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[Infographie] France/Opération Barkhane au Sahel : Partie pour rester

Nadia Chahed  | 08.04.2019 - Mıse À Jour : 09.04.2019
[Infographie] France/Opération Barkhane au Sahel : Partie pour rester

Tunis

AA / Tunis / Slah Grichi

Il faut être forcément niais, masochiste ou sacrément philanthrope pour sacrifier hommes et beaucoup d'argent, juste pour aider son prochain. En politique et au niveau des Etats, cela n'existe pas... Pourquoi alors l'opération Barkhane qui coûte à la France environ un million d'Euros par jour en plus des pertes humaines (24) et qui semble aujourd'hui s'enliser dans une situation inextricable?

L'ONU n'avait pas besoin de beaucoup d'arguments pour donner son feu vert à l'opération Barkhane au Sahel, où ses onéreuses missions ne pouvaient, seules, mettre fin à des rébellions et à des conflits inter-communautaires et entre groupes armés auxquels le terrorisme est venu s'ajouter pour attiser le feu dans l'ensemble d'une région qui fait à peu près la superficie de l'Europe.

Ainsi et à peine l'opération Serval terminée (15 juillet 2014) que Paris s'engageait le 1er août de la même année dans Barkhane mobilisant 3000 hommes -montés depuis à entre 4500 et 5000- répartis essentiellement à N'Djaména au Tchad (état-major et forces aérienne), Ouagadougou au Burkina Faso (forces spéciales), Niamey au Niger (pôle de renseignement) et surtout à Gao au Mali (infanterie et forces d'intervention).

Soutenus par un matériel conséquent dont particulièrement des blindés, des Mirage 2000, des drones, des avions de transport et d'observation ainsi que des hélicoptères de combat, ils avaient pour mission essentielle de coopérer avec les armées régulières du G5 (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso et Mauritanie), afin de chasser les terroristes d' Al Qaïda, de Daech dans le grand Sahara et des groupes s'y apparentant, très présents autour du fleuve Niger. Ils étaient également appelés à contrôler et éventuellement désarmer les milices belligérantes, dans le but évident d'asseoir l'autorité des gouvernements en place qui ont demandé ou approuvé l'opération.

Choix stratégique

En concentrant une grande partie de ses forces au Mali, les stratèges militaires français ont répliqué à la réalité d'un terrain où pas moins de six organisations terroristes sont implantées et qui leur sert de base pour mener des actions dans les pays voisins.

La rébellion des Touaregs et les conflits sanglants entre Peuls et Dogons posaient également problème, sans compter les farouches milices d'auto-défense, le banditisme et le crime organisé.

Une lourde tâche que les chefs de Barkhane ont assouplie en obtenant des Touaregs une temporisation de leurs "ardeurs" et en collaborant avec les groupes armés alliés ou proche de Bamako.

Forcément, cela n'a pas fait que des satisfaits, en particulier parmi les Peuls qui se sentaient déjà dévalorisés et parfois même persécutés jusqu'à par l'armée régulière.

La position centrale du Mali par rapport au G5 permettant un déploiement rapide dans les autres pays explique, elle aussi, cette concentration des forces.

En portant, dernièrement, une bonne tranche de ses effectifs dans une base avancée vite montée à Gossi, au sud-ouest de la région de Gao qu'elle a sécurisée et gardée comme base arrière, Barkhane se rapproche encore plus du Burkina Faso, un prélude probable à de vastes opérations dans ce pays.

Le chef d'état-major, le général Frédéric Blachon l'a laissé entendre : "Dans le Gourma (où se trouve Gossi), on est en mesure d'apporter un appui au Burkina, s'il venait à le souhaiter". Le commandant de la base apporte, lui, la preuve qu'elle a été montée pour durer, lorsqu'il a déclaré à des journalistes : "elle doit devenir une base avancée permanente pour que nous disposions d'une sorte de base d'assaut pour partir dans le Gourma". Et sûrement ailleurs...

Réticences et enjeux

Si Barkhane a contribué à sécuriser certaines régions du Mali où le quotidien et les services ont connu une amélioration certaine, mis hors d'état de nuire plus de 600 terroristes, contrôlé et désarmé certaines factions, recueillant l'approbation d'une bonne partie de la population, elle reste impopulaire dans le sud qui, il est vrai, n'est pas touché -du moins pour l'instant- par les conflits et dans des villes importantes comme Bamako ou Kidal.

On y évoque souvent le passé colonial de la France en "glissant" que la forme a changé mais que le fond est resté le même. Ils sont nombreux parmi l'élite malienne -burkinabé et malienne aussi- à accuser Paris d'avoir déstabilisé le Sahel et de vouloir entretenir un degré de violence qui justifie la présence de ses soldats pour camoufler ses véritables objectifs.

Certains n'hésitent pas à évoquer le Colonel Kadhafi, très populaire dans la région, que la France aurait éliminé pour avoir le champ libre au Sahel. D'autres ne croient pas que la tuerie d'Ogassougou du 23 mars qui a fait 160 morts parmi les Peuls, soit d'origine ethnique, faisant état de témoignages affirmant la participation de mercenaires étrangers aux côtés des "Chasseurs" à majorité Dogon.

Ils convergent à ce propos avec l'avis d'André Bourgeot, directeur de recherches au Centre national de recherches scientifiques français et spécialiste du Mali, qui affirme que ce massacre n'est pas à expliquer par des considérations ethniques : "Les Chasseurs sont une confrérie, pas une ethnie", dit-il.

L'intelligentsia malienne est par ailleurs consciente que le pays n'est pas un géant minier, malgré l'existence d'un peu d'or, de bauxite, de fer et de marbre et qu'il ne vaut le sacrifice que par sa seule position géostratégique par rapport aux autres pays du Sahel qui, eux, regorgent de richesses naturelles : pétrole, fer, cuivre, uranium...

Cela explique que de puissants "prétendants", dont la Chine dont l'appétit en matières premières est grand, lorgnent de ce côté de l'Afrique. Un territoire que la France est décidée à "défendre" en s'opposant à toute velléité qui menacerait un "équilibre" qui sied à sa politique et à ses intérêts, quels que soient les aléas à gérer et le temps à consentir.

Pourtant, le général François Lecointre qui connaît bien le Mali, a bien prévenu : "les problèmes dans ce pays ne peuvent être résolus en moins de 10 à 15 ans si tant que nous le puissions. La situation n'est pas satisfaisante et nous n'en sortirons pas demain".

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