"La littérature africaine francophone est une littérature en gestation" (interview)
-Thierno Monenembo, qui a décroché le mois dernier le Grand Prix de la Francophonie, a livré sa vision de la littérature africaine dans un entretien avec Anadolu

France
AA/Conakry/Boussouriou Bah
« La littérature africaine francophone est une littérature en gestation, probablement la plus jeune du monde et qui a tout le temps de murir », a souligné l’écrivain guinéen Thierno Monenembo, dans un entretien accordé à Anadolu.
Monenembo a décroché, le 22 juin dernier, le Grand Prix de la Francophonie. Un nouveau trophée qui ornera l’armoire déjà bien garni de l’auteur, ancien exilé.
Interrogé sur l’importance de la littérature africaine, Monenembo a expliqué que celle-ci était « monstrueuse », née de « l’abâtardissement culturel produit par la violente rencontre entre l’Afrique et l’Europe et des ténèbres de la colonisation ».
« Ce monstre est aujourd’hui plus ou moins dompté et adopté et il a tracé un large sillon derrière lui. Peu de gens connaissent la littérature africaine mais tout le monde a déjà entendu parler de Aimé Césaire et de Léopold Sédar Senghor, de Wole Soyinka ou encore de Birago Diop » considérés comme des « pères » de la littérature, poursuit l’auteur couronné.
« Mais le fait que la littérature africaine soit jeune est positif. Cela signifie qu’elle a le temps pour elle et le temps avec elle », ajoute-t-il.
« La littérature guinéenne n’est quant à elle, qu’un simple appendice de la littérature africaine. Elle est condamnée à en épouser les lumières et les ombres, les euphories et les amertumes ». Car, il est « impossible de séparer Camara Laye (Guinée) d’Ousmane Socé (Sénégal), ou encore William Sassine (Guinée), de Mongo Béti (Cameroun) ! », lance-t-il encore.
- Un écrivain guinéen et africain plusieurs fois récompensé :
Monenembo a été récompensé à plusieurs reprises. Décoré notamment en 1986 pour sa deuxième œuvre, « Les Ecailles du ciel », il a également reçu le Grand Prix littéraire d’Afrique noire, en 2000, le Prix Tropiques avec « L’Ainé des orphelins », en 2008, le Prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel », en 2012, le Prix Ahmadou-Kourouma, le Grand prix Palatine mais aussi le Grand prix du roman métis pour « Le Terroriste noir ».
Commentant sa dernière récompense, l’écrivain reconnait « être satisfait ».
« C’est comme ça que cela se passe chez les écrivains ordinaires. Je ne suis pas un Julien Gracq ou un Jean-Paul Sartre (auteurs français) pour refuser un prix. Hélas! » dit-il dans un rire.
Et de poursuivre : «les prix littéraires me font penser à ces ovations que le public adresse au toréador sans préjuger de l’issue du combat. Juste pour l’encourager à braver le taureau. C’est une bête difficile à mener qu’est la littérature ».
- L’inspiration est comme un songe pour cet ancien exilé
« L’inspiration, dit-il, me fait penser au rêve : on ne sait pas d’où elle vient, on ne sait pas quand elle vient » raconte l’écrivain, précisant que ses livres « traitent essentiellement de l’exil et que le désarroi de l’Africain moderne en est le thème récurrent ».
En 1969, Thierno Monenembo a été contraint de fuir le régime Sékou Touré et a rejoint à pied le Sénégal voisin avant d’arriver en Côte d’Ivoire pour suivre ses études. En 1973, il atterri en France où il décrochera un doctorat en Biochimie à l’Université de Lyon. En 1979, il publiera son premier roman « Les Crapauds-brousse ».
- La littérature africaine francophone, produit de la rencontre coloniale
Ecris dans la langue de l’hexagone que le colonisateur avait imposée à l’école et à l’administration, les premiers romans africains mettent en scène, pour la plupart d’entre eux, des drames historiques, psychologiques ou encore ethnographiques portant sur les sociétés africaines.
De nombreux auteurs, ayant étudié à l’école française, se sont inspirés des romans français du XIXe siècle, souvent objet d’études sur les bancs scolaires. Un style qualifié de « littérature d’instituteurs » par les critiques.
Toutefois, les années 1970-1980 ont vu l’émergence d’autres plus subversifs à l’instar de Henri Lopes ou encore Amadou Kourouma.
Des plumes plus aiguisées et offensives qui coïncide avec l’avènement des indépendances.
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