Politique, Afrique

Froid et conflit : les défis des déplacés internes du Nigeria en pleine saison de l'harmattan

- Des milliers de Nigérians déplacés et mal abrités luttent contre le froid dans des camps surpeuplés, où l'harmattan aggrave les maladies respiratoires

Kabir Adeniyi  | 17.02.2025 - Mıse À Jour : 18.02.2025
Froid et conflit : les défis des déplacés internes du Nigeria en pleine saison de l'harmattan

Lagos

AA/ Lagos/Kabir Adeniyi

Les vents de l'harmattan, qui soufflent avec une intensité particulière sur le nord du Nigeria, révèlent une dure réalité pour les milliers de personnes vivant dans les camps de personnes déplacées internes (PDI) à travers le pays.

Des milliers de Nigérians, qui ont fui les attaques du groupe terroriste Boko Haram dans le nord-est et la violence criminelle dans le nord-ouest, sont désormais confrontés à un nouveau défi : survivre aux températures glaciales dans des camps surpeuplés et mal équipés.

L'insuffisance des infrastructures et l'absence de protection adéquate aggravent encore la situation de ces populations vulnérables, qui luttent pour se protéger du froid et de l'exposition aux intempéries.

Au camp PDI d'Ajiri, en plein cœur de Maiduguri, la capitale de l'État de Borno, les conditions de vie sont catastrophiques.

L'harmattan, un vent sec et poussiéreux soufflant du Sahara, frappe l'Afrique de l'Ouest chaque année entre novembre et mars. Il apporte des températures glaciales, un air sec et saturé de poussière, exacerbant les problèmes de santé, en particulier respiratoires, pour les habitants, déjà vulnérables, des camps.

Les tentes, censées être des solutions temporaires, sont devenues des "maisons permanentes". Des structures fragiles offrent peu de protection contre les intempéries, laissant les familles exposées au froid extrême.

Zainab Ali, 20 ans et mère de deux enfants, vit dans le camp depuis neuf ans, après que sa famille a été déplacée d'Ajiri à la suite d'une attaque de Boko Haram.

« Nous avons besoin de soutien. Nous avons besoin de nourriture, de couvertures, de nattes, et plus encore », a déclaré Zainab à Anadolu.

Et d'ajouter : « Le froid est vraiment rude. Certains d'entre nous souffrent de fortes fièvres et nous n'avons pas les moyens d'acheter des vêtements chauds pour nos enfants »

Le Nigeria est aux prises avec l'un des conflits les plus persistants du continent africain ; cela fait 15 ans, depuis 2009, que le groupe terroriste Boko Haram sème le chaos dans la région Nord-Est du pays..

L'insurrection du groupe a fait près de 350 000 morts en 2020, selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). De plus, quelque 2 millions de personnes ont été déplacées, dont 1,8 million dans le seul État de Borno.

Les organisations humanitaires internationales ont qualifié cette crise de catastrophique. Médecins Sans Frontières a averti que l'exposition prolongée au froid et les soins de santé insuffisants dans les camps de PDI créent une urgence sanitaire, augmentant le risque d'hypothermie et d'infections respiratoires.


** L'impact de l'harmattan à Borno

L'histoire de Zainab n'est pas unique. De nombreux déplacés internes (PDI) dans les camps ont des récits similaires de déplacement, de perte et de survie.

Kaltuma, une mère de 40 ans, a été déplacée il y a 10 ans de Damakuli, un village de Monguno, dans l'État de Borno.

« Les dix dernières années ont été un véritable calvaire pour mes cinq enfants et moi. Nous avons pu survivre uniquement grâce à l'aide des ONG », a-t-elle confié, de la tristesse dans le regard.

« Aujourd'hui, le froid est un énorme problème. Je couvre mes enfants avec tous les morceaux de tissu que nous avons, mais nous tremblons encore toute la nuit », ajoute la mère de famille.

