L'Afrique en Ascension- Guinée: A Boffa, autrefois c’était l’esclavage
-La ville et le port de Boffa qui se trouvent à 130 km de Conakry sont connus pour être parmi les premiers lieux où l’esclavage a vu le jour au milieu du 15e siècle.

Guinea
AA/Boffa (Guinée)/ Fatma Esma Arslan
Dans le petit port de Boffa, ville située à quelques 130 kilomètres de la capitale guinéenne Conakry, la vie semble, de prime à bord, paisible, chaque habitant vaquant à ses activités.
Pourtant, les traces d’un passé douloureux sont encore visibles. Car la Guinée, comme les autres pays de l’Afrique de l’Ouest, a été marquée par une tragédie : la traite négrière qui s’est développée des siècles durant sur le continent et qui a touché des millions d’individus.
En Guinée, c’est au XVe siècle que les premiers commerces d’esclaves virent le jour, selon les historiens. Le port de Boffa, qui s’est développé par l’intermédiaire de la traite négrière, a vu défiler les Portugais, les Anglais et enfin les Français et a été le théâtre des scènes les plus inhumaines.
A l’époque, les esclaves étaient entassés les uns sur les autres, dans les cellules de maisons d’esclaves -dont il ne reste aujourd’hui que des vestiges- attendant les bateaux qui les transporteraient en direction de l’Amérique.
Aujourd’hui le port est exploité par les Chinois et la plaie semble s’être refermée. Pourtant, Boffa a encore du mal à fleurir. Preuve en est, la pauvreté que l’on peut découvrir au fur et à mesure que l’on déambule dans les rues de la ville.
Tous, de l’enfant au vieillard, semblent contraints de travailler.
Kanny Conte a plus de 70 ans. Il se lève tôt, chaque matin, pour vendre du poisson séché sur le marché, afin de pouvoir nourrir ses petits-enfants. « Je gagne en moyenne entre mille et mille de cents francs guinéens (environ 1 USD) par jour. Ce n’est pas grand-chose mais j’ai trois petits-enfants dont je dois m’occuper. Je n’ai donc pas d’autre choix que de travailler », dit-il à Anadolu.
Assurant qu’il ne se plaint pas de sa situation, il s’estime même heureux car, « le travail au marché (lui) permet de garder toute sa vigueur ».
A quelques mètres de Conte, Alassane Youla, un imam, vend de la viande durant « ses heures libres ».
« Je suis, ici, l’un des plus âgés. Tous mes pairs ont quitté ce monde, et moi, je continue de travailler en attendant mon tour », confie, dans un sourire résigné, l’octogénaire.
Sur la place du marché, il y a autant d’enfants que de vieillards. Tandis qu’une partie d’entre eux ne quittent pas leur mère d’une semelle, d’autres déambulent pieds nus sur la place.
Ici, le temps semble passer au compte-goutte. Même les touristes sont aux abonnés absents.
Ahmed Sow, jeune lycéen commente : « ici, en dehors d’une poignée de touristes locaux, amateurs d’Histoire, personne ne vient nous rendre visite ».
« Si seulement des touristes pouvaient venir et découvrir ce lieu riche d’un triste passé, voir ce que nos ancêtres ont enduré. C’est un devoir de mémoire », ajoute-t-il.
A Boffa, beaucoup ignore les détails de ce tumultueux passé. Sans doute en raison d’un taux d’alphabétisme très bas (moins de 35%) dans la région.
C’est surtout la jeune génération, chanceuse d’être scolarisée, qui a conscience de ce que les Occidentaux ont jadis perpétré à Boffa, conclut le jeune homme.