Congolaises exceptionnelles ou le savoir à la quête de l’indépendance
Dans le Nord-Kivu où le taux d'analphabètes parmi la population féminine, avoisine les 70 % selon Lentement Kimbirimbiri, chargé des affaires sociales , beaucoup de femmes ont décidé d'intégrer un centre d'alphabétisation pour adultes.

Congo, The Democratic Republic of the
AA/RDC/Joseph Tsongo
Léa Kabuo a reçu son premier cours d'alphabet à l'âge de 54 ans lorsqu'elle a décidé de s'inscrire à un cours de rattrapage scolaire pour adultes dans sa province du Nord-Kivu (Est de la RDC).
Veuve à l'âge de 30 ans, Léa a tout fait pour envoyer ses dix enfants à l'école alors qu'elle même ne savait ni lire ni écrire, mais elle ne laissait rien transparaître, témoigne Eliezer, le plus jeune de ses fils.
Active dans le domaine associatif, Léa s'est vue nommée présidente du Conseil d'administration de la Ligue des organisations des femmes paysannes du Congo ( LOFEPACO-ONG locale) et c'est là qu'elle a décidé de s'inscrire dans un centre d'alphabétisation, ajoute Eliezer.
Aujourd'hui, elle n'a plus aucun problème ni pour utiliser son téléphone portable, ni pour lire son courrier ni pour répondre à ses mails, assure fièrement le jeune Eliezer, ajoutant que sa mère a, même, réussi à trouver un poste pour son grand frère, diplômé en économie et sans emploi depuis 2003.
Dans le Nord-Kivu et particulièrement dans le territoire de Rutshuru où le taux d'analphabètes parmi la population féminine, avoisine les 70 % selon Lentement Kimbirimbiri, chargé des affaires sociales dans ce territoire, beaucoup de femmes ont, comme Léa, décidé d'intégrer un centre d'alphabétisation pour adultes.
Un moyen pour elles de devenir plus indépendantes aussi bien en famille qu'en société. Elles visent à lancer leur propre projet, à s'affirmer au sein de leur couple, à aider leurs enfants dans leur scolarité, ou simplement à apprendre à manier leurs téléphones portables.
Les motivations sont variables d'une femme à une autre, note Germain Isekule, directeur du centre d’alphabétisation "la Bénédiction" à Kiwanja, localité du Nord-Kivu.« Les mamans âgées viennent surtout pour apprendre à lire la bible", indique-t-il alors que d'autres viennent pour apprendre à écrire et à compter pour trouver un travail.
A Kiwanja, beaucoup de femmes ont choisi le centre de formation "la Bénédiction", connu pour ses méthodes à la fois faciles et efficaces, selon des témoignages d'apprenantes recueillis par Anadolu.
Crée en 2008, ce centre compte, aujourd'hui, environ 286 apprenants dont 200 femmes âgées de 20 ans et plus. Sur place, elles reçoivent une formation équivalente à celle des trois années de primaire, explique Mianitse Ngango Innoncent, conseiller technique de l’alphabétisation au niveau de la circonscription scolaire de Rutshuru.
Rencontrée sur place, Rosette Kwabo, 30 ans et mère de 4 enfants, dit que c'est son mari qui l'a encouragée à suivre un cours pour adulte. "Il m’a promis un travail de caissière dans une petite mutuelle de solidarité qu’il est en train de lancer et c'est lui-même qui m’a inscrite à des cours de soir, désormais je peux lire les notices médicales", déclare-t-elle à Anadolu.
De son côté Sifa Ntamuheza, apprenante en cours élémentaire, estime que l’ignorance peut engendrer nombre de problèmes aussi bien dans le cadre professionnel que social.
"Je suis commerçante et j'ai, malheureusement, toujours été obligée de faire appel à d'autres personnes pour remplir mes formulaires de transfert d'argent et pour me lire les factures et autres documents professionnels". Une situation qui l'indisposait dans la mesure où elle devait toujours chercher des personnes de confiance, ce qui n'est guère évident, souligne-t-elle.
Pour pallier cet handicap et gagner en autonomie, elle a décidé de rejoindre un centre d'apprentissage pour adultes.
Justine Kibula, 23 ans souhaite, pour sa part, ouvrir son propre salon de coiffure et c'est pour apprendre le français, "langue nécessaire pour un tel projet", qu'elle s'est inscrite à ce cours d'alphabétisation, déclare-t-elle à Anadolu.
Dans le centre "la Bénédiction", les apprenantes sont initiées, dans un premier temps, aux notions de base en Kiswahili local. Au fur et à mesure que l’apprenante évolue, cette langue est remplacée par le français. Une option qui vise, selon le directeur du centre, à encourager le plus grand nombre de femmes à suivre des cours d'alphabétisation.
Les horaires sont également planifiés de manière à ne pas entraver le quotidien de ces femmes, souligne encore Germain Isekule, notant que les cours sont dispensés le soir à raison de trois fois par semaine pendant neuf mois.
Pour ce qui est du coût de ces cours, il indique que les participants doivent verser 500 Francs congolais (0,5 dollar) par mois à l'institution, des frais qui servent à entretenir les locaux et à acheter les équipements scolaires.
En effet, bien que public, le Centre ne bénéficie d'aucun financement de la part de l’Etat congolais, explique le responsable ajoutant que cette contribution mensuelle n'a nullement l'air d'entamer la motivation des femmes qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'école.
Celles-ci sont, d'ailleurs, de plus en plus nombreuses à venir dans le Centre pour se procurer le savoir, assure Germain Isekule