Pour beaucoup de déplacés internes, le froid ajoute une souffrance supplémentaire à leur quotidien déjà difficile.

Yagana Isa âgée de 40 ans, et mère de cinq enfants, a perdu sa fille de 14 ans, ainsi que son mari, lors d'une attaque de Boko Haram sur sa ville natale, Baga, il y a plus d'une décennie.

Son traumatisme lié à la perte et au déplacement est amplifié par les conditions de vie précaires dans le camp.

« L'année dernière, j'avais assez de couvertures pour mes enfants, mais j'ai dû toutes les vendre pour acheter de la nourriture », a-t-elle expliqué, ajoutant : « Nos conditions de vie sont terribles, tant pendant la saison de l'harmattan que pendant la saison des pluies. Je souffre du froid maintenant, mais je m'inquiète aussi de la prochaine saison des pluies. »


**Le nord-ouest du Nigeria confronté à la crise

Dans le nord-ouest du Nigeria, une crise d'une ampleur dévastatrice frappe des milliers de personnes.

Des groupes armés, surnommés « bandits », continuent de semer la terreur dans des États comme Sokoto, Zamfara, Kaduna et Katsina, en menant des attaques meurtrières, du vol de bétail et des extorsions.

Selon les estimations récentes d'un gouverneur d'État, plus de 30 000 bandits opèrent dans cette région, répandant la violence et contraignant des milliers de personnes à fuir leur domicile.

Parmi ces victimes se trouve Aisha Muhammed, une mère de 38 ans, qui a été déplacée par Boko Haram dans le nord-est avant de se réfugier dans un camp de personnes déplacées internes à Sokoto.

« Nous avons été déplacés plusieurs fois. Nous avons traversé neuf villes différentes au Nigeria, et même le Niger, avant d'arriver à Sokoto », a confié Aisha à Anadolu.

« Depuis que l'harmattan a commencé en décembre, mes enfants souffrent du froid et ont eu de la fièvre à plusieurs reprises. »

Aishatu Tukur, une mère de sept enfants âgée de 50 ans, a été déplacée du village de Dogaye dans l'État de Zamfara il y a trois ans. Elle et sa famille dépendent désormais entièrement de l'aide humanitaire.

« Nous dormons par terre, il est donc impossible de se réchauffer par ce temps froid », a-t-elle expliqué, ajoutant : «Nos enfants sont toujours malades, et nous n'avons pas de quoi acheter des médicaments.»

Les experts médicaux avertissent que les conditions qui prévalent durant l'harmattan aggravent les maladies respiratoires, telles que la bronchite, la pneumonie et l'asthme, en particulier chez les personnes vivant dans des camps de déplacés internes (PDI) insalubres et surpeuplés.

« Cette saison entraîne une hausse des maladies respiratoires », a déclaré le Dr Abdullahi Balogun, médecin basé à Lagos.

Et de poursuivre : « Avec le Nigeria déjà confronté à plusieurs épidémies de maladies, dont le choléra, les autorités doivent accorder la priorité aux populations vulnérables dans les camps de PDI et s'assurer qu'elles aient accès à des soins de santé appropriés, à des vêtements chauds et à un abri adéquat. Cela pourrait être crucial pour prévenir des décès évitables. »

La malnutrition est une autre préoccupation majeure. De nombreux PDI souffrent déjà de pénuries alimentaires, et le froid extrême affaiblit davantage le système immunitaire, les rendant plus vulnérables aux maladies.

Commentant cette situation désastreuse, Ezekiel Manzo, porte-parole de l'Agence nationale de gestion des urgences du Nigeria (NEMA), a insisté sur le fait que le gouvernement déploie des efforts pour aider les PDI.

« Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour veiller à ce que les Nigérians vulnérables jouissent d'une bonne santé », a déclaré Manzo dans une brève déclaration à Anadolu.


*Traduit de l'anglais par Sanaa Amir

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