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Libye: l’initiative onusienne prolongera-t-elle le mandat du gouvernement Dbeibeh ?

- Après l’ambiguïté qui a marqué la position de la communauté internationale au sujet de la tension en Libye, résultante d’un nouveau gouvernement conduit par Fathi Bachagha qui a été investi par le Parlement de Tobrouk

Majdi Ismail  | 13.03.2022 - Mıse À Jour : 13.03.2022
Libye: l’initiative onusienne prolongera-t-elle le mandat du gouvernement Dbeibeh ?

Canada

AA / Tripoli / Moataz Ounis

- L’initiative consiste à former une commission mixte composée de 12 membres issus de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’Etat

- La commission est chargée d’élaborer une Règle constitutionnelle à même d’organiser des élections dans les plus brefs délais

- L’initiative a été saluée à l’échelle internationale, ce que les observateurs ont considéré comme étant un « soutien » au gouvernement de Abdulhamid Dbeibeh et « prolongera son mandat »

Après l’ambiguïté qui a marqué la position de la communauté internationale au sujet de la tension en Libye, résultante d’un nouveau gouvernement conduit par Fathi Bachagha qui a été investi par le Parlement de Tobrouk, l’initiative onusienne est intervenue, parallèlement à des déclarations de pays européens qui la soutiennent, comme un appui au chef du gouvernement d’union nationale, selon des observateurs.

Les craintes s'accentuent en Libye de voir le pays s'enliser, une fois de plus, dans la scission politique ou dans la guerre civile, après le refus du gouvernement Dbeibeh d'assurer une passation du pouvoir et ce qu’à une autorité résultante d'élections, tout en menaçant d'user de la force si une quelconque partie tenterait de s'emparer de ses sièges dans la capitale Tripoli, alors que le nouveau gouvernement a appelé les forces de l'ordre à se tenir prêtes.

En dépit de cette escalade, la position de la communauté internationale, qui généralement tranche la situation en Libye, n'a pas été arrêtée, à l'exception de deux pays, en l'occurrence, l'Egypte et la Russie, qui ont affiché leur soutien à la mesure prise par la Chambre des représentants à Tobrouk qui a investi Bachagha en lieu et place de Dbeibeh.

Dans cette spirale d'évènements, la conseillère onusienne spéciale pour la Libye, l'américaine Stephanie Williams, avait annoncé le 4 mars courant une initiative pour contenir la situation.

L’initiative consiste à former une commission mixte composée de 12 membres issus de la Chambre des députés et du Haut Conseil d'État (consultatif- législatif) pour élaborer un fondement constitutionnel afin de tenir les élections dans les plus brefs délais, ce qui a été considéré par nombre d'observateurs comme étant une « position favorable » à Dbeibeh.

La commission mixte devra élaborer la « Règle constitutionnelle », dans un délai de 14 jours, et ce à partir du 15 mars, ce qui sera à même de tenir les élections prochainement.

* Appui international à l’initiative onusienne

Commentant l'appui international apporté à l'initiative, Dbeibeh a indiqué, le jour de l'annonce, « Nous avons suivi la déclaration des cinq pays concernant la situation en Libye et qui est en harmonie avec la Déclaration des Nations Unies et avec la conseillère de la MANUL, consistant à aller de l'avant sur la voie du processus électoral ».

Il a indiqué dans un tweet que « cette Déclaration est cohérente avec le plan du gouvernement en prévision des élections devant se tenir au mois de juin prochain », dans une référence à son annonce faite deux semaines plus tôt d'un plan pour l'organisation d'élections législatives.

Le 5 mars courant, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie ont salué l'initiative onusienne en annonçant leur « plein soutien à la souveraineté libyenne et au processus politique facilité par les Nations Unies ».

Les cinq pays ont, dans une déclaration commune, annoncé leur appui aux efforts de médiation déployés par les Nations Unies pour préserver la transition pacifique du pouvoir.

