Afrique

Il est temps pour l’Afrique de s’occuper de «ses vieux» !

Le «moins vieux des continents», comptera en effet, d’ici 2050, près de 200 millions de personnes âgées de plus de 60 ans, contre 60 millions aujourd'hui.

Esma Ben Said  | 16.05.2016 - Mıse À Jour : 17.05.2016
Il est temps pour l’Afrique de s’occuper de  «ses vieux» !

Tunisia

AA/Tunis/ Esma Ben Said avec la contribution d'Alphonse Logo

Pour la première fois de son histoire, l’Afrique, qui a surmonté avec brio ces dernières décennies de nombreux défis économiques, politiques et sanitaires entraînant une croissance indéniable de l’espérance de vie des Africains, va se confronter à un phénomène nouveau: voir sa population vieillir en nombre, et très vite.

Selon les dernières prévisions de la Banque Mondiale, le «moins vieux des continents», comptera en effet, d’ici 2050, près de 200 millions de personnes âgées de plus de 60 ans, (près de 10 % de la population du continent - semblables aux pays industrialisés) contre actuellement 60 millions (5.3 % de la population africaine).

Des chiffres qui poussent experts et politiques à se pencher sur une problématique dont les prémices sont déjà visibles aujourd'hui.

Le continent africain a toujours joui d'une réputation de "jeune" en raison du fait que 40% de ses enfants ont moins de 15 ans, mais certains de ses pays se démarquent déjà par une population vieillissante (plus de 60 ans), à l'instar de l’Ile Maurice (12.2 %), de la Tunisie (10%), de l’Afrique du Sud (8.1 %) ou encore du Gabon (7.5%), selon un rapport sur la population mondiale publié par l’ONU, le 13 juin 2013.

A contrario, d’autres pays enregistrent un taux inférieur à la moyenne, notamment, le Burundi (3.8%) ou le Burkina Faso (3.9%), d’après le même document intitulé «Perspectives de la population mondiale : révision de 2012».

Si en terme de ratio, la plupart des chiffres semblent relativement faibles, toutefois, rapportés en nombre d’habitants, ils sont conséquents.

Ainsi, le Nigéria, pays africain le plus peuplé, ne comprend certes, que 4.5% des personnes âgées de plus de 60 ans mais cela représente déjà 7.24 millions de personnes, soit autant qu’en Pologne (où les personnes âgées représentent 19% de la population du pays), souligne, Laurent Nowik, chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques (INED- France) – cité dans un document intitulé «l’Afrique, un continent jeune qui vieillit», et publié par l’agence française de développement (AFD-2013).

Ce vieillissement qui se poursuit dans tous les pays africains (avec en tête l'Afrique du Nord), a été rendu possible, grâce aux nombreux efforts établis par l’Afrique dans le domaine de la santé (lutte contre le VIH/SIDA en Afrique australe, campagnes internationales de vaccination et de prévention des maladies infectieuses, rougeole, malaria etc).

La fin des guerres civiles (Rwanda, RDC, Congo) en Afrique centrale et Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Libéria, Sierra Leone) ont, elles aussi, largement permis d’augmenter l’espérance de vie dans ces pays, selon les observateurs politiques.

Une population dans l'ensemble près de quatre fois plus vieille donc, ce qui représente un nouveau défi social à relever, selon les experts, qui soulignent l’importance de développer, dès maintenant, un système de protection sociale en adéquation avec les caractéristiques du marché du travail africain dominé par le secteur informel.

Actuellement, "sur papier", le système de financement des retraites dans les pays africains est le même que celui en vigueur en France. Il est, d'après l'Observatoire des retraites, fondé sur la solidarité entre les générations (les actifs cotisent pour financer les pensions des inactifs) et malgré quelques particularités, dans beaucoup de pays (Cameroun, Bénin, Sénégal, Centrafrique, …), les salariés partent théoriquement à la retraite à 60 ans.

Pourtant, selon la Banque Mondiale, les régimes de retraites existant ne couvrent qu’une minorité de privilégiés, essentiellement les salariés du secteur public et ceux du secteur privé «formel».

Près de 90% de la population active constituée d'indépendants, de personnes à faibles revenus, d'intermittents ou encore de personnes évoluant dans l'informel (qui compte pour 80% de l’économie du continent) ne bénéficie d’aucune couverture sociale, selon la même source.

Certains ignorent jusqu'à l’existence de systèmes de retraite et travaillent souvent jusqu'à ne plus avoir de force. La plupart des personnes âgées sont alors, en général, prises en charge par leurs descendants.

Mais l'urbanisation, l'évolution des modèles économiques et sociaux, éloignent les jeunes des personnes âgées qui ont de moins en moins de temps (et de moyens) pour supporter la prise en charge de leurs aînés.

C’est donc à l’Etat de réfléchir à des systèmes de protection sociale tenant compte de l'économie informelle et à comment accompagner ces personnes âgées dépendantes afin qu’elles vivent dignement, respectées et en sécurité, comme à l’île Maurice, où le vieillissement de la population a été anticipé par des politiques publiques volontaristes.

Surtout que, contrairement aux idées reçues, «le coût d’une pension de vieillesse pour toutes les personnes âgées de plus de 65 ans dans la plupart des pays africains s’élèverait à moins de 0,5 % du PIB» indique Charles Knox-Vydmanov, expert protection sociale, cité par l'ADF,

La Banque Africaine de Développement (BAD), recommande quant à elle, d’incorporer la question du vieillissement dans les planifications des gouvernements, notamment en adaptant les crédits budgétaires nationaux, en stimulant les régimes de retraite et de protection sociale, en ciblant les soins de santé, et en soutenant les systèmes de protection communautaire et familiale.

Au Togo, où la question est prise très au sérieux (5.4 % de personnes âgées), plusieurs initiatives sont déjà engagées, souligne Makani Koyabi directeur des personnes âgées au ministère de l'action sociale du Togo.

Joint par Anadolu, il explique qu'un des principaux objectifs est que «dès la fin de cette année 2016, les personnes âgées bénéficient au même titre que les travailleurs en fonction, d'une couverture médicale universelle assurance maladie pour pouvoir se soigner en cas de maladie.»

«Un avant projet politique est également en élaboration pour définir spécifiquement ce que l'Etat togolais doit faire pour garantir une amélioration de vie des personnes âgées dans un cadre légal», annonce-t-il.

«Le gouvernement a également mis en place un répertoire national de volontariat des seniors pour les retraités qui s'ennuient. Leurs compétences peuvent être utilisées pour des privés par exemple. Ce répertoire sera mis en ligne avant fin 2016 et permettra à ces personnes d'être consultées en tant qu'experts».

Et ce, afin de faire des anciennes générations des banques d’expertise. Un moyen de transformer "une charge" en richesse.

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