Le désert nigérien du Ténéré, l'autre tombeau des migrants africains
- Entre mai et juin, 52 migrants, dont des bébés, ont été retrouvés morts en plein désert, à proximité de la Libye, d'après l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Niamey
AA/Niamey/Boureima Balima
Alors que la mer Méditerranée a déjà englouti plusieurs milliers de migrants africains, qui cherchaient, par-delà les eaux, une vie meilleure, il est une autre demeure funeste qui fait de plus en plus parler d’elle : le Ténéré au Niger, «désert des déserts», devenu l’autre tombeau des migrants.
«Le Ténéré nigérien est en train de devenir un véritable cimetière à ciel ouvert pour les bras valides d'Afrique de l'Ouest et du centre, attirés par le mirage européen», ont d’ailleurs alerté lundi dans un communiqué 37 élus du conseil régional d'Agadez, dans le nord du pays.
«Des centaines de migrants ouest-Africains ont été retrouvés morts ou sont portés disparus ou sauvés in extremis dans le Sahara nigérien», précise le texte.
Entre mai et juin, 52 migrants, dont des bébés, avaient été retrouvés morts en plein désert, à proximité de la Libye. 51 migrants portés disparus il y a quelques semaines, après avoir été abandonnés en plein désert, sont probablement morts, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Pour éviter les contrôles, «les passeurs contournent» désormais les pistes habituelles menant en Libye où se trouvent les «points d’approvisionnement en eau», relève le communiqué.
« Les passeurs prennent des routes plus dangereuses qu’avant afin d’éviter de se retrouver nez à nez avec l’armée ou les autorités nigériennes. Mais dès qu’ils se sentent menacé ils abandonnent aussitôt les migrants », confirme Fatoumi Goudou, préfet du département de Bilma (environ 1600 km au Nord de Niamey) contacté par Anadolu.
Pour contrer les trafiquants, le parlement nigérien a voté en mai 2015 une loi particulièrement sévère, pénalisant leurs crimes, qui les rend passibles de peines allant jusqu'à 30 ans de prison. « C’est pourquoi ils abandonnent leurs passagers quand ils pensent être découverts», poursuit M.Goudou.
« S’ils ne sont pas abandonnés par les passeurs, les migrants peuvent mourir de soif à la suite de la panne de leurs véhicules après s’être perdus dans le désert », explique à Anadolu Taher Lawal, président du Comité de localisation des migrants clandestins morts ou abandonnés au Sahara.
D’après l’OIM, plus de 600 migrants ont été sauvés au cours de cette année. Des migrants qui sont pour la plupart des ressortissants de l’Afrique de l’ouest voulant aller en Europe via la Libye.
« Dans le temps c’était à dos de dromadaires, dans les caravanes, que les personnes qui voulaient se rendre en Libye étaient transportés pour presque rien, se rappelle M.Lawal. Mais vu le nombre croissant de migrants, aujourd’hui ce sont des voitures qui sont utilisées et à prix élevés. ».
Les prix varient selon que l’on soit Nigérien ou non, poursuit le président du comité,« entre 150.000 et 250.000 FCFA (entre 300 et 500 dollars) ».
- Les élus locaux s’indignent de la situation
Dans son communiqué, le Conseil régional d’Agadez a appelé « toutes les personnes exerçant cette activité à faire preuve d’humanisme et d’esprit républicain en respectant scrupuleusement les lois et règlements de la République ».
Les élus d’Agadez ont également exhorté l’État du Niger, en concertation avec les pays membres de l’espace CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest – 25 pays), de mettre en place des mécanismes consensuels qui empêcheraient à ces migrants d’arriver jusqu’à Agadez pour continuer leur périple périlleux ».
Les élus ont enfin appelé les pays européens, à mettre en place des mécanismes qui assoupliraient les règles d’accès aux visas en vue d’encourager une migration sûre.
- Reconversion des acteurs de la migration contre financement des projets
Afin de faire face à la migration clandestine, le gouvernement du Niger a reçu divers financements de la part des pays de l’Union européenne soit sous forme d’appui budgétaire ou sous forme d’appui direct aux acteurs de la migration. Cependant, les réunions tenues récemment entre les autorités et les représentants des passeurs ont été infructueuses, les passeurs ayant refusé la somme proposée pour leur reconversion, rapporte la presse locale.