Afrique

Congo Brazzaville : Sapologie, ou "m’as-tu vu" à la place Degui ?

- C'est un autre monde qui ne reconnaît ni crise ni pauvreté, il y a que le chic qui compte

Lassaad Ben Ahmed  | 11.09.2017 - Mıse À Jour : 12.09.2017
Congo Brazzaville : Sapologie, ou "m’as-tu vu" à la place Degui ? Photo d'archives

Congo

AA/Kinshasa/Rosie Tshanda

Malgré la crise et la pauvreté, la place Degui à Brazzaville est restée fidèle à sa sapologie, une tradition instaurée depuis l’ère coloniale où l’on vient se montrer en fin de journée tel un défilé de mode, après avoir mis tout ce qu’on a de beau et de valeureux comme vêtements.

En cette journée de fin d'été, le ciel est sans nuages. Le soleil se couche lentement et à l’instar des étoiles qui commencent à paraître et à briller une à une, les sapeurs commencent à arriver doucement, un à un, l’air endimanché.

L’espace Degui est un carrefour de plusieurs bars donnant sur l’avenue Atsoua, du nom d’un célèbre résistant de l’ère coloniale, à Bacongo dans le deuxième arrondissement de la capitale du Congo Brazzaville.

Tirés à quatre épingles, ils ont enfilé, chacun à sa manière, un costume, une chemise, une cravate made in Italy ou In France ou autre grande enseigne.

Le week-end commence dès vendredi à la place Degui. Les sapeurs viennent de toutes les villes avoisinantes pour exhiber leurs habits et faire du « m’as-tu vu ?».

«Et il n’y a pas que des originaires de Bacongo, d’autres viennent de Ouenze et Talangai, deux quartiers situés très loin de Bacongo», explique à Anadolu Seven, un DJ d’une trentaine d’années, animateur dans un bar du coin depuis 7 ans.

« La sape est une vieille tradition. Certains congolais d’un certain âge ont fait leurs premières apparitions à l’auberge de la jeunesse depuis 1965 », témoigne Alex, un sapeur, la soixantaine révolue.

"Ici à Degui, nous voyons présentement beaucoup de sapeurs parce qu’il y en a qui sont venus de France passer leurs vacances ici, et parfois célébrer leurs mariages coutumiers. Face à eux, il y a les Brazzavillois qui ne veulent pas leur céder la place", souligne-t-il.

Du coup, une compétition spontanée d’exhibition d’habits prend forme : qui fait mieux ? Et tant mieux, car tout se passe sans heurts, ajoute encore Alex.

Pour Tansy, Congolais résidant en Europe, mais qui passe ses vacances dans son pays d’origine, la sape va avec le corps. La beauté du corps est mise en valeur quand on est élégant et bien habillé.

Importés de Paris…

Déo affirme, pour sa part, ne pas être un sapeur. "J’aime m’habiller plus par plaisir personnel que pour impressionner les autres", explique-t-il à Anadolu.

A la fin de ses vacances, Déo compte, comme il l'a toujours fait, distribuer toutes les tenues ramenées de Paris à des membres de sa famille et amis.

Avant Degui, les sapeurs se retrouvaient il y a encore quelques temps, au bar de la Main Bleue, un débarcadère en aval du Beach fluvial de Brazzaville.

« La main bleue est un espace fermé. Les sapeurs aiment les milieux ouverts où ils regardent tout le monde et sont sûrs que tout le monde les regarde », raconte à Anadolu Mbandza, un habitué des lieux.

De notoriété publique, la SAPE (Societé des Ambianceurs et des personnes élégantes) a fait son apparition avec l’arrivée du colonisateur dans les années 1880.

« Le blanc a créé la tenue, et le Congolais a propagé ce système. Aujourd’hui, c’est le Congo- Brazzaville qui est le berceau de la sape. Comme l’Afrique est le berceau de l’humanité », affirme Alex.

La crise économique que subit le Congo actuellement semble ne pas toucher les sapeurs qui se disent ne pas être concernés par ce phénomène.

Même en temps de crise économique comme c’est le cas actuellement, le Congolais doit se respecter et donc, de ce fait, être une personne soignée et pas négligée.

L’excuse de la pauvreté et de la crise ne passe pas dans les milieux des sapeurs qui font tout et rien pour toujours soigner leurs apparences, être à la mode des dernières tendances vestimentaires et paraître toujours élégants aux yeux des badauds et nombreux curieux qui sont attirés par leurs tenues et autres gestuelles qu’ils font lors de ces retrouvailles.

La pauvreté au Congo Brazzaville a certes régressé, passant de 51% en 2005 à 36% en 2015, selon les chiffres de la Banque mondiale publiées en mai 2017, mais les sapeurs n’en accordent aucune importance aux chiffres.

Degui est un autre monde qui ne reconnaît ni crise ni pauvreté, il n'y a que le chic qui compte!

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