette région qu'il contrôle, et qu'il considère comme "partie intégrante de son territoire", alors que le Front Polisario (mouvement politique et armé du Sahara occidental, créé en 1973) revendique son indépendance.

Volet économique, Robert Mugabe, journaliste spécialiste des questions politiques et économiques africaines, fait observer dans un entretien avec Anadolu que « les Marocains misent sur le rapprochement économique avec la région est-africaine pour booster leur croissance ». De ce point de vue, il évoque les 19 accords bilatéraux signés entre les deux parties lors de la visite. Ces accords se rapportent entre autres à l’établissement et au développement d’une zone économique au Rwanda, ainsi qu’à la mise en place d’un programme de micro-finance.

Selon l’analyste, « jusqu'à un passé récent le royaume chérifien n’accordait pas trop d'importance à l’Afrique de l’est en matière d'investissements, si l’on se réfère à la nature de son partenariat avec l’Afrique subsaharienne.

Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne ont connu une forte progression au cours de la dernière décennie, s’élevant à 17,7 milliards de dirhams (autour de 170 millions USD) entre 2009 et 2014. Mais, les principaux clients étant le Sénégal, la Mauritanie, la Côte d’Ivoire et la Guinée, relevant de l’Afrique de l’ouest, selon le site marocain à vocation économique « le360.ma ».

Le spécialiste des questions africaines rattache la priorité accordée par le Royaume et ses investisseurs à la région ouest-africaine et dans une moindre mesure à l’Afrique centrale, à un ensemble de facteurs.

"Il ne faut pas perdre de vue que les opérateurs marocains partagent avec leurs partenaires issus de ces deux régions la langue française. Ajoutons les avantages garantis par la proximité des marchés, comparativement à certains autres concurrents et les relations historiques multidimensionnelles", explique-t-il.

Les mobiles économiques de la tournée est-africaine du roi chérifien ne peuvent, néanmoins, pas cacher ses objectifs politiques qui semblent, a priori, primer sur les premiers, nuance Mugabe.

"Dans le cas marocain, la diplomatie économique est au service de la politique. On joue la carte économique en vue d’obtenir des soutiens politiques dans la région est-africaine traditionnellement plus proche du bloc algérien, un des principaux adversaires du bloc marocain, car allié important du Front Polisario", ajoute le spécialiste, soulignant que la Maroc a eu gain de cause à Kigali.

Le Rwanda est, en effet, devenu le 19 octobre 2016 le premier pays de la communauté est-africaine à être favorable au retour du Maroc au sein de l'Union Africaine.

La ministre des Affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo l’a officiellement fait savoir, le même jour, dans une déclaration à Anadolu : « Le moment est venu pour le Maroc à notre avis de rejoindre ses frères et soeurs africains. Le reste, c'est à dire les questions difficiles, se règleront après et progressivement au sein de notre famille commune ».

Abondant dans le même sens, le chef de la diplomatie marocaine, Salaheddine Mezouar, a déclaré à la presse : « Nos amis rwandais nous soutiennent, c'est déjà un bon signe pour notre tournée en Afrique de l'est ».

Confirmant la bonne marche diplomatique marocaine, le politologue rwandais Venuste Karambazi, fait observer que « le bloc du Maroc s'élargit plus que celui de l'Algérie auprès des Africains ».

"Je suis convaincu que la Tanzanie et l'Ethiopie, pays confrontés à des velléités d'indépendance émises par certaines régions des leurs, vont soutenir le Maroc sans ambiguïté sur la question épineuse du Sahara occidental", argumente-t-il.

Livrant une toute autre approche, l'écrivain Alexis Nizeyimana, a estimé, dans un déclaration à Anadolu, : qu' « une probable réintégration du Maroc au sein de l'UA sera un non évènement. Ce retour sera quantitatif et non qualitatif pour l'UA. Car la présence du Maroc ou son absence ne rend pas cette institution plus indépendante ni encore plus efficace, s’agissant d'intégration africaine».

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