Cameroun : le gouvernement impose un ultimatum de 60 jours aux ONG
- Pour déposer leurs rapports d’activités des deux derniers exercices.

Cameroon
AA / Yaoundé / Peter Kum
Le ministre camerounais de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a donné aux organisations non gouvernementales opérant au Cameroun un délai de 60 jours pour déposer leurs rapports d’activités pour les deux derniers exercices.
Dans un communiqué, rendu public lundi soir, le ministre a considéré que des ONG ont reçu « des fonds importants » pour lancer « une démarche conspirationniste contre le Cameroun et contre les forces de défense et de sécurité », dénonçant « les dérapages et les manœuvres obscures récurrents de certaines ONG et associations des droits de l’homme installées au Cameroun et à l’étranger », avec « des agendas cachés ».
Dans sa déclaration, Paul Atanga Nji a mis en garde ces organisations non gouvernementales «aux ordres des ennemis du Cameroun» et a donné « à chaque responsable d’ONG 60 jours » pour déposer dans ses services, « les rapports d’activités des exercices 2017 – 2018 et 2018 – 2019 ».
« Dans leurs rapports annuels, ils ont l’obligation de détailler, au franc près, les fonds reçus chaque année, l’identité de leurs financiers ou donateurs et l’utilisation de ces fonds au Cameroun. Nous devons aussi connaître les bénéficiaires de leurs actions qui ne sauraient être des terroristes qui perturbent la vie de nos courageuses populations », a souligné le ministre.
Le ministre a indiqué que de nombreuses ONG véhiculent régulièrement « des informations complètement fausses et erronées sur la gestion de la crise par le gouvernement», dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest, affectées par une grave crise sociopolitique depuis fin 2016.
«Elles sont devenues des officines de fabrication de faux rapports dont le but est de ternir la noble image de nos forces de défense et de sécurité», a ajouté le membre du gouvernement.
Il a soutenu que ces ONG ont reçu « des fonds importants » de « plus de 1 728 910 dollars (5 milliards de FCFA) des réseaux occultes à l’intérieur et à l’extérieur du Cameroun pour déstabiliser les institutions républicaines, diffuser régulièrement, dans certains médias à leur solde et dans les réseaux sociaux, des informations tronquées».
Selon le ministre, le but était de « discréditer la gestion de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest par le Gouvernement, démontrer que le Cameroun ne serait pas à mesure de gérer les déplacés internes, prouver par tous les moyens que la crise dans les deux régions s’enlise et montrer à travers de faux rapports que l’armée camerounaise poserait des actes contre les populations civiles. Cet état de chose est inacceptable».
Parmi les ONG incriminées, a-t-il énuméré, figurent Human Rights Watch, Amnesty International, International Crisis Group, le REDHAC et OCHA.
Tout en rappelant que c'est son ministère qui délivre les agréments aux ONG, il a indiqué que la loi prévoit de dissoudre ces organisations, ainsi que des amendes et peines de prison pour leurs responsables qui « s'écartent des dispositions légales ».
En réaction à cet ultimatum, le Réseau de défense des droits humains en Afrique centrale (Redhac), a indiqué sur les réseaux sociaux, par l'intermédiaire de sa directrice exécutive, Maximilienne Ngo Mbe, que le ministre Atanga Nji a tenu des «propos mensongers».
«Quand un ministre de l’Administration territoriale se met en mondovision pour tenir des propos mensongers, quel est le projet ? Est-ce ce ne sont pas eux qui sont dans la logique de la déstabilisation ?», s’est interrogée la directrice exécutive du Redhac qui a, d’ailleurs, annoncé un point de presse, mardi 10 mars, pour répondre à ce qu'elle a qualifié de « mensonges du ministre ».
Pour rappel, le Cameroun fait face depuis octobre 2016 à une crise dite anglophone dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest du pays qui réclament leur indépendance du pouvoir central à Yaoundé.
Cette crise s’est transformée en lutte armée depuis fin 2017, provoquant la mort de plus de 3000 personnes, dont des militaires et des civils et le déplacement de 679 mille autres, selon un décompte réalisé par Human Rights Watch dans son rapport de février 2020.