
Cote d'Ivoire
AA/Abidjan/Fulbert Yao
Après avoir dépassée les années noires liées à la crise postélectorale de 2010-2011, l’économie ivoirienne connait une période faste depuis sept ans et plus rien ne semble l’arrêter en Afrique de l’Ouest, cette zone de plus de 300 millions d'habitants qui constituent un marché intéressant pour les investisseurs.
Comment la Côte d’Ivoire parvient-elle à réaliser cette performance continue ? Est-ce une embellie conjoncturelle ou inscrite dans la durée? Quels sont les secteurs prometteurs pour son avenir économique?.... autant de questions qui selon des experts en économie, approchés, trouvent réponses.
D’un taux de croissance de -4% en 2011, le PIB réel de la Côte d’Ivoire a atteint 7,6% en 2017 avec un pic à 10,7% en 2012 et à 9,2% en 2015.
Grâce au dynamisme des secteurs secondaire et tertiaire, la croissance est projetée à 7,9 % en 2018 et 7,8 % en 2019, indique la Banque africaine de développement, dans son dernier rapport « Perspectives économiques en Afrique (PEA) 2018 » (janvier).
Une dynamique qui a permis au pays de retrouver sa place au niveau de la zone Uemoa (Union économique et monétaire Ouest africaine) dans laquelle elle pèse pour 40% du PIB.
Plusieurs facteurs pérennisent la bonne santé de l’économie, notamment : le dynamisme des atouts naturels du pays.
L’agriculture, la principale locomotive avec des produits exportés tels que le cacao, le café, la noix de cajou, l’hévéa, le palmier à huile, participe à la formation de 20 % du PIB et emploie environ la moitié de la population.
Le cacao, principal produit exporté pèse environ 15% du PIB du pays, assure 50% des recettes d’exportations et 2/3 des emplois directs et indirects du pays, selon les chiffres officiels du gouvernement.
Par ailleurs, le secteur minier tire aussi l’économie vers le haut. D’après le gouvernement, le chiffre d’affaires total déclaré en 2017 par le secteur des mines est de 539 milliards de francs CFA (Plus d'un milliard usd) contre 483 milliards de francs CFA (913 millions usd) en 2016, soit une hausse de 10,27%.
Outre l’atout naturel et le dynamisme de son port autonome (1er port d’Afrique de l’ouest qui mobilise plus de 80% des recettes douanières du pays) s’ajoute plusieurs autres facteurs qui ont tiré la croissance, selon N'Guessan Coffie José Francis, Doctorant en économie à l'Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, interrogé par Anadolu.
« Après la crise postélectorale, la remise de la dette a été une bouffée d’oxygène très importante pour l’économie ivoirienne, ce qui a permis de mettre en place le programme de relance économique basée sur les investissements. Autres facteurs expliquant le fait que la croissance est soutenue : l’amélioration du climat des affaires qui attire les investisseurs, ainsi que la classe moyenne qui a un pouvoir d’achat et un mode de consommation quasi similaire aux pays occidentaux», explique l’enseignant.
L’amélioration du cadre juridique, après la crise a également contribué à améliorer la croissance du pays, d’après l’économiste.
« D’un point de vue juridique, plusieurs codes ont été élaborés, notamment un nouveau code d’investissement. Celui-ci octroie des avantages importants aux investisseurs et contient des clauses expliquant que vous pouvez par exemple rapatrier vos bénéfices sans problème », explique l’expert.
« Il y a aussi des secteurs où on accorde des exonérations fiscales, ainsi que le code minier, qui attire les investisseurs et qui est en train d’être amélioré afin, qu’en favorisant l’arrivée des investisseurs, il puisse favoriser l’intégration des jeunes Ivoiriens dans la main d’œuvre de ces entreprises minières qui vont s’installer dans le papier. Sans oublier tout ce qui est fait pour alléger le délai de création d’entreprises», souligne-t-il.
- Des performances inscrites dans la durée ou conjoncturelles ?
Pour N'Guessan Coffie José Francis, « la croissance va baisser si l’économie ivoirienne n’amorce pas sa transformation ».
« Cette économie ivoirienne ne pourra pas avoir une croissance dans la durée sur 15 ans si on continue de compter sur le cacao exporté, ou sur la découverte de ressources minières etc… sans qu’il n’y ait de transformation effective. Dans tous les pays, tant qu’il n’y a pas de transformation structurelle basée sur le progrès technique qui améliore la productivité, la croissance baisse » commente l’économiste, ajoutant que, « jusqu'à présent du point de vue de l’industrialisation, on ne voit pas les choses venir ».
-Les défis :
Pour l’avenir économique du pays, l’économiste ivoirien estime que plusieurs secteurs porteurs sont à explorer, à savoir les TIC (Technologies de l'information et de la communication), le secteur financier, et surtout la transformation du secteur agricole.
« Il faut également associer, le secteur de la recherche qui pourra aider le pays à développer des produits manufacturiers issus de nos matières premières», propose-t-il.
Pour Ferdinand Bakoup, Docteur en économie et économiste en chef pour l’Afrique de l’Ouest, à la Banque africaine de développement (BAD), le salut du pays réside également dans les secteurs des biens et changeables, l’agriculture, l’agro-industrie, l’industrie, les services à haute valeur ajoutée.
« Ces secteurs de biens et changeables ont des particularités parce que leurs marchés sont infinis, vous avez le marché local, mais vous avez aussi le marché extérieur, c’est là-dessus qu’il faut mettre l’accent», soutient-il.
« D’un point de vue macro-économique, il faut avoir une bonne politique budgétaire, une stabilité macro-économique, avoir des politiques de change qui encouragent, qui soutiennent la compétitivité macro-économique du pays, cela fait aussi appel à la nécessité d’avoir une bonne politique commerciale des échanges qui seront bien ciblées, bien conçues. Il est important que nos économies se diversifient», suggère-t-il.