Afrique

Faible pouvoir d’achat en Tunisie : quand le double emploi n’est plus un choix

Une personne seule dépense 3871 dinars par an (environ 1500 dollars), soit 322 dinars par mois, selon l’Institut National de la Statistique (INS).

Slim Jerbia  | 14.06.2017 - Mıse À Jour : 15.06.2017
Faible pouvoir d’achat en Tunisie : quand le double emploi n’est plus un choix

Tunisia

AA/Tunis/ Afef Toumi

Ils sont enseignants le jour et chauffeurs de taxi la nuit, couturières et femmes de ménage ou encore chauffeurs privés et peintres en bâtiments.

Alors que le pouvoir d’achat est en berne, de plus en plus de Tunisiens choisissent de cumuler deux emplois, souvent en cachette. Une double activité pas toujours facile à vivre, selon des témoignages recueillis par Anadolu.

Depuis 2011, date de la révolution tunisienne, le pouvoir d’achat des tunisiens s’est considérablement affaibli, notamment en raison des perturbations du secteur économique, fragilisé par de nombreux facteurs.

L’évaluation du pouvoir d’achat est ainsi liée à plusieurs indicateurs économiques, dont le taux d’inflation, qui suit un rythme ascendant. Le taux a augmenté à 4,8%, en mars dernier, contre 4,6% durant les deux premiers mois de l’année courante, selon les chiffres de l’Institut National de la Statistique (INS).

Cela revient à un coût plus élevé de la vie, incluant la hausse des prix de la majorité des produits de consommation qui étouffe le pouvoir d’achat des tunisiens.

Affichant une baisse de 40% entre 2011 et 2015, selon les données de l’INS, le pouvoir d’achat n’est donc pas à l’abri de la crise économique, visiblement ressentie à l’échelle individuelle.

C’est ce qui fait que le combat éternel du citoyen tunisien est, de parvenir à manger, à s’habiller, à se déplacer et à se divertir, tout en étant conscient que ses revenus, qui se limitent à un salaire mensuel fixe, ne le permettent pas toujours.

C’est pour cette raison, que de plus en plus de citoyens font le choix du double emploi. Un bon moyen de couvrir la totalité de leurs besoins et de ceux de leurs familles.

Mais ce n’est toutefois pas évident d’avoir la chance de cumuler deux emplois alors que plus de 15% de la population active sont au chômage et que le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), n’atteint même pas les 350 dinars (environ 145 dollars), malgré sa majoration, récemment, de 5,65%.

Sans oublier, en plus, la précarité, constatée autant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Même si «le gouvernement d’Union nationale tient, depuis sa formation, à réduire l’emploi précaire », comme l’a assuré à Anadolu, le ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, Imed Hammami, dans une interview en mars dernier.

Toutes ces raisons poussent bon nombre d’hommes et de femmes, à chercher un travail en dehors de leur travail de base, qui acceptent, parfois sans réfléchir, d'être dans la précarité, parfois dans les deux emplois. Mais pour certains, cette précarité n’est même plus prise en considération.

« Du moment que mes revenus sont plus importants et que ma famille est satisfaite, je ne pense plus à la précarité ni à la fatigue physique et mentale. Vous savez, être dans le besoin est encore plus fatigant », indique Radhi (42 ans) interrogé par Anadolu.

Radhi, père de famille, est un fonctionnaire d’Etat qui touche aux alentours de 500 dinars (environ 250 dollars) par mois. En dehors des horaires administratifs, il est chauffeur de taxi.

« Loyer, nourriture, électricité, eau, habits et fournitures scolaires, il faut soit avoir une baguette magique, soit s’endetter pour y arriver, j’ai choisi de faire des sacrifices pour ma famille, en ayant recours au double emploi ».

Ce témoignage ne diffère pas de celui de Slim, également père de famille qui cumule deux emplois à la fois, tous les deux dans la précarité.

La semaine, il est chauffeur privé au sein d’une famille, pour laquelle il fait aussi du jardinage et le weekend, il est appelé à peindre les murs de maisons.

« J’ai un salaire mensuel fixe de 450 dinars, je touche de l’argent supplémentaire quand je fais du jardinage. Je suis dans l’obligation de me débrouiller ailleurs en allant peindre les murs de maisons», raconte Slim, ajoutant que, pourtant, sa femme travaille.

Les femmes, sont, elles aussi, concernées par le double-emploi. C’est le cas de Baya, qui travaille dans un atelier de confection. Elle y touche 350 dinars (environ 145 dollars) un salaire qui ne lui permet pas de vivre correctement .

« Je suis veuve et mère d’une fille, je n’ai pas eu la chance de recevoir la retraite de mon mari, anciennement ouvrier non-déclaré à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS). Je n’ai pas d’autre choix que de me plier en quatre pour que ma fille grandisse dans un minimum de confort. Puisque 350 dinars suffisent à peine à payer le loyer et la nourriture, je fais le ménage pour trois familles, ce qui me rapporte 60 dinars (environ 25 dollars) en plus par semaine », explique Baya.

Radhi, Slim et Baya sont loin d’être une minorité au sein de la société tunisienne.

Pour beaucoup de Tunisiens, être payé au-dessus du SMIG n'est pas pour autant synonyme de confort, surtout, devant le coût de la vie qui ne cesse de grimper.

Les derniers chiffres de l’INS sur la moyenne de consommation par personne et par ménage en Tunisie, publiés en 2015, affichent qu’une personne, seule, dépense 3871 dinars par an (environ 1500 dollars), soit 322 dinars (134 dollars) par mois.

Au niveau des dépenses par ménage, le chiffre est de 15561 dinars (environ 6400 dollars) par an, ce qui signifie que les revenus mensuels d’une famille devraient atteindre les 1200 dinars (500 dollars).

Mais pour une grande partie des citoyens, ceci n'est pas le cas. Le double emploi n’apparait alors plus comme un choix pour un simple fonctionnaire ou un ouvrier tunisien, responsable d’une famille, et qui touche à peine plus du SMIG, mais désormais, comme une obligation.

Pourtant, d’un point de vue juridique, ce qu’on appelle, « cumul du travail » est contraire à la loi. L’article 94-12 du code du travail stipule en effet que « le cumul du travail à plein temps et à temps partiel est interdit ».

Mais dans le même temps, ce code garantit aux employés des conditions dignes qui les protègent de la précarité et leur permettent une certaine stabilité. Pourtant, la plupart du temps, ces conditions ne sont pas entièrement appliquées par les employeurs, dont certains ignorent même la signature d’un contrat de travail.

Dans cette configuration, qu’est-ce qui empêcherait un employé de recourir au cumul du travail ?

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın