Afrique

La culture du Burundi revit au son des traditions

L'engouement pour la chanson traditionnelle au Burundi traduit le désir d'un retour aux origines, aux souvenirs de l'enfance et à la langue locale, mais toujours sublimés par des instruments de musique et une esthétique chorégraphique modernes

Esma Ben Said  | 16.06.2016 - Mıse À Jour : 17.06.2016
La culture du Burundi revit au son des traditions

Bujumbura

AA/ Bujumbura/ Jean Bosco Nzosaba

«Console-moi mon amie, celle qui ramassait du bois pour ma mère s'en va, celle qui puisait de l'eau pour ma mère s'en va, celle qui barattait le lait de vache s'en va, ...»

« Ma sœur, fonder un foyer est une lourde tâche, oui, jeune fille, c'est cela ta vocation, oui je sais que le Burundi est cruel : Tu mets au monde une fille et on dit que tu extermines la famille ; si tu en mets au monde une seconde, on dit que tu n'es bonne qu'à être répudiée. Tu mets au monde un garçon et les uns grincent des dents, si tu en mets au monde un deuxième, on dit que la propriété t'appartient. La propriété t'appartient et que tu es reine à présent».

Ces paroles sont issues d'une chanson traditionnelle burundaise prisée lors des fêtes de mariage.

Cette chanson généralement entonnée par une soliste lors du cortège nuptial, pour regretter le départ de son amie, fait partie de ces romances qui recommandent le courage et la prudence à la jeune fille qui va se marier et décrivent ce que ressentent ses proches, explique Barbara Ndimurukundo, sociolinguiste et professeur à l’Université publique du Burundi.

La chanson traditionnelle burundaise c'est cela : Des messages d'amour, de peine, d'espoir, reflet d'une société marquée par la richesse de sa culture.

Le retour à la pureté des origines au Burundi passe, ces derniers temps, par cet engouement pour la chanson folklorique et traditionnelle, en particulier dans les milieux urbains jusque-là bercés par la musique moderne. Depuis quelques temps, dans les fêtes sociales à Bujumbura, capitale burundaise, la chanson traditionnelle est même parvenue à détrôner le zouk, la salsa, le rock’n roll, le reggae ou encore la rumba congolaise.

Des clubs ont alors vu le jour pour réinterpréter certaines chansons populaires très appréciées par les nostalgiques.

«Nous voulons amener les jeunes d’aujourd’hui à découvrir et aimer les chansons traditionnelles burundaises, ayant remarqué que ces jeunes n’écoutent et ne dansent qu'au rythme des chansons étrangères spécialement congolaises, rwandaises et occidentales», note Dorine Muyubira.

Présidente du club Higa (faire bouger son corps en tous sens en langue nationale Kirundi), qui est pionnier des groupes de danse traditionnelle à Bujumbura, Dorine ajoute: «Nous pensons qu’il y a un vrai risque de perdre tout un patrimoine culturel véhiculé par ces chansons»

Elle indique, en outre, que ce retour à la pureté des sources n’a pas de frontières. «Dans le souci de valoriser ces chansons même auprès des Burundais de la diaspora, nous venons de créer des antennes de notre club au Canada et en Europe, cela permettra à l’identité culturelle burundaise de rester vivante», ajoute encore Dorine. Son club, Higa est composé d’une trentaine de membres.

A l’instar du Higa (ce chant traditionnel insistant sur les occupations de la jeune fille burundaise bien éduquée), pratiqué dans le nord du pays, d’autres clubs de danse naissent dans le pays avec une tendance à la spécialisation par région, explique Immaculée Ndayizeye, membre du club de danse giramahoro.

«Chaque région du pays a sa propre spécificité en matière de chants et de danses traditionnels, c’est ainsi que nous avons agasimbo-danse acrobatique- au sud [réalisée par des jeunes garçons et qui exige beaucoup de souplesse], giramahoro [aie la paix, chants variés interprétés par des femmes tandis que d’autres se trémoussent en faisant prévaloir leur grâce et leur souplesse],dans l’est.

Quatre raisons majeures justifient cet engouement pour la chanson traditionnelle burundaise :« Il s’agit d’abord de chants que nous avons tous dans le subconscient car ils ont accompagné notre enfance. Puis, leurs messages véhiculés en langue locale sont perceptibles et compréhensibles par tous, ils ont une portée didactique indéniable, et sont joués avec des instruments de musiques modernes qui en améliorent la qualité sonore. Enfin les danseuses y mettent aussi de l’art, c’est tout cela qui séduit sans doute l’assistance», explique Martin Nitonde, sociologue et professeur d’Université.

Et la sociolinguiste,Barbara Ndimurukundo de conclure : «Ces chansons traditionnelles dites aussi épithalames, ont été, durant des siècles, l'expression par excellence de la conception de la société en général et de la vie familiale en particulier. La vie étant rythmée par des événements et des cérémonies traditionnels qui réunissent les parents, les amis et les voisins, les chansons traditionnelles présentent, en plus d'un intérêt ethnologique évident, des qualités esthétiques auxquelles tout public peut être sensible».

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