Niger: la montée des eaux dans le sud-est, "barrière de protection divine" contre Boko Haram
En période de crue (de juillet à janvier) Boko Haram ne peut plus attaquer le Niger, la montée des eaux de la Komadougou l'empêchant de traverser la frontière du Nigéria.

AA/Diffa/Boureima Balima
Depuis la montée récente des eaux de la Komadougou Yobé, rivière alimentant le Lac Tchad et servant de frontière naturelle entre le Nigéria et le Niger sur environ 50 km, les attaques de Boko Haram ciblant des villages riverains ont connu une baisse, s'est réjouit le maire de la commune de Bosso, Elhadj Mamadou Bako, rencontré par Anadolu.
«De Bosso à Bandi (dernier village nigérien riverain de la Komadougou, dans le sud-est) il n’est pas facile pour les agents des forces de défense et sécurité nigériennes de contrôler toute cette partie. Il y a des poches dont profitent les éléments de Boko Haram pour rentrer au Niger», explique l’édile de la première bourgade nigérienne attaquée pour la première fois par le groupe nigérien, le 6 février dernier.
Cependant, ajoute Elhadj Bako Mamadou, avec l’arrivée de la Komadougou, la capacité de nuisance des éléments de Boko Haram a véritablement diminué puisque, à moins qu'ils n'entrent à pied, ils ne pourront pas pénétrer sur le territoire nigérien sur des véhicules en raison de la présence de l'eau en trop grande quantité.
Puissant affluent, le Komadougou Yobé, charrie les eaux de pluies tombées dans la majeure partie de la région vers le lac Tchad. « Sa période de crue se situe entre juillet et janvier » selon Alfa Seini Moussa, directeur régional de l’hydraulique de Diffa ajoutant qu’il peut atteindre plusieurs mètres de hauteur.
Avec des rives propices à l’agriculture notamment la production du riz et du poivron rouge ainsi que la pratique de la pêche, l’arrivée des eaux de la Komadougou constitue, aux yeux de la population riveraine «une bénédiction divine » .
«Selon une conception populaire répandue dans la région, l’arrivée des eaux de la Komadougou est un signal qui encourage à semer les céréales», explique Hassane Saley, un habitant de la ville de Diffa ajoutant que dans le temps une fête était organisée chaque année pour donner le coup d’envoi de la pêche.
Sur environ 50 Kilomètres, la Komadougou sert de frontière naturelle entre le Nigeria dans sa partie nord-est et le Niger dans partie sud-est. « En cette période où les groupe armés écument la zone, la montée de ses eaux permet à la population de se soulager, un tant soit peu, des incursions de Boko Haram», fait remarquer Amadou Boubacar, une fonctionnaire ajoutant que depuis le début du mois de juillet, les crépitements des armes ont connu une baisse significative.
« Entre février et juillet, vous ne pouvez pas passer une heure sans entendre une rafale d’arme automatique. Les militaires sont partout dans la ville, chacun avec son arme» indique pour sa part Lawan Amadou.
Aujourd’hui, un calme empreint de méfiance règne dans la ville de Diffa et des villages notamment ceux en bordure de la Komadougou, a constaté le correspondant d’Anadolu.
L’état d’urgence décrété depuis février, puis plusieurs fois renouvelé, demeure toujours d'actualité. Les fouilles sont systématiques à l’entrée des grandes places, les accès sont interdits aux endroits stratégiques de la ville à certaines heures de la journée (Prison civile, gouvernorat, hôpital, etc). Ce qui, aux yeux du maire de Bosso a permis le retour de plusieurs de ses administrés dans leurs villages.
« Depuis les évènements du 6 février, Bosso était complétement déserté. Mais désormais, nous sommes tous de retour à Bosso surtout avec la présence des agents des forces de défense et de sécurité à l’intérieur de notre ville et dans les villages environnants. D'ailleurs pour le moment il n’y a aucun problème», se réjouit l’élu.
Diffa situé à environ 1400 km à l’est de Niamey, aux frontières du Nigéria, a été la cible de plusieurs attaques de la part des combattants de Boko Haram.
La dernière date du 27 août dernier, où un militaire nigérien a perdu la vie, ainsi que deux civils, lors d’une attaque du groupe armé à Diffa. Ces six derniers mois, plus d'une centaine de personnes - dont des dizaines de militaires - ont été tués du côté nigérien, contre plus de 600 morts du côté des assaillants, selon un décompte établi par Anadolu auprès de sources sécuritaires et humanitaires nigériennes.
Plusieurs milliers de nigériens ont également fui les îles du Lac Tchad pour échapper aux incursions du groupe armé, confronté depuis le début de l'année à une coalition des forces camerounaises, nigériennes, nigérianes et tchadiennes.