La Somalie: La fabrication des barques en bois en voie de disparition (Reportage)
- L'artisanat est confronté à de nombreux défis, dont l'émergence d'entreprises modernes et le déclin de la profession de pêche en raison du harcèlement des navires étrangers luttant contre la piraterie

Mogadişu
AA/ Mogadiscio / Nour Jidi
Dans un petit atelier situé à quelques mètres de la côte "arabo" dans la capitale somalienne Mogadiscio, des constructeurs de barques de pêche s'accrochent à leur artisanat traditionnel. Un métier dont ils ont hérité de père en fils.
Cette industrie constitue un élément essentiel de la pérennité du métier de pêcheur qui représente une ressource économique pour ce pays arabe situé dans la Corne de l'Afrique.
Cependant, il semble que ce métier traditionnel soit en voie de perdition en raison de nombreux défis dont l'émergence de sociétés modernes de construction de bateaux, le recul du métier de pêche lui-même, ainsi que le harcèlement des navires étrangers sous prétexte de lutte contre la piraterie.
L'histoire de la fabrication des barques de pêche en bois remonte à des périodes lointaines quand les Somaliens les utilisaient pour la pêche, la navigation, le déplacement vers les villes côtières telles que Merka, Brava et Kismaayo.
Les bateaux qui sont construits sont livrés pour les principales villes sur la côte où le prix d'une unité varie entre 300 et 400 Dollars (d’environ 174000 shillings à 231000), alors qu’auparavant, le bateau était vendu à environ 1000 Dollars (environ 578000 Shillings). Selon des fabricants, cette régression de prix est due aux risques du métier de pêcheur.
Des défis sécuritaires
Dans un espace réduit, dans le quartier d’Abdulaziz à Mogadiscio, Mohamed Moomen s’est mis en course contre la montre, pour achever la fabrication d'une barque en bois, tout en utilisant des outils traditionnels.
Évoquant le sujet de son métier, Moomen a déclaré, avec fierté à Anadolu : "je travaille dans la fabrication de bateaux de pêche depuis 20 ans. Cependant, ce métier se trouve, de nos jours, négligé après avoir été une source de revenus pour un grand nombre de Somaliens".
Il a expliqué cette situation par la stagnation du métier de pêche en raison des conditions-incertaines- de sécurité, outre les défis qu'affrontent les pêcheurs au large de la mer.
Les forces gouvernementales somaliennes, avec l'appui des forces de maintien de la paix en Afrique, combattent contre les armés du Mouvement terroriste "al-Shabab".
Il a poursuivi : « le métier de fabrication des barques en bois s'appuie sur l'élément humain et des outils anciens et ce depuis des siècles ».
« En dépit de la propagation de la technologie et des outils modernes, ce métier demeure un métier ancestral disposant d'une assise populaire qui a permis que cet héritage passe d'une génération à une autre. » a-t-il ajouté.
Bateaux étrangers
Le risque qui menace le métier traditionnel de confection de bateaux en bois ne se limite pas à l'émergence de sociétés modernes concurrentes.
De temps à autre, des organismes de bienfaisance soucieux de trouver un emploi distribuent des bateaux de pêche produits par des entreprises étrangères à des pêcheurs locaux pour les encourager à travailler, ce qui contribue à l'inertie du métier traditionnel.
Tout en posant une substance collante sur la surface d'une barque dont il a entamé la fabrication depuis trois jours, le sexagénaire somalien Omar Nour a confié : "nous mobilisons toute notre énergie pour sauver ce métier".
Il a précisé que les barques traditionnelles en bois se distinguent par une qualité meilleure puisque leurs fabricants disposent d’un savoir-faire éminent hérité de leurs ancêtres.
Il a conclu que le recul de la production est une caractéristique dominante de tous les métiers pendant certaines périodes et qu'il espère que son métier retrouvera ses marchés pour qu'il puisse relever tous les défis.
Plusieurs étapes
La fabrication d'une seule barque en bois nécessite un travail de plus de trois jours qui renferme une phase de conception, puis, une phase de création des composantes de la structure étant un processus exigeant une grande précision.
La troisième phase est celle de couverture de la barque par une substance imperméable à l'eau. La phase finale est réservée à la peinture et ce, selon les souhaits du demandeur.
La lutte contre la piraterie
Sur la côte Arabo, se tassent des dizaines d'embarcations en bois, poussées par les vagues à bâbord et à tribord, surtout que le nombre des pêcheurs a sensiblement diminué en raison du harcèlement des navires étrangers.
Cependant, quelques Somaliens risquent leur vie car la pêche est leur seul gagne-pain.
Les navires étrangers naviguant dans les eaux territoriales somaliennes sous prétexte de lutter contre la piraterie est un autre facteur qui contribue au déclin du métier de fabrication traditionnelle des barques en bois.
Parmi les harcèlements des bateaux étrangers: les agressions contre les jeunes pêcheurs, les inondations par l'eau de leurs modestes barques, les tirs d'armes souvent.
Ce qui a engendré l'abandon de ce métier par les pêcheurs.
3000 kilomètres
Selon Salah Ahmed, un des responsables de nouvelles entreprises de construction de bateaux : « le marché intérieur somalien peut accueillir plusieurs sociétés en raison du fait que la côte du pays s'étend sur plus de 3000 kilomètres. »
Au sujet des prétendues menaces de ces entreprises modernes à l'encontre des artisans traditionnels, Ahmed a rétorqué que ces sociétés n'ont fait que moderniser l'opération de construction basée auparavant sur l'élément humain et introduire des outils modernes afin de simplifier cette opération.
Les artisans reprochent aux entreprises modernes d'attirer leurs camarades et de les rattacher à elles en les appâtant par des salaires élevés ce qui a entraîné la réduction du nombre de ces artisans et le balisage de la voie vers la disparition de ce métier ancestral.
Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.