Afrique

L'Afrique en ascension/ Guinée : Nur Sağman, une ambassadrice pas comme les autres

Sağman est l’ambassadrice de Turquie à Conakry depuis 2015. Elle est très appréciée des Guinéens

Fatma Esma Arslan  | 14.06.2017 - Mıse À Jour : 15.06.2017
L'Afrique en ascension/ Guinée : Nur Sağman, une ambassadrice pas comme les autres

Ankara

AA/Conackry/Fatma Esma Arslan

Nur Sağman, l'ambassadrice de Turquie à Conakry, est une diplomate plutôt singulière. Régulièrement l’invitée de mariages guinéens, appelée « maman » par ceux qu’elle croise sur son chemin, cette diplomate à la longue carrière (25 ans), qui se dit « amoureuse de l’Afrique », s’adonne à la photographie et écrit des poèmes.

Rencontrée par Anadolu à Conakry, Sağman que beaucoup décrivent comme étant une femme « insolite », s’est livrée sur ses 25 ans de carrière, sur cette Afrique dont, selon son expression, « elle est amoureuse », sur les opportunités d’investissement dans la région mais aussi sur ses objectifs et ses aspirations.

Sağman qui précise que Conakry est le premier lieu où elle a pris ses fonctions en qualité d’ambassadrice, ajoute y avoir été nommée le 1er septembre 2015 après avoir occupé ses fonctions diplomatiques dans des pays tels que la France, la Roumanie, l’Estonie, le Maroc et l’Ukraine.

Rappelant qu’elle a été la deuxième diplomate nommée à l’ambassade de Turquie en Guinée où même l’accès à l’eau et à l’électricité est un luxe, l’ambassadrice explique combien il est difficile de vivre dans ce pays tout en avouant sa grande admiration pour ces gens qu’elle trouve toute de même heureux et paisibles.

« Pendant les premières semaines après mon arrivée, je pleurais beaucoup en voyant la situation des enfants dans la rue, tombés dans l’indigence », commente Sağman qui est étonnée de voir les gens heureux malgré la misère régnante. « Mais en y regardant de plus près, j’ai remarqué qu’ils étaient joyeux et prenaient du plaisir à profiter de leur quotidien », ajoute-t-elle.

- « Les gens me reconnaissent dans la rue »

À côté de la misère, vous trouverez aussi en Guinée un quotidien très coloré, commente Sağman qui a réussi à maintenir toute son énergie et sa motivation grâce à son tempérament combattif.

Elle rapporte qu’elle fut photographe professionnelle, qu’elle exposait auparavant mais que, les habitants connaissant sa passion, elle ne pouvait la pratiquer en Guinée.

L’ambassadrice poursuit :« Dans la rue, les gens me reconnaissent, m’appellent parfois « son excellence » et parfois « maman », qui, ici, symbolise le respect.. En raison de l’épidémie d’Ebola qui a frappé le pays, le peuple guinéen est resté isolé du reste du monde pendant une certaine période. À mon arrivée, l’épidémie était encore bien présente mais je n’hésitais pas à donner l’accolade aux gens que je rencontrais, je les serrais dans mes bras, beaucoup ont apprécié cela surtout que pendant une certaine période, personne ne daignait les toucher, ne serait-ce que pour leur serrer la main. »


- Elle est active sur les réseaux sociaux

À partir de ses comptes personnels Facebook et Instagram, Sağman qui reconnait être active sur les réseaux sociaux, publie tantôt un poème pour livrer ses états d’âmes, tantôt des appels aux éventuels investisseurs.

Sur les réseaux sociaux, elle est d’ailleurs suivie par de nombreux internautes de diverses professions et dans plusieurs pays.

« À mon sens, l’ère de l’ancienne diplomatie est bel est bien révolue. Je suis diplomate depuis 25 ans et j’ai toujours été dans l’air du temps», déclare Sağman qui confie avoir pu, lorsqu’elle était en fonction à Odessa, intervenir immédiatement lors d’une crise survenue en Ukraine lors des évènements qui avaient touché la Crimée. Et ce, après avoir été contacté à 00h03 via Facebook, rapporte-t-elle.

