Israël pourra-t-il convaincre l’Union Africaine de lui ouvrir les bras ?
-L'Etat Hébreu qui a gagné dernièrement le soutien de plusieurs Etats africains grâce à une offensive diplomatique, économique et sécuritaire, pourrait-il décrocher le statut d’observateur à l’UA ?

Tunisia
AA/Tunis/Esma Ben Said
Le périple africain «historique» du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a charmé dernièrement le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et l’Ethiopie, sera-t-il le sésame qui restituera à Israël son statut d’observateur auprès de l’Union Africaine (UA)? "Pas dans l'immédiat", estiment les experts pour qui la réticence de plusieurs autres pays africains, tels que la Mauritanie, l’Egypte et l’Afrique du Sud, risque de freiner l’ambitieux projet israélien.
Israël qui était, pendant plusieurs années, membre observateur de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) a vu sa position changer en 2002, lors de la dissolution de celle-ci (remplacé par l’UA). L’Etat hébreu n’a alors pas été réintégré comme membre de la nouvelle institution qui lui reprochait, entre autres, son occupation des territoires palestiniens, contraire aux textes qui régissent l’organisation continentale.
Une situation que l'actuel Premier ministre israélien compte bien changer à la veille du 27e sommet de l'UA qui aura lieu à Kigali du 10 au 18 juillet; quitte à «ce que cela prenne plusieurs années», selon ses propos.
A travers une offensive diplomatique, économique et sécuritaire, Netahnyahu, accompagné d’une délégation de 80 hommes d’affaires, est parvenu, en l’espace de quatre jours (4-7 juillet), à gagner le soutien public - une première- des quatre pays africains visités, pour un statut d’observateur au sein de l’UA.
«Israël travaille très dur dans plusieurs pays africains. Il n'y a aucune raison de ne pas lui octroyer le statut d'observateur», a d’ailleurs tranché le chef du gouvernement éthiopien Hailemariam Desalegn, lors d'une conférence de presse commune avec Netanyahu, jeudi dernier à Addis Ababa.
«Cette première tournée d’un chef de gouvernement israélien en Afrique subsaharienne a permis de resserrer officiellement des liens économiques et surtout diplomatiques avec un continent dont une partie fut longtemps en froid avec Israël», commente Pierre Bertet, consultant indépendant en sécurité en Afrique de l'Ouest, joint par Anadolu.
L’État hébreu qui était dans les années 1950/1960 un partenaire de marque pour de nombreux pays africains avait en effet vu ses relations se détériorer depuis la guerre du Kippour (1973). La quasi-majorité des pays africains (une trentaine) avaient ainsi décidé de rompre leurs relations avec Israël, s'alignant sur une résolution de l'OUA adoptée à l'initiative de l'Egypte.
Une situation qui a été envenimée par le conflit israélo-palestinien ainsi que par les liens qui unissaient Tel-Aviv au régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Depuis, Israël n'est jamais parvenu à renouer avec le continent pour être observateur dans l'organisation panafricaine, essuyant de nombreux refus, notamment en raison de la position de l'ex-dirigeant libyen Muammar Khadafi qui ralliait à sa cause de nombreux pays africains.
En juin 2014, le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, avait entamé une tournée de dix jours dans cinq pays africains (Rwanda, Côte d’Ivoire,Ghana, Ethiopie et Kenya) en vue de promouvoir l’intégration d’Israël comme membre observateur au sein de l’UA.
Le 26 du même mois, Israël avait envoyé une délégation au sommet de l’Union africaine à Malabo (Guinée-Equatoriale) pour se faire représenter à la réunion continentale en tant qu’observateur, rappelle la presse africaine. Mais cette délégation s’était confrontée au rejet du chef de l’Etat mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, alors président de l’UA et des délégations des pays membres qui avait aussitôt demandé l’évacuation de la délégation israélienne du centre de conférences où se tenaient les travaux du sommet.
Si le «froid» se traduisait d’une manière politique, Israël a toutefois toujours poursuivi ses échanges économiques avec le continent noir estimés, néanmoins, à moins de deux milliards USD en 2013, selon la base de données onusienne Comtrade.
Et c’est, paradoxalement, l’Afrique du Sud qui draine l’essentiel des échanges. Selon des statistiques israéliennes, ceux-ci reposent essentiellement sur l’industrie diamantaire. «Les produits et biens d’équipement importés d’Israël ont atteint 425 millions de dollars en 2013 (dont 147 millions de diamants) tandis que les ventes de minerais et métaux précieux de l’Afrique du Sud à Israël se sont élevées à 721 millions de dollars (dont 283 millions de diamants)», rappelle «Afrique expansion», dans son édition du 4 juillet 2016.
Forte aujourd'hui de ses échanges commerciaux dans plusieurs pays du continent, Israël entend désormais s’affirmer davantage dans les domaines de la technologie et de la sécurité, problématique cruciale de ces dernières années.
«Les dirigeants africains sont surtout intéressés par les armes israéliennes à l’heure où de nombreux groupes armés mettent en péril la sécurité de plusieurs pays [Lac Tchad, Grands Lacs etc. ndlr]» estime pour sa part Sylvain Chibani, expert en politique militaire africaine, dans une déclaration à Anadolu.
En contrepartie, Israël veut s’assurer du soutien des pays africains dans les institutions internationales, et ce, afin de sortir de son isolement, a insisté Netanhyahu à chaque étape de sa tournée.
«Le soutien international quasi-automatique accordé aux Palestiniens [qui bénéficient d’un statut d’Observateur au sein de l’UA depuis 2013, ndlr] agit comme un obstacle pour la communication bilatérale directe», a-t-il estimé.
«Si les Africains votent en bloc, ils pourront aider à briser la majorité automatique des Arabes dans les instances internationales telles que l’ONU», a encore assuré Netanyahu face à la presse, en Ouganda.
«Cela pourrait prendre une dizaine d’années, mais nous allons changer la majorité automatique contre Israël. Voilà une chose qui n’avait jamais été possible dans le passé», a-t-il assuré.
Toutefois, Israël n'obtiendra pas un poste à l'UA "dans l'immédiat" dans la mesure où le système de vote prévoit que l’UA prenne ses décisions par consensus ou, à défaut, à la majorité des deux tiers des Etats membres jouissant du droit de vote, rappellent les experts.
«Même si l'Afrique de l'Est lui est actuellement favorable [Israël va mettre sur pied un Centre régional de Renseignements militaires, pour répondre à la requête de six pays de la Corne de l’Afrique, ndlr], cela est loin de représenter la majorité. Il est peu probable que des pays tels que le Soudan, la Mauritanie, l’Egypte, le Sénégal etc. à majorité musulmane et qui ont affiché à plusieurs reprises leur soutien à la cause palestinienne, votent en faveur d’Israël», prévient Bertet.
Par ailleurs, l’UA entretient de très bons rapports avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et a montré, à de multiples reprises, «sa solidarité indéfectible au peuple palestinien».
De son côté, l’Etat hébreu prévoit prochainement une visite officielle de haut niveau en Afrique de l’Ouest. Une «opération séduction» qui se poursuit donc, mais qui risque de mettre plusieurs années à aboutir.
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