Afrique

Les pressions anthropiques menacent le patrimoine culturel et naturel en Afrique

Il y a aujourd'hui plus de 7000 aires protégées en Afrique, qui représentent une superficie d'environ 14 % de celle du continent, selon la base mondiale de données sur les aires protégées, la World Database

Mohamed Hedi Abdellaoui  | 01.08.2016 - Mıse À Jour : 02.08.2016
Les pressions anthropiques menacent le patrimoine culturel et naturel en Afrique

Tunis

AA/ Tunis/ Mohamed Abdellaoui

Sur les 55 sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’Unesco, 24 sont africains, selon le site officiel de l’agence onusienne. Conflits, trafics et ressources limitées des Etats accélèrent la dégradation fatale de ces sites et pour l’homme et pour l’environnement.

En se fiant aux données de l'Unesco, les sites naturels africains sont les plus exposés au danger. Sur 45 sites naturels du continent inscrits sur la liste du patrimoine mondial, 14 figurent sur la liste du patrimoine mondial en péril.

Le dernier inscrit en date sur cette liste de l'agence onusienne est néanmoins culturel. Il s'agit des villes anciennes de Djenné au Mali. Le Comité du patrimoine mondial de l'Unesco réuni, du 10 au 20 juillet, à Istanbul (Turquie) dans le cadre de sa 40 ème session, en a décidé, du fait de «l'insécurité dans la région, qui ne permet pas la mise en œuvre des mesures de protection du bien». Sur 79 sites culturels africains inscrits sur la liste du patrimoine mondial, 10 sont en péril. On en dénombre 5 rien qu'en Libye, 3 au Mali, 1 en Egypte et 1 en Ouganda.

Le Comité a, en effet, exprimé sa préoccupation concernant le site des anciennes villes de Djenné, situé dans une région affectée par les conflits. Ce contexte ne permet pas, d’après la même source, de lutter contre les menaces qui guettent le site, notamment la détérioration des matériaux dans la ville historique, la pression urbaine et l'érosion des vestiges archéologiques. Le Comité a également lancé un appel à la communauté internationale pour soutenir le Mali dans ses efforts visant à assurer la protection du site habité depuis 250 av. J.-C.

L’exemple des villes anciennes de Djenné renvoie à bien d’autres sites en péril tels que ceux de la République démocratique du Congo. Les Parcs nationaux de la Garamba, de Kahuzi-Biega, de la Salonga, des Virunga sont, depuis 1994, inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril, en raison de la guerre et des troubles civils qui ravagent la région des Grands Lacs, selon le site officiel de l’Unesco.

En 1999, une campagne de sauvegarde internationale a été lancée par l’Unesco avec plusieurs ONG internationales de conservation afin de protéger l’habitat d’espèces menacées comme le gorille des montagnes, le rhinocéros blanc et l’okapi (mammifère ruminant de la même famille que la girafe). Elle a débouché sur un programme quadriennal urgent de sauvetage des cinq sites, avec un budget de 3,5 millions de dollars, financé par la Fondation des Nations Unies et le gouvernement belge. En 2004, des bailleurs de fonds internationaux, des ONG et les gouvernements belge et japonais ont promis 50 millions de dollars supplémentaires pour aider la RDC à restaurer ces parcs du patrimoine mondial.

Mais lesdits sites sont encore menacés, en raison des conflits et des trafics en tous genres qui minent la région. La pauvreté dont souffrent les communautés ne fait qu’aggraver la situation.

En Afrique, il y a aujourd'hui plus de 7000 aires protégées par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN-Papaco), qui représentent une superficie égale à environ 14 % des terres du continent, selon la base mondiale de données sur les aires protégées, la World Database.

Une aire protégée est un espace géographique clairement défini, consacré, reconnu et géré, par tout moyen efficace, qu'il soit juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature, des services écosystémiques mais également des valeurs culturelles associées.

Les principaux sites naturels et culturels inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril dans le continent noir se trouvent dans 13 pays : 5 sites en RDC, 5 en Libye, 3 au Mali, 2 en Côte d’Ivoire et 1 site pour chacun des pays suivants: Egypte, Ethiopie, Guinée, Madagascar, Niger, Ouganda, RCA, Tanzanie et Sénégal.

La réalité est sans doute plus alarmante «Certains territoires ont été délaissés, comme les déserts ou encore des zones côtières lesquelles, bien qu'importantes pour la biodiversité, sont assez peu protégées tout simplement parce qu'elles sont surpeuplées et qu’il est difficile d’y travailler», fait remarquer Geoffroy Mauvais, coordonnateur du Programme Aires Protégées d’Afrique et Conservation de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN-Papaco), dans un rapport édité par la l'UICN, sous l'intitulé "Nouvelles des aires protégées en Afrique".

Outre les conflits et la pauvreté des populations qui les contraint à s'adonner à des activités illicites tels que le braconnage et la coupe de bois, il y a d’autres défis qui compliquent davantage la gestion des aires protégées en Afrique. La corruption figure parmi ces trafics, d’après certains observateurs. Luc Mathot, un expert de Eagle, structure regroupant des éco-activistes pour la gouvernance et l'application des lois, parle de la corruption comme d’un phénomène "ravageur". Il affirme, dans un article publié par le site InfoCongo sur le braconnage, que "dans ces aires protégées sévit un degré élevé de corruption". L’expert basé à Libreville rattache ce phénomène aux "salaires [des écogardes] qui ne sont pas très élevés alors que la tentation exercée par les forces négatives, elle, est bien présente". D'où la persistance de plusieurs niveaux de corruption et de complicité, au profit de braconniers ou de groupes armés.

Une gestion efficace des aires protégées en Afrique n'est, toutefois, pas une mission irréalisable. Paul Estève, chargé de mission du Programme des petites initiatives du Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) contacté par Anadolu en convient:" Il faut mieux associer les populations locales dans la gestion et la protection des sites protégés. ces populations ont été longtemps exclues de ce processus, or leur apport est très important".

A la question de savoir si les Etats africains concernés seraient capables de préserver ces sites contre toute sorte de pression anthropique (conflits, trafics, corruption, etc), l'expert du FFEM répond qu'il serait profitable à tous de miser sur l'éducation environnementale, pour soutenir les efforts des Etats. De ce point de vue, il fait observer que des pièces de théâtre portant sur la conservation de la nature sont régulièrement programmées par le FMM, l'Uicn-Papaco et restent un moyen pédagogique de sensibilisation, dans les régions et les zones reculées d'Afrique. L'objectif étant d'inculquer aux jeunes générations l'importance des aires protégées dans la préservation de l'écosystème et les économies nationales.

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