En Guinée aussi, le net la rend davantage accessible. « Kandi Kora, que l’on peut considérer comme le Tarkan local, m’a un jour contacté par les réseaux sociaux, raconte-t-elle. Il m’a confié qu’il souhaitait ouvrir une école de Kora, un instrument de musique traditionnel guinéen. Le fait d’être accessible me facilite grandement la tâche et les gens le remarquent. Je reçois de très beaux messages de la part des Guinéens.

« Merci pour tout ce que vous avez fait pour notre pays » me disent-il alors que je fais également cela pour mon pays. Oui, être ambassadrice est une grande responsabilité mais nous devons être capables de mettre en avant notre côté humain.

« Une fois, j’ai été conviée au mariage d’un Guinéen qui était employé chez un Turc et je m’y suis rendue. J’en étais véritablement ravie et la famille guinéenne également. Tout ce que je fais, je ne le fais pas uniquement pour moi mais aussi pour mon pays, mon drapeau. En réalité, lorsqu’ils m’invitent chez eux, ce n’est pas moi mais la Turquie qu’ils invitent », commente Sağman.

A mes débuts, explique la diplomate, j’ai été pas mal critiquée par certains amis qui me disaient « Tu es une ambassadrice, est-ce une chose normale que tu publies autant sur les réseaux sociaux ? Finalement, ils ont fini par s’y habituer», dit-elle dans un rire.

- «J’ai rêvé que je quittais la Guinée, je me suis réveillée en pleurant».

Evoquant sa tristesse lorsqu’elle a été témoin de certaines situations dans le pays, elle raconte avoir pleuré plusieurs jours, lorsqu’elle s’est rendue dans un hôpital pour enfants prématurés, équipé d’une seule bouteille d’oxygène et d’une seule couveuse.

Elle relate aussi comment douze bébés sont morts à la suite d’une coupure d’électricité qu’avait connue l’hôpital. À la suite de quoi la TIKA (Agence turque de Coordination et de Coopération) avait offert un générateur à l’hôpital.

« De nombreux bébés ont été sauvés grâce à ce générateur, s’était réjoui le directeur de l’hôpital. Une phrase qui pour moi, vaut tout l’or du monde », dit-elle, ajoutant qu’elle aimerait pouvoir en faire davantage pour la Guinée.

Même si elle aime tous les pays dans lesquels elle se rend, Sağman avoue que parfois la Turquie lui manque. Toutefois, cette nostalgie provoque chez elle des sentiments confus.
« J’aime beaucoup la Guinée et son peuple mais ma patrie me manque beaucoup. Mais dans le même temps, lorsque je me rends en Turquie, la Guinée me manque. L’autre jour, j’ai eu un problème de santé. J’ai fait ensuite un cauchemar dans lequel je quittais la Guinée en raison de mon problème de santé et je me suis réveillée en pleurant. Nous avons encore beaucoup de choses à faire ici. Je rêve de pouvoir faire, avec l’appui de notre Etat et de nos hommes d’affaires, des choses qui pourront améliorer le quotidien des habitants».

- La dernière année, les relations entre la Turquie et la Guinée se sont renforcées

Décrivant les Guinéens comme des gens pour lesquels « il est impossible de ne pas éprouver de sympathie », Sağman rapporte que non seulement les Turcs sont appréciés dans la région mais cette dernière année les investissements turcs ont suscité un formidable intérêt.

