Migrants tunisiens : Le jeu dangereux de la route et du hasard (1/5)

Tunis
AA/Tunis/Esma Ben Said
Les récits de migrants/sur les migrants, choquent et s’entrechoquent, au fil de l’eau et des années.
Pas une semaine ne passe, sans qu’un nouveau naufrage ne noircisse les pages de la presse et que le bleu azur de la Mare Nostrum ne prenne des couleurs rougeâtres.
« Passeurs », «embarcations fragiles », « naufrages », « noyade », « morts », « disparus », « naufragés », « survivants », « femmes et enfants », « corps repêchés », « marché aux esclaves », « horreur », « centre de détention »….
Des nouvelles qui glacent le sang, auxquelles on finit pourtant étrangement à s’habituer.
Face aux Africains qui s’entassent dans des embarcations de fortune, aux corps gonflés, flottant sur les rivages, aux larmes de veuves éplorées et de pères sans nouvelles de leurs fils, aux camps de réfugiés devenus « jungle », le monde se dit « horrifié ».
Les politiques condamnent sans conviction, la toile se déchaîne, l’opinion publique s’émeut impuissante, alors que le chant des sirènes, lui, continue de résonner en haut du « cimetière à ciel ouvert », qu’est devenue la Méditerranée.
Cette même Méditerranée, vendue pour quelques centaines d’euros en pack voyage, par des tours opérateurs, pour des touristes venus lézarder sur des plages de sable fin.
Ces centaines d’euros, aisément dépensés par des touristes, en quête de soleil et de dépaysement, que souffrent à récolter, à la sueur de leur front, les aspirants à une traversée hasardeuse, pour un eldorado européen des plus incertains.
Qu’ils viennent de Gambie, de Guinée, du Sierra Leone, du Mali, du Sénégal, du Nigéria, du Maroc, de l’Algérie ou de la Tunisie, leur histoire est inlassablement la même : celles de jeunes et vieux, de femmes et d’hommes, qui fuient chômage, misère, parfois humiliation et injustice pour une vie, qu’ils espèrent pas forcément meilleure, mais au moins « plus digne », ailleurs.
Nous sommes allés à la rencontre de migrants tunisiens, transformés, à leur corps défendant, en des « Ulysse des temps modernes ».
Echoués en Sicile, ils reviennent pour nous, sur leur traversée, leurs desiderata et espoirs, leurs peurs, craintes et regrets, mais aussi, leurs premières désillusions à peine le sol italien foulé.
Nous avons également interrogé ceux qui se battent pour découvrir où se trouvent leurs enfants disparus depuis plusieurs années, qui veulent « juste savoir » s’ils sont morts ou toujours en vie, car l’attente est bien plus insupportable que le deuil.
Nous avons rencontré ces femmes et hommes, bénévoles, qui s’engagent dans des associations pour proposer aux jeunes Tunisiens des alternatives à la migration.
Une enquête qui nous a menés jusqu’au cimetière de migrants, où des tombes, sans pierre, souvent sans noms, trônent au pied du Mont Pellegrino.
De Tunis à Palerme, nous avons retracé le chemin de ceux et celles qui ont laissé des familles, surement le cœur serré, mais aussi une partie de leur chair et de leur identité, avec le rêve de « devenir quelqu’un », de l’autre côté de la rive.
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