Afrique

Foot: L'Afrique aux "entraîneurs" africains, une mise gagnante ?

Le football africain marqué par la pléthore d’entraîneurs venus d’Europe depuis les Indépendances, dont certains ont connu un large succès, gagnerait à valoriser les coachs autochtones pour donner un souffle nouveau aux sélections africaines

Esma Ben Said  | 07.06.2016 - Mıse À Jour : 07.06.2016
Foot: L'Afrique aux "entraîneurs" africains, une mise gagnante ?

Tunisia

AA/ Tunis- Esma Bensaid/Abidjan-Fulbert Yao/Kinshasa-Fiston Mahamba

Le football africain marqué par la pléthore d’entraîneurs venus d’Europe depuis les Indépendances, dont certains ont connu un large succès, gagnerait à valoriser les coachs autochtones pour donner un souffle nouveau aux sélections africaines, assurent les experts du ballon rond.

Pour Fernand Dédéh, journaliste sportif et conseiller de l’ex-ministre ivoirien des Sports, Alain Lobognon, «Il est vrai que l'Afrique en général, francophone en particulier, s'est appuyée pendant longtemps sur l'expertise des anciens colonisateurs, plus avancés dans l'organisation, l'animation et l'encadrement des équipes nationales».

Parmi les célèbres techniciens ayant marqué le football africain, figurent de nombreux Allemands, dont Peter Schnittger (entre 1968 et 2000), qui a la particularité de n'avoir entraîné que des sélections nationales (Côte d’Ivoire, Cameroun, Madagascar, Bénin, Sénégal et Ethiopie), Gottlieb Goeller, le Germanique de la sélection nationale du Togo qui l'a qualifiée pour trois éditions de Coupe d’Afrique des Nations (CAN 1972, 1998 et 2000), ou encore Otto Pfister qui a entraîné le Burkina Faso, le Sénégal, le Ghana, la RD Congo mais aussi le club cairote, Zamalek.

De célèbres Français figure aussi dans le panel, dont ceux qui ont marqué le football post-indépendances, à savoir Jules Vandooren au Sénégal, Paul Bersoulé au Gabon ou encore Dominique Colonna au Cameroun. Puis, des années plus tard, survinrent les Claude Leroy (Cameroun, Ghana, Sénégal et RD Congo) ou Philippe Troussier, appelé aussi le "Sorcier blanc", qui a officié à la barre technique de la Côte d'Ivoire, du Nigéria, du Burkina puis de l'Afrique du Sud.

Troussier, inconnu en France, a gagné ses galons en Afrique, ouvrant la porte à de nombreux sélectionneurs français, dont Bruno Metsu, qui a mené l'équipe nationale sénégalaise en finale de la CAN en 2002 et à la phase finale de la Coupe du monde, la même année.

"La plupart de ces sélectionneurs, souvent anonymes en France, tout en étant qualifiés, ont intégré la culture et l'esprit africains, ont su se bâtir une réputation ici, et ont gagné ce qu'ils n'auraient jamais gagné chez eux", estime Dédéh dans une déclaration faite à Anadolu.

"Mais aujourd'hui, c’est sur les nombreux joueurs africains qui se sont formés à l’étranger qu’il faut miser", juge-t-il.

En effet, de bons entraîneurs africains existent. Dernier exemple en date, celui du Sénégalais Aliou Cissé qui a réussi, samedi à qualifier les "Lions de la Téranga" à la phase finale de la CAN 2017 grâce à leur victoire à l'extérieur face au Burundi (2-0) alors qu'ils avaient été éliminés au premier tour de la CAN 2015, de la CAN 2012 et de l'édition de 2008.

Une victoire donc pour les coéquipiers du buteur Sadio Mané, mais aussi pour Cissé, qui fait ainsi oublier les courtes (mais controversées) années du français Alain Giresse à la tête de l’équipe sénégalaise (de janvier 2013 à janvier 2015).

"Ces dernières années, il y a comme une volonté de reprise en main des sélections nationales africaines par les anciens joueurs du Continent, ceux qui ont accepté de se former, de se donner une ambition après leur carrière. Et même si le 'complexe du blanc' reste encore présent dans les esprits, les fédérations africaines essaient d'intégrer de plus en plus, les anciens internationaux dans leurs staffs", note Dédéh.

"Ces derniers devront mériter la confiance des joueurs et supporters mais également se départir du paternalisme qui discrédite souvent les techniciens africains. En Côte d'Ivoire par exemple, aucune politique n'est tracée pour les joueurs de la 'Génération Drogba' [Didier Drogba, international ivoirien de 2002 à 2014]. Et pourtant, bien pris en main, bien formés, ceux-là pourraient, dans les années à venir, constituer un vivier de techniciens pour les sélections nationales", ajoute-t-il.

Surtout, relève l'expert, "les fédérations africaines doivent cesser de courir après des entraîneurs européens dont certains sont préférés aux locaux alors qu'ils n'ont aucune notoriété. Si les fédérations ne prennent pas les initiatives nécessaires, les expatriés devenus au fil des ans de vrais chasseurs de primes en Afrique, auront toujours pignon sur rue".

Bruno Bla, ancien joueur de l’Olympique Lyonnais et entraîneur de plusieurs clubs au niveau du continent africain, juge, quant à lui, que «seul le talent doit être pris comme critère» dans le recrutement des sélectionneurs, même s’il «est vrai, que certains entraîneurs européens ont une expérience très utile pour les clubs africains.»

Pourtant, d'autres entraîneurs africains, ont aussi brillé, et c'est sur ces modèles qu'il faudrait penser à s'aligner, selon le spécialiste.

Il s'agit notamment du Ghanéen Charles Kumi Gyamfi qui a, à son actif trois victoires en Coupe d’Afrique des nations (1963, 1965 et 1982), des Algériens Rachid Mékhloufi, Mahiedine Khalef ou encore Abdelmajid Kermali et Rabah Saadane qui ont illuminé le football algérien grâce à une victoire à la CAN en 1990, et trois qualifications en Coupe du monde (1982, 1986, 2010).

Pour Yeo Martial, ex-coach des "Eléphants" , vainqueur de la CAN 1992 au Sénégal, "il est temps, pour les pays africains de faire davantage appel aux entraîneurs locaux pour un nouveau souffle footballistique".

"C'est vrai qu'aujourd'hui, tous les joueurs ont pour objectif de s’expatrier. Or, s'ils sont bien rémunérés ici, s'ils sont bien encadrés, et si l'on mise davantage sur les infrastructures, ils n'auront plus aucune envie de partir et alors le football africain sera couronné de succès", déclare-t-il à Anadolu.

N'oublions surtout pas que la première victoire africaine en Coupe du monde fut remportée par la sélection tunisienne, en 1978, à Rosario en Argentine, aux dépens du Mexique (3-1), et que les coéquipiers du Ballon d'or africain 1977, Tarek Dhiab, étaient entraînés par un certain..."local" Abdelmajid Chetali.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın