Afrique

Cameroun : L'« Ambazonie », le futur Etat des Anglophones ?

L’échec de cohabitation entre francophones et anglophones menace l’unité territoriale du Cameroun, les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest ont décidé de porter l’affaire devant la communauté internationale et de réclamer l’indépendance

Nadia Chahed  | 15.09.2017 - Mıse À Jour : 18.09.2017
Cameroun : L'« Ambazonie », le futur Etat des Anglophones ?

Cameroon

AA/Cameroun/Peter Kum

La crise de la communauté anglophone au Cameroun n’est pas prête de s’apaiser, bien au contraire.

Elle a pris depuis quelques jours, une dimension diplomatique et pourrait aller encore plus loin, vers l’autonomie ou carrément l’indépendance de deux régions non-négligeables le Nord-ouest et le Sud-ouest, d'après des observateurs.

Jeudi dernier, Joseph Wirba, député du principal parti de l’opposition au Cameroun, le Social Democratic Front (SDF) a décidé de prendre les choses en main concernant la crise anglophone.

Le député a ainsi saisi les Nations-unies et la communauté internationale par rapport au différents abus des droits de l’homme constatés dans les deux régions anglophones du Cameroun, à savoir : le Nord-ouest et le Sud-ouest. Ces deux régions abritent environ 20% de la population camerounaise (24,2 millions d'habitants).

Dans une correspondance datée du 7 septembre 2017 et adressée à plusieurs chefs d’Etats et de missions diplomatiques, tels que le président Français, la reine d’Angleterre, le président des Etats-Unis d’Amérique, le Premier ministre Canadien, la Chancelière Allemande, l’Organisation de la Francophonie, le Commonwealth, les Nations Unies, la CEMAC, le HCR, etc., le député indique que les anglophones sont traités comme des « sous-hommes ».

Avant la requête de Joseph Wirba auprès de la communauté internationale, le président du consortium des leaders anglophones, Julius Tabe Ayuk, avait, dans une correspondance datée du 24 août 2017 et adressée à la Cour Royale Britannique, sollicité une audience avec la Reine Elisabeth.

« Je suis désolé, il ne sera pas possible d'organiser une telle rencontre. Cependant, j'ai demandé à des fonctionnaires du bureau des affaires étrangères et du Commonwealth de faire connaître à sa majesté la situation dans les régions du Sud-ouest et du Nord-Ouest », a répliqué en substance Young Edward, Secrétaire particulier adjoint de la Reine Elisabeth.

Vers l'indépendance

Le 27 juillet 2017, Kingsley Ashu et Calèche Bongo, deux activistes et membres du comité des affaires publiques du Consortium anglophone, étaient à New York au siège des Nations-unies pour dénoncer « la colonisation des anglophones par les francophones», et la marginalisation dont ils sont victimes.

«Pendant que nous parlons, des atrocités de masse sont en train d'être commises. Nous avons des situations où le gouvernement effectue, à la fois, des détentions massives, des arrestations arbitraires, des tueries extrajudiciaires, des tueries de masses et des traitements inhumains », a indiqué Kingsley Ashu à l’ONU.

«Nous n'avons aucun problème avec nos frères et sœurs francophones. C'est tout simplement un pays qui se bat pour avoir son indépendance», conclut l’activiste Kingsley Ashu.

S’exprimant le 21 août 2017 sur le site camerounais, lavoixdukoat.com, l’un des chefs religieux de l’église catholique au Cameroun, le Cardinal Christian Tumi a indiqué : « il n’y a jamais eu de mariage entre le Cameroun anglophone et le Cameroun francophone. Ils vivent en concubinage».

Le prélat à la retraite soutient qu’aucun acte n’a été pris formellement en juillet 1961 à Foumban (Ouest du Cameroun) pour concilier et rattacher le Cameroun anglophone au Cameroun francophone.

«Ils n’ont rien signé à Foumban. Le premier ministre John Ngu Foncha (qui était enseignant catholique avant) n’avait pas le pouvoir de négocier, parce que le Cameroun était sous tutelle de la France et de l’Angleterre. Comme les Français soutenaient Ahidjo, ils étaient à la conférence.

C’est l’Angleterre et les Nations-unies qui devaient valider l’acte. Mais ces deux n’étaient pas présents. Il n’y a jamais eu de document sur ce qui s’est passé à Foumban», relève le Cardinal Tumi.

C’est dans ce même contexte que le député du SDF, Joseph Wirba invite la communauté internationale et les Nations-unies à mettre la pression sur le gouvernement camerounais pour qu’il engage « un véritable dialogue » avec les leaders de la crise anglophone en remettant sur la table des discussions, l’Accord du Foumban de 1961.

Répression

Pour rappel, cette crise s’est déclenchée le 21 octobre 2016 suite à un mouvement d’humeur d’un groupe d’avocats et d’enseignants des deux régions anglophones. Les grévistes avocats réclamaient la traduction en anglais du droit des affaires OHADA et le recrutement du personnel anglophone dans les juridictions.

Cette grève fut énergiquement réprimée par le gouvernement et plusieurs leaders anglophones ont été interpellés et jetés dans des prisons de la capitale Yaoundé.

La répression organisée depuis Yaoundé a inspiré aux grévistes d’autres idées, telles que la fédération, ainsi que la sécession du Cameroun. Et pour mieux véhiculer leur message, des activistes, en fuite, créèrent une chaîne de télévision sécessionniste, le Southern Cameroon Broadcasting Corporation (SCBC TV).

Face aux médias, le 28 août dernier, le porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma, a mis en garde les promoteurs de cette chaine qualifiée de propagande et leur a rappelé qu’ils s’exposent à « la confiscation de leur matériel sans préjudice de poursuites judiciaires ».

A la veille de la rentrée scolaire le 30 août 2017, Paul Biya a signé un décret qui mettait un terme aux poursuites judiciaires contre 55 activistes anglophones qui étaient en détention.

Ce décret a été jugé sélectif, car six autres activistes anglophones restent toujours en détention. Il n’arrange pas la situation, car les anglophones ne demandent pas seulement la libération totale de tous les activistes, mais projettent également la création d’un Etat anglophone appelé "Ambazonie".

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