Dans une déclaration faite à l’Agence Anadolu (AA), l'auteur libyen Khattab Arfi a souligné que « cette initiative est dans son ensemble une position claire de la part de la communauté internationale, représentée par Williams, pour maintenir le gouvernement Dbeibeh jusqu'à la tenue d'élections en Libye ».

Il a estimé que « le tweet de Williams à travers lequel elle a annoncé l’initiative, constitue une sorte d'annonce d'une position qui s'oppose à la mesure prise par la Chambre des députés, portant création d'une nouvelle administration en chargeant Bachagha de présider un nouveau gouvernement ».

Il a indiqué que la position de la communauté internationale de « soutenir Dbeibeh contre Bachagha », est justifiée par le fait que « le gouvernement Dbeibeh est la résultante d'un Dialogue politique parrainé par les Nations Unies et il est difficile que l'organisation internationale avoue son échec, dans la mesure où éloigner Dbeibeh en ce moment est synonyme d'échec de ce Dialogue ».

En raison de différends entre les institutions libyennes, il n'a pas été possible d'organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue, soit le 24 décembre dernier, selon un plan et un échéancier parrainés par l’ONU.

Jusqu'à présent, aucune date n'a été arrêtée pour l'organisation d'élections législatives et présidentielle, un scrutin à travers lequel les Libyens aspirent à mettre fin à un conflit armé qui a déchiré leur pays riche en pétrole pendant plusieurs années.

* Prolonger l'existence du gouvernement Dbeibeh

De son côté, l'académicien libyen Hafedh Bazouti, a estimé « qu’indépendamment du fait si l'initiative onusienne est intervenue pour soutenir ou pas Dbeibeh, elle permettra, a minima, de prolonger le mandat de ce gouvernement ».

Dans une déclaration faite à AA, notre interlocuteur a ajouté que « l'initiative consiste à faire dégager un consensus entre le Haut Conseil d'Etat et la Chambre des députés, et si ces deux institutions parviendraient à un consensus en validant les mesures décidées par la Chambre des députés (amendement de la Déclaration constitutionnelle et désignation d’un nouveau gouvernement), cela nécessitera du temps et jusqu'à cette date le gouvernement Dbeibeh sera toujours là ».

Il a relevé que « le consensus entre le Haut Conseil d'Etat et la Chambre des députés nécessite un minimum de deux mois, et si des résultats seront dégagés de ce consensus, on aura besoin de plusieurs mois pour préparer les élections, et durant tout ce temps-là, le gouvernement de Abdulhamid Dbeibeh sera aux commandes ».

Il a qualifié « d'impossible » le fait que le gouvernement Dbeibeh puisse récupérer le pouvoir par voie pacifique, à défaut d'un consensus entre les deux institutions (le Haut Conseil d’Etat et la Chambre des députés).

De plus, « le gouvernement de Bachagha ne sera pas en mesure d'accéder au pouvoir par la guerre, dans la mesure où la communauté internationale a été ferme dans ses déclarations, en précisant sa prédisposition à sanctionner quiconque envisagerait de recourir à la violence pour assurer la transition politique ».

La déclaration commune signée par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie, a indiqué que « le différend quant à l'avenir du processus politique en Libye, doit être résolu sans recourir à la violence, et nous sommes prêt à demander des comptes à quiconque menacerait la stabilité, en usant de la violence ou en y incitant ».

Les cinq pays ont menacé les personnes ou les entités, à l'intérieur ou à l'extérieur de la Libye, qui entraveraient le parachèvement par le pays de son processus de transition politique, d’être inscrites sur la liste des sanctions par le comité des sanctions relevant du Conseil de sécurité ».

La Libye a connu une percée politique, au cours des derniers mois. En effet, le 16 mars 2021, une passation de pouvoir a été assurée à une autorité exécutive élue et qui est composée d'un Gouvernement d'union et d'un Conseil présidentiel chargés de conduire le pays vers des élections, sous les auspices des Nations Unies, avant une reprise des tensions dans le pays, en raison de différends politiques entre les différents protagonistes.


*Traduit de l’arabe par Hatem Kattou

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