Rappelant que la Guinée connait peu ou prou le peuple turc mais que le véritable tournant s’était amorcé avec la visite du pays par le Président Recep Tayyip Erdoğan en 2016, Sağman poursuit : « J’ai pris ma fonction en septembre 2015. Les relations étaient déjà bonnes mais la visite de notre Président Recep Tayyip Erdoğan qui ne dura que quelques heures le 3 mai 2016 a tellement ému le pays… Car il s’agissait d’une visite amicale et sincère. Il y a eu un bel échange entre lui et le Président guinéen Alpha Condé. Les portes étaient déjà ouvertes mais désormais elles le sont encore davantage. Cela a été ma plus grande chance. Cela a renforcé l’intérêt réciproque entre les deux pays. Chaque semaine, une délégation d’hommes d’affaires arrivent de Turquie. Il y a de nombreux projets en cours. Bref, la solide relation entre les deux Présidents nous a été d’une grande aide. »

- « La première personne qui m’a contacté le 15 juillet était le Président guinéen, Condé. »

Les relations étroites et sincères entre la Guinée et la Turquie ont été ressenties dans presque tous les domaines, souligne Sağman.

Sağman qui rappelle que la Guinée a été depuis le début aux côtés de la Turquie, en particulier dans la lutte contre l’organisation terroriste FETÖ, a déclaré avoir été témoin, à cet égard, d’une rare solidarité, que ce soit au niveau du démantèlement des écoles ou au niveau de leur transfert sous le contrôle de la Fondation Turque Maarif.

« La nuit du 15 juillet (coup d'Etat avorté), je me trouvais en Turquie pour mes congés. Le premier qui me contacta cette nuit était le Président Alpha Condé et ce malgré le fait qu’il se trouvait en déplacement à l’étranger pour une réunion. Il me demanda « que se passe-t-il ? Y a-t-il quelque chose que je puisse faire. J’étais très touchée. Les chefs de l’Etat-major m’ont également contacté par la suite. D’ailleurs, Condé m’a recontactée le lendemain. Depuis le début, il nous a apporté un soutien important et par la suite, il nous a fourni une aide précieuse pendant la période de la prise de contrôle des écoles», a commenté l’ambassadrice.

Bien que les Guinéens avaient, dans un premier temps, exprimé leur mécontentement face à l’interruption temporaire des cours en raison de la fermeture des écoles, Condé n’a pas failli dans sa détermination et a maintenu sa décision durant cette période, commente Sağman.

- Lorsqu’il évoque Erdoğan, Condé parle de « son frère »

Sağman, qui note le volume important des va-et-vient ininterrompus en termes de visites officielles et de délégations d’hommes d’affaires entre les deux pays, précise que Condé s’intéresse de très près à la Turquie et l’a même contactée en personne pour lui demander de lui faire parvenir une copie de chaque rapport qu’elle adresse au Ministère des Affaires Etrangères.

« Le Président Condé m’appelle régulièrement en me disant « S’il y a une réunion en Turquie, j’aimerais en être informé afin d’y dépêcher un ministre » a indiqué Sağman qui note une participation importante de la Guinée à tous les congrès internationaux qui sont organisés en Turquie.

Sağman ajoute que lors de la première réunion ministérielle de l'agriculture Turquie-Afrique qui s’est tenue en avril, la Turquie avait invité Condé qui était alors à la présidence de l’Union Africaine. Elle précise que ce dernier avait répondu dans la demi-heure à l’invitation en déclarant « Je ne peux pas refuser l’invitation de mon frère ».

« Le Président Cond » éprouve une grand sympathie pour notre Président Erdoğan et il en parle toujours comme de son frère », commente Sağman qui avoue ne pas être surprise de cette réponse.

Sağman raconte qu’en tant qu’ambassadrice ces relations ont été pour elle très encourageantes. Lorsque Sağman confie que Cond » parle d’elle comme de son « ambassadrice préférée », elle estime, à cet égard, avoir beaucoup de chance.

La Guinée dispose d’importantes richesses souterraines et ce n’est qu’après l’éradication de l’Ebola que le pays s’est redressé en prenant l’initiative d’exploiter ce potentiel, a commenté Sağman.

S’adressant aux hommes d’affaires turcs, la diplomate déclare : « J’appelle nos hommes d’affaires à venir ici. Qu’ils viennent voir. Il y a beaucoup de choses à faire ici et qu’ils sachent que les institutions guinéennes ainsi que les Guinéens voient d’un bon œil notre présence dans leur pays ».

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