Afrique

Burundi: Une nouvelle impasse ?

Le dialogue inter-burundais a commencé le week-end dernier à Arusha, en Tanzanie, alors que la plateforme de l'opposition "radicale" n'a pas reçu d'invitation officielle.

Safwene Grira  | 23.05.2016 - Mıse À Jour : 23.05.2016
Burundi: Une nouvelle impasse ?

Bujumbura

AA/ Bujumbura/ Safwene Grira avec la contribution de Yvan Rukundo

Du haut du Mont Sion Gikungu, dans l'est de la capitale Bujumbura, résonnait, ce dimanche 22 mai, la prière collective de milliers de Burundais pour la paix dans leur pays. "Que ceux qui sont à Arusha convergent vers une solution durable à la crise qui secoue notre pays", vibre la voix d'un prélat, alors que l'impasse peut à chaque instant surgir d'un dialogue, lui-même "bancal", qui se tient dans la ville tanzanienne.

Pourtant, beaucoup de Burundais fondaient leurs espoirs, jusqu'à il y a peu de temps, sur ce dialogue d'Arusha, censé repêcher le pays de la crise dans laquelle il a sombré depuis plus d'un an. Après beaucoup d'hésitations, de temps-morts, de ballets diplomatiques à Bujumbura, de pressions internationales, il a été convenu d'une séance inaugurale d'un dialogue qui brasserait toutes les sensibilités. Le veto opposé par le pouvoir à la participation de la plateforme de l'opposition, semblait alors, sinon vaincu, du moins tu.

D' "inclusif", le dialogue révélait bientôt un caractère "sélectif", selon le Conseil national pour le respect de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi et l’Etat de droit (CNARED). Née en août dernier, cette plateforme de l'opposition burundaise considérée comme "radicale" par les autorités de Bujumbura a été inscrite aux abonnés absents au rendez-vous d'Arusha, faute d'invitation officielle.

"Quelques partis et organisations ainsi que certaines personnalités membres du Directoire du CNARED avaient été invités à titre personnel mais ils n'iront pas à Arusha aussi longtemps que le CNARED n'aura pas été invité comme entité à part entière", avait annoncé, la semaine dernière, un communiqué de cette plateforme de l'opposition.

Pourtant, à l'ouverture du dialogue, samedi dernier, plusieurs personnalités de partis membres du CNARED répondaient bien présent. Il s'agissait même de poids-lourds de cette plateforme, à l'instar de Frédéric Bamvunyumvira, vice-président du parti Sahwanya Frodebu et de Domitien Ndayizeye, ancien président de la République.

"Ils sont partis là [à Arusha] pour faire entendre au médiateur [l'ancien Président tanzanien Benjamin Mkapa] que toute démarche excluant les vraies parties prenantes dans la crise, c'est à dire le CNARED, est sans issue", a justifié, dans une déclaration à Anadolu, Jérémie Minani, porte-parole du CNARED, tout en reconnaissant "la défection de ceux qui veulent marcher en solo".

Le parti UPRONA, membre de la plateforme, déclarait aussi, dimanche, "apprendre avec consternation" la présence de son vice-président et de son porte-parole à Arusha. En outre, et selon les informations recueillies auprès de l’équipe de la médiation Est-africaine, toutes les personnalités de l'opposition conviées à Arusha se sont bien présentées au dialogue, à l'exception des représentants du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD). Preuve, s'il en est, que l'impasse politique repose, également, sur une crise au sein même de l'opposition, selon un diplomate tanzanien, contacté par Anadolu.

La liste des personnalités de l'opposition "radicale" qui se sont présentées à Arusha avait été "imposée, au terme d'un bras de fer, à la médiation est-africaine conduite par l'ancien Président tanzanien Benjamin Mkapa, souligne ce diplomate qui requiert l'anonymat.

"Le Gouvernement burundais a imposé cette liste de personnalités "fréquentables" de l'opposition radicale. C'était une façon, pour lui, d'accepter une sorte de dialogue incluant des sensibilités au sein du CNARED, sans perdre, pour autant, la face", a déclaré ce diplomate se réservant, toutefois, de préciser si l'idée de diviser l'opposition était présente chez le Gouvernement.

Contacté par Anadolu, Philippe Nzobonariba, secrétaire général et porte-parole du gouvernement burundais, a nié tout stratagème visant à diviser le CNARED, une plateforme que Bujumbura accuse d'avoir soutenu le putsch manqué de mai dernier et refuse, à ce titre, tout dialogue avec elle.

"Dans les faits, cette division au sein du CNARED est maintenant entamée. Ses éventuelles conséquences dépendront de la prédisposition d'une partie conséquente d'opposants à rejoindre ceux qui sont déjà à Arusha, pour les prochaines séances de dialogue", a-t-il rajouté, précisant qu'une nouvelle séance sera "probablement organisée l'été prochain".

"Deux hypothèses se présenteront: Soit le camp favorable au dialogue phagocytera l'aile la plus dure du CNARED, Soit cette plateforme se divisera, en deux entités, ce qui compliquera davantage la résolution du conflit puisque cela multipliera les vis-à-vis", a détaillé ce diplomate.

Gagnée par les divisions internes, "l'impact de l'opposition est limité et elle sombre dans les divisions et l’immobilisme", estime le professeur de Droit constitutionnel à l'Université belge d'Anvers (Belgique), Filip Reyntjens, qui dirige également une publication annuelle "l'Afrique des Grands Lacs".

Contacté par Anadolu, Reyntjens suggère que "face à cette impasse porteuse de tous les dangers", il convient de regarder en avant, vers 2020, plutôt que de revenir sur l’exercice électoral actuel.

"Il faut créer les conditions pour que le cycle électoral de 2020 devienne l’occasion d’un nouveau départ, et non une répétition, ou pire, de celui de 2015", dit-il, rappelant que conformément à un engagement qu'il a pris lui-même, le Président Pierre Nkurunziza ne sera pas candidat en 2020.

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