Afrique

Le Zimbabwe sous le feu des critiques pour le plan d'abattage d'éléphants pour lutter contre les effets de la sécheresse

- Le Zimbabwe envisage d'abattre des dizaines d'éléphants pour remédier aux pénuries alimentaires dans les régions du pays touchées par la sécheresse

Jeffrey Moyo  | 18.09.2024 - Mıse À Jour : 21.09.2024
Le Zimbabwe sous le feu des critiques pour le plan d'abattage d'éléphants pour lutter contre les effets de la sécheresse

Harare

AA / Harare / Jeffrey Moyo

Le Zimbabwe envisage d'abattre des dizaines d'éléphants pour remédier aux pénuries alimentaires dans les régions du pays touchées par la sécheresse, suivant en cela l'exemple controversé d'un autre pays africain, la Namibie.

Le gouvernement zimbabwéen a confirmé l’existence du projet. Sithembiso Nyoni, ministre de l'Environnement, du Climat et de la Faune, a déclaré aux législateurs que le pays comptait "plus d'éléphants que les forêts ne pouvaient en accueillir".

Il a confirmé la poursuite des discussions au sujet de la logistique de la fourniture de viande d'éléphant séchée "à certaines communautés qui ont besoin de protéines".

Le Zimbabwe est l'un des cinq pays d'Afrique australe les plus touchés par la sécheresse provoquée par El Nino qui, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), a laissé des millions de personnes dans une situation d'insécurité alimentaire.

L'agence des Nations unies a mis en garde contre le fait qu'"environ 6 millions de Zimbabwéens devraient se trouver en situation d'insécurité alimentaire pendant la période de pénurie de 2024-2025", qui s'étend généralement de novembre à mars. 

Dans les zones urbaines, quelque 1,7 million de personnes, soit 35 % de la population urbaine, seront en situation d'insécurité alimentaire cette année, selon les projections du PAM.

- "Décision mal conçue et très regrettable

Comme dans le cas de la Namibie, cette décision a suscité de vives critiques dans plusieurs milieux, notamment chez les défenseurs de l'environnement et les experts de la faune sauvage.

Le Zimbabwe compte environ 100 000 éléphants, soit le plus grand nombre d'éléphants au monde après le Botswana voisin. Le dernier abattage de ces animaux remonte à près de quarante ans.

Pour Farai Maguwu, directeur du Center for natural resource governance, un organisme à but non lucratif, la décision du gouvernement est "mal conçue et très regrettable".

"Officialiser l'abattage des éléphants est, à mon avis, l'une des décisions les plus désastreuses jamais prises dans l'histoire de la protection de l'environnement. Elle met un terme brutal à tous les efforts de conservation dans lesquels le gouvernement a tant investi au cours des trois dernières décennies. Cela va ouvrir les vannes du braconnage", a-t-il confié à Anadolu.

En ce qui concerne la thèse du gouvernement selon laquelle il y aurait un excédent d'éléphants, il a recommandé aux autorités d'utiliser les "régions non peuplées du Zimbabwe et de déplacer les éléphants excédentaires vers ces régions au lieu de les tuer".

Natirai Mudadi, un défenseur des droits des animaux basé à Harare, la capitale, considère le plan d'abattage comme "une violation des droits de ces animaux".

"Au lieu de les tuer, les autorités pourraient exporter les éléphants excédentaires vers des pays où ils sont peu nombreux", a-t-il déclaré à Anadolu.

Et d’ajouter : "Par ailleurs, que se passera-t-il si la sécheresse se poursuit ou s'aggrave ? Allons-nous continuer à tuer de plus en plus d'éléphants ?"

- "Le gouvernement peut réduire ses dépenses inutiles"

L'analyste politique Rashweat Mukundu a questionné la faisabilité de l'ensemble du plan, estimant que celui-ci "défie toute logique."

Il préconise plutôt une approche plus pratique pour remédier à la situation, en commençant par réduire les dépenses du gouvernement.

"Si le gouvernement peut réduire certaines de ses dépenses inutiles, comme les voyages, la fonction publique pléthorique ou les ressources consacrées à la répression de l'opposition, le Zimbabwe disposera alors de suffisamment de ressources pour nourrir son propre peuple", a-t-il déclaré à Anadolu.

"Dire que nous voulons abattre des éléphants pour nous nourrir, je pense que le gouvernement zimbabwéen dramatise un peu trop la situation", poursuit-il.

Ce sentiment est largement partagé par les citoyens sur les médias sociaux, où certains internautes dénoncent les dépenses excessives du gouvernement dans des domaines tels que les voitures et d'autres produits de luxe.

D'autres personnes vivant dans des régions réellement touchées par la sécheresse ne sont pas non plus convaincues par la stratégie du gouvernement.

"Ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin, c'est de la farine de maïs. C'est ce de cela que nous avons toujours dépendu pour notre subsistance. Nous pouvons nous passer de viande d'éléphant, mais nous ne pouvons pas nous passer de farine de maïs", estime Lyn Mukaro, une habitante d'Epworth, un quartier urbain pauvre situé à l'est de Harare.

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