"Çorumlu Amir", jeune Subsaharien devenu star des réseaux sociaux en Türkiye
- De son vrai nom Amir Zakaria, le natif de Bangui est suivi par près de cinq millions de personnes sur ses plateformes des réseaux sociaux.

AA / Ankara / Alex Sinhan Bogmis
Les réseaux sociaux sont depuis quelques années l'espace d'expression et de révélation de talents. Parmi ceux-ci, "Çorumlu Amir", qui signifie Amir de Çorum, en référence à la ville située dans le centre de la Türkiye.
La silhouette élancée, le sourire contagieux, l'humour distingué, le verbe facile, il est facilement reconnaissable par les millions de personnes qui constituent sa fanbase.
"Lors de ma première année à Ankara, je vivais dans une maison avec quelques amis turcs. L'un d'eux, originaire de Çorum, me disait, sur le ton de l'humour, de répondre que je suis de Çorum à chaque fois qu'une personne me le demanderait. Au départ, cela ne me plaisait pas réellement. Mais avec le temps, cela a fini par me coller à la peau", nous révèle-t-il.
Cette popularité croissante a valu à Çorumlu Amir de nombreuses sollicitations dans la sphère médiatique dans son pays d'accueil. Il a été l'invité vedette de plusieurs programmes télé, notamment le talk-show de grande notoriété "Beyaz show", diffusé depuis 1996 sur la chaîne turque Kanal D.
Çorumlu Amir est un jeune Africain âgé de 28 ans, originaire de la République centrafricaine, arrivé en Türkiye il y a une décennie (2012) en vue de poursuivre ses études universitaires.
"Je ne pensais jamais vivre en Türkiye, nous confie-t-il. C'est un oncle vivant en Türkiye qui, venu en vacances au Tchad, m'a parlé du pays et m'a proposé de venir faire mes études. Je me voyais continuer en Belgique, en France ou même au Maroc. Je peux donc dire que la Türkiye, c'est la force du destin".
Les premiers pas avec le destin n'ont cependant pas été de toute aise. À son arrivée en Türkiye, il a, outre les difficultés d'insertion dans le cadre académique, combattu les stéréotypes. Le pays ne comptant pas de nombreuses personnes de couleur à cette époque, il indique avoir usé de pédagogie pour briser certaines barrières.
Diplômé en ingénierie aéronautique en 2019 à l'université de l'Association aéronautique turque située dans la capitale Ankara, il a flirté avec le génie électrique et même le pilotage avant de se tracer une véritable voie dans l'aéronautique.
"J'ai été parmi les tous premiers noirs à faire de petites vidéos en ligne en faisant usage de la langue turque. Je pense que cela a été un facteur très avantageux pour moi. Si une personne utilise la même stratégie aujourd'hui, je ne pense pas qu'elle pourrait connaître le même succès que moi. Les choses ont évolué. Il y a désormais beaucoup d'étrangers comme moi qui savent manier la langue", explique le natif de Bangui, la capitale de la République centrafricaine, ajoutant qu'avant lui, Pascal Nouma et Steve Komphela, des anciennes stars de football, étaient quasiment les seuls noirs s'exprimant bien en turc qui étaient connus à travers les médias.
En dépit de sa popularité, le jeune Amir ne se considère pas comme un comédien, encore moins comme ingénieur. Il fait usage des réseaux sociaux pour pouvoir véhiculer des messages en mesure d'impacter positivement le quotidien de sa pléiade de followers.
"Je me considère comme rien. La comédie me permet certes de gagner de l'argent, mais je ne me considère pas comme un comédien. Je suis conscient que le public turc me considère comme un comédien, mais je ne me présente pas comme tel. Je fais les vidéos parce que c'est quelque chose que j'aime faire et je veux passer des messages. Le rire vient en second plan", a-t-il dit.
La comédie, avoue-t-il, lui a permis de subvenir à de nombreux besoins personnels et même à ceux des personnes de son entourage, chose que ne lui aurait peut-être pas assuré une carrière d'ingénieur.
De son vrai nom Amir Zakaria, le jeune Centrafricain dont la famille est désormais établie au Tchad, se décrit comme une personne calme dans son cadre de vie privée, aux antipodes de l'attitude affichée sur les réseaux sociaux où il réunit près de cinq millions de personnes qui le suivent sur les différentes plateformes (Facebook, Instagram, YouTube, Tiktok). Les nombreuses sorties sur cet espace virtuel, indique-t-il, ne lui valent pas toujours des mots d'encouragement.
"Je développe de nombreux sujets allant du football à la politique en passant par la famille. Certaines personnes vont souvent jusqu'à me qualifier de traître lorsque j'aborde des sujets qu'ils jugent sensibles. Ça me dérange parfois, mais la vie est ainsi faite. On ne peut pas toujours faire l'unanimité. D'autant plus que le fait d'être Africain peut avoir une certaine influence lorsqu'on traite des sujets liés à la réalité interne d'un pays comme la Türkiye", poursuit Amir.
Selon lui, il existe des similitudes et aussi des différences entre les peuples turcs et africains. Des initiatives devraient être multipliées pour mettre en avant les aspects qui ressemblent et font taire les divisions.
En ce qui concerne l'avenir, a-t-il indiqué, il continuera à produire du contenu en vue divertir ses followers, mais aussi de rapprocher davantage les peuples et faire reculer les clivages.
"Il est difficile de dire que je pourrai changer les mentalités. C'est utopique de dire que je vais changer quoi que ce soit en faisant deux ou trois vidéos. Je vais travailler à passer davantage de messages à travers mes vidéos. J'espère que ça aura un impact positif", a-t-il conclu.