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Macron à Yaoundé rappelle « massacres » et « exactions » de De Gaulle et Foccart

Ekip  | 27.07.2022 - Mıse À Jour : 27.07.2022
Macron à Yaoundé rappelle « massacres » et « exactions » de De Gaulle et Foccart

Cameroon

AA / Yaoundé / Peter Kum

L’arrivée du président français Emmanuel Macron à Yaoundé, dans le cadre d’une tournée africaine, 25-28 juillet 2022, a ravivé un passé colonial douloureux et jusqu’à l’heure pas encore concilié.

Tout comme l’Algérie, le Cameroun fait partie des pays africain ayant longuement souffert de l’hégémonie dévastatrice de la colonisation française, avec une différence majeure, celle de la destruction de la plupart des traces des crimes et exactions commis par les généraux français et leurs sbires à l’endroit de population démunies de défense et de subsistance.

Macron annonce pourtant « l’ouverture des archives » et appelle à « faire la lumière » sur le passé colonial, reconnaissant des « moments douloureux » et « tragiques » au Cameroun.

La France est restée au Cameroun de 1916 jusqu'en 1960. Elle a rasé des villages et massacré des populations entières, surtout après l’avènement de la résistance de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) dans les années 1940.

Si l’UPC est présente sur tout le Cameroun, son emprise est très forte en pays Bamiléké. Ce qui est très marquant c’est leur cohésion dans leur refus de se plier au quadrillage, à la discipline de la machinerie coloniale, aux travaux forcés. Ce peuple occupé fait preuve d’une formidable ingéniosité qui se traduit même dans le langage de résistance, où le signifiant sert ainsi à un sens second d’ordre politique.

C’est un large front anti-impérialiste qui organise par exemple le boycott des élections. Ce sont de véritables grappes humaines, sans armes, mais hostiles, qui barrent le passage des camions de l’armée et s’agrippent aux voitures. Rarement insurrection n’a été aussi populaire. Leur rage est d’autant plus grande que les maquisards, opérant presque à mains nues - mais sur plusieurs fronts - remportent des succès ponctuels.

Le colonisateur français met tout en œuvre pour mater ces « rebelles » et interdit l’UPC en 1955. Le haut-commissaire français Pierre Messmer, futur ministre de De Gaulle, a organisé des expéditions punitives sanglantes ainsi que l’assassinat de nombreux leaders de l’UPC, comme son secrétaire général et fondateur, Ruben Um Nyobé, dans son village natal le 13 septembre 1958.

À l’indépendance, le 1er janvier 1960, Jacques Foccart installe au Cameroun un gouvernement fantoche, présidé par son ami Ahmadou Ahidjo. Il s’agit d’un homme sûr en faveur du pouvoir colonial.

Le jour même de cette indépendance, le jeune État signe un accord d’assistance militaire avec la France. Deux conseillers militaires viennent encadrer le président Ahidjo : le colonel Noiret et le capitaine Leroy. L’ancien ministre des Armées Pierre Guillaumat confirme : « Foccart a joué un rôle déterminant dans cette affaire. Il a maté la révolte des Bamilékés avec Ahidjo et les services spéciaux ». Au passage, on notera la présentation ethnique d’une révolte politique...

Charles de Gaulle dépêche alors cinq bataillons d’infanterie, commandés par le général Max Briand, vétéran des guerres d’Indochine et d’Algérie, surnommé « le Viking », auxquels se rajoutent un escadron de blindés, ainsi qu’une troupe d’hélicoptères et de chasseurs bombardiers T26.

L’armée ne fait pas de quartier. Les cadavres sont exposés dans les villages, de même que les têtes des prisonniers qui ont été décapités. Entre février et mars 1960 cent cinquante-six villages bamilékés sont incendiés et rasés. Un bilan méticuleux des destructions de biens publics sera opéré : 116 classes, 3 hôpitaux, 46 dispensaires, 12 stations agricoles, 40 ponts seront détruits. Personne n’a recensé les logements privés détruits ni les récoltes incendiées. Personne n’a pu dénombrer les dizaines de milliers de civils qui ont été massacrés. On ne le saura jamais.

Rien que de parler de cette période sanglante à un Bamiléké, cela provoque l’effroi. De cette terrible répression, la presse française, complètement muselée, et aveuglée par la crise algérienne, ne dira mot. Il est impossible de trouver au Cameroun des documents sur ces massacres.

Et ce grand crime de la France prémédité, planifié, qu’elle a réussi à étouffer jusqu’aujourd’hui, a continué encore pendant plusieurs années : ce sont finalement peut-être 400 000 Bamilékés qui furent massacrés, ou peut-être plus...

« En fait de génocide, les Bamilékés en ont connu entre 1955 et 1965. Les chiffres tournent entre huit cent mille et un million de morts dans la région des Hauts-Plateaux et dans les autres villes telles Douala, Yaoundé, Sangmélima, Ebolowa, Nkongsamba », a affirmé Jacques Kago Lélé, écrivain et historien camerounais.

A l’aube de l’indépendance, également, des milliers de Camerounais ont été massacrés sous les auspices de la France- Afrique de De Gaulle et Foccart, chez les Bamilikés à l’ouest du pays, mais aussi dans d’autres régions du Cameroun.

Le 2 mars 1960, sous la direction de l’armée française, les troupes camerounaises rasent le bourg de Yogandima, massacrant près de 8 000 civils sans armes selon les historiens camerounais.

Une vraie tragédie.

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