Les "faux palmiers" du Burundi en voie d'extinction.....faute d'éléphants !
- Les éléphants consommaient beaucoup les fruits des "urukoko". les graines, qu'ils ne pouvaient digérer, se retrouvaient dans leurs bouses, ici et là, et redonnaient naissance à de nouveaux arbres

Bujumbura
AA/ Bujumbura/ Yvan Rukundo
Au Burundi, on cite étrangement la disparition du dernier éléphant, voilà une douzaine d'années, comme l'élément déclencheur de l'extinction progressive des "urukoko", ces faux palmiers, qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde !
L'ancien ministre burundais de l’environnement, Albert Mbonerane, se rappelle un temps où plusieurs dizaines d'éléphants peuplaient la réserve naturelle de la Rusizi (Ouest), classée au patrimoine mondial de l'Unesco. "En se nourrissant des fruits de ces faux palmiers, ces animaux ont participé à sa multiplication à l'intérieur de la réserve qui est toujours considérée aujourd'hui comme le seul foyer de cette espèce endémique", a déclaré Mbonerane, environnementaliste de formation, à Anadolu.
L'alimentation des éléphants se basait particulièrement sur les fruits des urukoko qui contenaient des graines qu'ils ne pouvaient digérer. "Ainsi, ces dernières se retrouvaient dans leurs bouses, ici et là, et redonnaient naissance à de nouveaux arbres", précise Aloys Ndayisenga, professeur à l’Université du Burundi, département de Géographie, également approché par Anadolu.
Mais ces "multiplicateurs" naturels des "faux palmiers" ont subi les conséquences des différentes crises sécuritaires qui se sont succédé depuis 1993, année du coup d’Etat sanglant qui a précipité le pays dans le chaos.
Beaucoup d'éléphants ont ainsi été tués par des braconniers ou des rebelles, à commencer par les Forces pour la défense de la démocratie, actuellement au pouvoir.
"Des avions de l'armée régulière pilonnaient souvent des positions rebelles dans cette réserve. A la fin des affrontements, avec l'Accord d’Arusha [2000], plusieurs bergers y ont découvert des squelettes d’éléphants", se souvient Joseph Kabura, un octogénaire de la commune Gihanga, dans l'Ouest du pays.
Créée en 1980, la réserve naturelle de la Rusizi couvre aujourd'hui 5 932 ha et comprend 2 secteurs: le secteur Delta et le secteur Palmeraie, renseigne le site de l'Unesco. "Cette réserve constitue une aire naturelle d'une valeur exceptionnelle du fait qu'on y rencontre une concentration de faux palmiers, Hyphaena benguellensis var ventricosa et 1 000 espèces végétales différentes", renseigne la même source.
Les faux palmiers se trouvent toutefois également menacés par l’extension des champs de cultures vivrières (maïs, haricot, etc) ou industrielles, (canne à sucre, coton), qui s'est effectuée au détriment de cette espèce endémique, d'après le professeur Aloys Ndayisenga.
Leur reproduction n'est pas assurée puisque leurs graines sont broyées et utilisées à des fins alimentaires ou thérapeutiques, alors que leurs fruits, qui ont un goût rappelant celui de la viande, sont consommables par les populations.
De couleur verte, le fruit du faux palmier est appelé "inyama" (viande, en langue nationale kirundi) par les habitants qui le consomment. "Il faut demander aux anciens rebelles qui s'étaient installés dans cette réserve ce qui constituait, à l'époque, leur principale nourriture. C'était justement l'inyama !", a déclaré à Anadolu Dismas Bukuru, un habitant de Buringa, un village côtier de la réserve.
Aux graines, on prête plutôt des vertus thérapeutiques. "La farine des graines des faux palmiers est un médicament contre la constipation", renseigne dans une déclaration à Anadolu, Juliette Minani, une "guérisseuse" de Gihanga qui s'adonne à la médecine traditionnelle.
Les branchages sont très utilisés dans les villages pour construire des clôtures, alors que les feuillages servent à la fabrication de nattes, de corbeilles, de paniers, de brancards traditionnels, etc.
"C'est vraiment dommage qu'il n'y ait pas d'initiative visant, par exemple, à repeupler cette zone en éléphants pour qu'on évite l'extinction de ces arbres dont il ne reste plus que quelques centaines", regrette l'ancien ministre Albert Mbonerane en indiquant ne pas s'attendre de sitôt à un plan de sauvetage de cette espèce vu la situation de crise qui prévaut dans le pays, depuis un an et demi.
Contactée par Anadolu, une source au sein du ministère de l'environnement a précisé que les autorités burundaises étaient conscientes, de longue date, de cette problématique. "La crise a malheureusement affecté beaucoup de nos programmes, et nous a fait reconsidérer nos priorités, surtout que les ressources ne sont plus au rendez-vous", a commenté cette source qui a requis l'anonymat.
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